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Réflexions de l'iconoclaste

Article paru dans ParaMag n°398 de juillet/août 2020

LE PRÉSIDENT QUI AIME PARAMAG

« Bonne nouvelle : le président lit ParaMag », était-il écrit dans la chronique iconoclaste d’avril dernier à la lecture du compte-rendu moral qu’il a exposé lors de l’AG de la FFP du 14 mars. Mais, ô surprise, à la lecture de la lettre qu’il a adressée à toutes les écoles agréées le 23 juin* il apparaît que le président ne se borne pas à lire ParaMag : le président aime ParaMag.

On a hésité à l’écrire, mais foin de fausse modestie car dans quelque sens qu’on retourne et qu’on analyse le contenu de cette lettre présidentielle, il faut l’admettre : oui, le président aime ParaMag. La preuve ? Il applique les deux principales préconisations exposées et expliquées dans ParaMag dès le début de la crise sanitaire et de la cessation de toute activité parachutiste. Qu’on en juge :

1. Lettre FFP du 23 juin : « Cotisations agrément 2020 : sur ma proposition, le Comité Directeur fédéral en sa réunion du 22 juin, a validé l’exonération totale et définitive de la cotisation agrément 2020 pour toutes les écoles de parachutisme agréées. Les écoles ayant déjà réglé cette cotisation seront intégralement remboursées ».

ParaMag de mai (Si j’étais président) : « La première mesure aurait été à effet immédiat : une annulation totale et définitive pour toute l’année 2020 des cotisations payées annuellement par les écoles à la FFP. Avec en conséquence un dégrèvement total pour les écoles qui ne l’ont pas encore payée et un remboursement immédiat de celles qui l’ont déjà payée ».
ParaMag de juin (Le roi est-il nu ?): « C’est pourquoi il aurait été si facile de prendre immédiatement, instinctivement, intuitivement, sans de savants calculs technocratiques, la décision d’annuler les cotisations-école pour l’année 2020. Une occasion manquée pour la FFP de faire un geste de solidarité ».

2. Lettre FFP du 23 juin : « Fonds exceptionnel de reprise (aide sociale) : sur ma proposition, le Comité Directeur fédéral a également validé une aide forfaitaire de 1.800 euros par école de parachutisme agréée afin d’accompagner nos structures dans cette reprise progressive ».

ParaMag de mai (Si j’étais président) : « Une seconde mesure aurait pu être décidée très rapidement par la FFP : la création immédiate d’un fonds de solidarité afin de pouvoir financer des plans de de sauvegarde ou de relance d’activité des écoles en difficulté ».
ParaMag de juin (Demain est annulé par manque d’intérêt) : « En réponse à la crise violente et inattendue, ParaMag a très rapidement proposé, des analyses et des décisions dont pouvait découler un plan d’aide, de soutien et de relance pour les écoles répondant à la question : une fois que les écoles et DZ auront épuisé leur trésorerie, avec quoi achèteront-elles du carburant, kérosène ou autre, pour faire redécoller leurs avions ? »

En résumé, il résulte des affirmations du président que le vote favorable du Comité Directeur a eu lieu sur sa proposition personnelle, que ladite proposition a été faite un mois et demi après la parution de ParaMag, et que selon son compte-rendu moral, il lit ParaMag. C’est pourquoi on peut affirmer en toute logique que le président aime ParaMag puisqu’il s’est approprié les mesures qu’il avait lues dans ParaMag et les a proposées (« sur ma proposition ») au Comité Directeur comme si elles émanaient de lui-même.

Pour être exhaustif avec les lecteurs, évoquons ici des indiscrétions qui nous sont parvenues de sources fiables selon lesquelles une seule personne du Comité Directeur aurait voté contre l’exonération de la cotisation-école : le président lui-même. Mais ledit président aurait-il pu sérieusement voter contre des propositions qu’il a faites lui-même ? Dans la pétaudière (assemblée où règnent confusion et désordre) qu’est devenue la FFP pendant la crise, on ne sait plus qui croire…

Outre ces deux subventions, le président « acte » le 23 juin ce qu’il annonçait étudier dans sa lettre du 18 mai : un remboursement des factures des protections Covid (masques, gel…) à hauteur de 300 euros par école. Ce n’est pas une subvention pour les acheter, mais un remboursement plafonné. En comparaison aux 50.000 euros budgétisés pour la promotion de l’olympisme en 2028, ces 16.800 euros (300 X 56 écoles) sont le moins que la FFP pouvait faire.

Doit-on se satisfaire de cet aggiornamento fédéral ? Oui, car la FFP sort enfin de sa léthargie trois mois après le début du confinement et s’est décidée, sous la pression, à aider les écoles via l’exonération de la cotisation école. Cette mesure s’imposait avec une évidence telle qu’elle aurait pu être décidée immédiatement et spontanément. On ne saurait bouder le plaisir de voir le président (puisque c’est sur sa proposition que le comité directeur l’a adoptée, dit-il) s’y être rallié après l’avoir lue dans ParaMag.

Le pompeusement dénommé « Fonds exceptionnel de reprise », à savoir la subvention de 1.800 euros par école, est susceptible de deux lectures, selon qu’il sera suivi de la « seconde vague d’aides » annoncée pour septembre/octobre.
Si ce devait être la seule « vague » d’aides, elle ne saurait être satisfaisante en raison de son montant et de son caractère forfaitaire et uniforme. Disons-le tout net : un montant de 1.800 euros aide uniquement les écoles dont la trésorerie est à zéro. En revanche, c’est une goutte d’eau pour les autres. Pour une école comme celle de Lyon-Corbas dont le chiffre d’affaires tourne autour de 1.000.000 d’euros, c’est une pichenette.

En outre, et toujours si ce devait être la seule « vague » d’aides, sous couvert d’une apparente égalité (somme forfaitaire identique pour tous) la proposition du président avantage proportionnellement les petites écoles. Pour illustrer le propos, reprenons l’exemple des écoles citées ici le mois dernier (Les modalités de représentation à l’AG de la FFP) et calculons le montant par saut que représente cette subvention de 1.800 euros.
• Lyon-Corbas, 21.113 sauts en 2019, subvention de 0,08 euros/ saut (1.800/21.113).
• Strasbourg, 11.726 sauts, subvention de 0,15 euros/saut.
• Nancy, 11.056 sauts, subvention de 0,16 euros/saut.
• Metz, 3.174 sauts, subvention de 0,56 euros par saut.
• Laval : 3.025 sauts, subvention de 0,59 euros/saut.

En revanche, si ces 1.800 euros sont conçus uniquement pour répondre à la question posée dans ParaMag en juin (une fois que les écoles et DZ auront épuisé leur trésorerie, avec quoi achèteront-elles du carburant, kérosène ou autre, pour faire redécoller leurs avions ?), et si la « seconde vague d’aides pour les établissements en grande difficulté » annoncée par le président pour cet automne a bien lieu, alors la réponse est pertinente. On n’ira pas jusqu’à demander comment a été fixé le chiffre de 1.800 euros : pourquoi, pourquoi pas ?

Il est en tout état de cause consternant de lire que les bonnes intentions affirmées en 1ère page de la lettre présidentielle du 23 juin ; « un soutien des structures en difficulté, un soutien en direction des écoles les plus fragilisées », soient aussitôt totalement démenties et contredites en 2nde page où il est énoncé que :

« saupoudrer de l’argent à toutes nos écoles n’était pas cohérent », alors que c’est exactement ce qui est fait.

• Cette subvention uniforme serait consécutive à « une analyse complète des situations des écoles, en fonction de leur statut juridique, de leurs endettements, de leurs emprunts et de leur masse salariale, chaque entité sera impactée différemment », auquel cas elle devrait être différente pour chaque situation et non uniforme et forfaitaire.

• il s’agirait d’une « stratégie » qui « devrait se traduire par un soutien sans faille et ciblé en direction des écoles les plus fragilisées », alors qu’elle est tout le contraire : non pas ciblée, mais générale et uniforme.

Le président se plaint que sa « stratégie » qui lui « semble la plus appropriée » soit « souvent décriée » alors qu’il n’a jamais exposé nulle part sa « stratégie » ni même laissé entendre qu’il en aurait une. Décriée par qui ? C’est un peu fort de café de lire un tel gémissement présidentiel, dans lequel on peut voir le syndrome de la citadelle assiégée bien connu en psychologie, alors que sa « stratégie » n’est ni plus ni moins que celle qu’il a lue dans ParaMag : exonération de la cotisation école, aide à l’achat de carburant et de matériel pour redémarrer, fonds de solidarité afin de pouvoir financer des plans de sauvegarde ou de relance d’activité des écoles en difficulté.

Puisqu’il s’est approprié la stratégie exposée dans ParaMag, et c’est tant mieux dans l’intérêt du parachutisme, le président pourrait mettre en œuvre une autre mesure exposée dans ParaMag :

ParaMag de mai (Si j’étais président) : « Une troisième mesure aurait pu être annoncée par la FFP : la mise en place d’un comité de pilotage directement accessible par les écoles et les clubs pour aider et conseiller celles et ceux qui en éprouveraient le besoin. Ce comité serait composé d’avocats pour l’aspect juridique, d’experts-comptables pour l’aspect gestion, de techniciens pour l’adaptation au parachutisme, et d’élus de terrain et d’élus fédéraux pour leurs connaissances pratiques. Ce comité de pilotage aurait une mission d’information et de conseil, et une mission de validation des plans de continuation, de sauvegarde ou de sortie de crise, qui lui seraient présentés par des écoles ou des clubs ».

Un comité autonome et de confiance pour mettre en place, sans aucune arrière-pensée de favoritisme ou de copinage, des aides « ciblées » après « analyse complète des situations des écoles » avec des professionnels des entreprises en difficulté, ce qui est un vrai métier de terrain et d’expérience qui ne s’apprend guère dans les universités. Un comité garantissant l’impartialité de l’imputation des subventions.

Un vrai leader est d’abord un coordinateur de compétences qui sait reconnaitre et valoriser celles des autres dans l’intérêt général, non celui qui se les approprie ou qui les concentre. Le parachutisme fédéral pourrait bien s’en inspirer pour la gestion de la crise. Chiche ?

« Une seconde vague d’aides (pas de Covid, du moins l’espère-t-on) pourra avoir lieu en septembre/octobre. La fédération s’y engage », a écrit le président. S’y engage, mais en disant « pourra avoir lieu » qui n’engage que ceux qui le croient et non « aura lieu » qui engage celui qui affirme. Qui va la concevoir, la structurer, la décider, la répartir ? Quel budget y sera consacré ? Quels seront les critères d’attribution ? Il est vrai que le président y joue sa réélection deux mois après et que peu nombreux sont les électeurs qui font l’élection (Les modalités de représentation à l’AG de la FFP, ParaMag juin 2020).

 

* En date du 23 juin 2020, la FFP a édité une nouvelle lettre d’information (la quatorzième depuis le début de la crise) adressée aux présidents de ligues, comités départementaux, présidents et gérants des écoles agréées, au sujet des dispositions sanitaires liées au Covid-19, de la reprise de l'activité et de l'aide aux structures. Elle est téléchargeable sur ici.

À lire également, du même auteur, sur le même sujet :
"Le roi est il nu ?" (ParaMag de juin)
"Demain est annulé par manque d'intérêt" (ParaMag de juin)
"Si j'étais président" (ParaMag de mai)
"Le jour d'après" (ParaMag d'avril)

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