Accueil » Extrême » Tokyo Dive

Vidéos

Extrême, Wingsuit

Tokyo Dive

Une première mondiale au Japon, estampillée "Soul Flyers"

Après Avoriaz et les pyramides d’Égypte en 2021, le TaJ Mahal en 2022, Fred Fugen et Vincent Cotte (dit "Veush") ont réalisé, le mois dernier, encore une autre première sur un site fabuleux, au cœur de Tokyo.
Un vol de proximité en wingsuit engagé, un atterrissage pointu dans un environnement hyper urbain où le parachutisme n'a qu'une place infime. Fred et "Veush" y ont trouvé la leur, intensément.

Photo Suguru Saito / Red Bull Content Pool

Interview de Fred Fugen, par Red Bull Content Pool
Introduction par Bruno Passe

Article à apprécier de préférence sur écran large, tablette ou ordinateur.

L’exploit a été réalisé le 17 mai 2023. ParaMag revient posément sur le sujet ce mois-ci en "décortiquant" les images qui se sont propagées rapidement sur les réseaux sociaux et dans certains médias, dont la télévision japonaise.

Les images de Tokyo Dive ont été diffusées sur Fuji News Network. Rien que sur leur page YouTube, elles ont été vues 1,5 millions de fois.

Un exploit parmi tant d'autres pourrait-on dire…, Fred Fugen et ses coéquipiers en ont réalisés tellement, les plus récents (fin 2022, début 2023) étant des vols de proximité et en patrouille du Mont-Blanc à Chamonix (3 minutes et 5 secondes de vol sur une distance de 7,5 kilomètres et un dénivelé de 3650 mètres), à Valfréjus, à La Clusaz (dont une démonstration publique pour Freeride World Qualifier et un vol de patrouille à 5, hallucinant, le long des remontées mécaniques).

Et avant cela, dans la série "montagne", il y avait eu aussi la démonstration aux Portes du Soleil, en mars 2022, lors du festival Rock the Pistes, en Suisse.

Le phénomène de "série" ne doit pas faire oublier la performance et l'esprit. Le journaliste Alexandre Buslain ne s'y est pas trompé dans son article publié en mai dernier sur DH Les Sports.

"L'histoire de Fred Fugen est bien plus qu'une série d'exploits. C'est un récit d'engagement, de détermination et de dépassement de soi. Il incarne l'esprit de l'aventure et montre que les limites ne sont que des barrières temporaires, faites pour être franchies."

Cet esprit, c'est aussi celui des Soul Flyers, cofondés en 2022 par Loïc Jean-Albert et ses coéquipiers de l'époque, rejoints en 2006 par Fred et son inséparable binôme : le regretté Vince Reffet, disparu accidentellement en novembre 2020 à Dubaï lors d'un vol en aile motorisé de type Jetman.

Au Japon, pour ce nouvel exploit estampillé "Soul Flyers", c'est Vincent Cotte, engagé désormais très régulièrement aux côtés de Fred, que l'on retrouve survolant Tokyo pour les caméras de Red Bull.

Avec ce premier saut et ce premier vol urbain en wingsuit au-dessus de la capitale japonaise, les Soul Flyers ont placé la barre très-très haute. Sur le plan réglementaire, c'est un saut quasiment impossible à réaliser, et sur le plan technique cette fois encore c'est celle - très spécifique - de la ressource en wingsuit qui rend accessible un tel scénario.

La vue embarquée de Fred Fugen, au moment où il vient de dépasser les tours. En arrière-plan, Vincent Cotte est en début de ressource. Photo Fred Fugen / Red Bull Content Pool

Rappelons que c'est en 2020 au phare de la Coubre, en Charente-Maritime, que les Soul Flyers, Fred et Vince, avaient mis en pratique cette nouvelle technique pour un exploit médiatique. Il était intitulé "Ressource".

Cette technique, que nous avons expliquée en détails dans notre article intitulé "La ressource en wingsuit, super-pouvoir ou singularité aérodynamique ?" (publié en avril 2022), est désormais utilisée régulièrement par les pilotes de l'extrême. En leur apportant quelques précieux mètres supplémentaires dans leurs trajectoires, elle leur ouvre de nouvelles opportunités, et ce saut sur Tokyo en est une.

Voici comment Fred Jugen a raconté les coulisses et le déroulement de ce projet - intitulé "Tokyo Dive" - à Red Bull Content Pool.

INTERVIEW DE FRED FUGEN,
par Red Bull Content Pool

Photo Suguru Saito / Red Bull Content Pool

 

La "mairie" de Tokyo en cœur de cible

C'est sur le Siège du gouvernement métropolitain de Tokyo, mythique bâtiment trônant dans le quartier de Nishi Shinjuku, dans l'arrondissement de Shinjuku, que les Soul Flyers ont sauté. Comme l'immeuble est situé en plein cœur du centre de Tokyo, son nom composé est souvent traduit par "mairie" de Tokyo. Il est considéré comme un lieu majeur de la ville et on le retrouve régulièrement dans des films (Godzilla, Ghost in the Shell, par exemple), des animations ou des jeux vidéos.

Dans la vraie vie, Fred Fugen et Vincent Cotte l'ont carrément "traversé" ! Ils ont choisi ce bâtiment pour sa forme très spéciale, avec ses deux tours jumelles au sommet, on pourrait aussi parler de tours "siamoises".

Fred Fugen va s'aligner sur l'axe du vol de proximité, schématisé par la flèche rouge. La petite flèche orange indique la position de la zone d'atterrissage, sur un toit d'immeuble et à proximité du Keio Plaza Hotel. Photo Vincent Cotte/ Red Bull Content Pool

"Il y a un an, Vincent et moi sommes entrés en contact avec Red Bull Japon pour organiser un projet en wingsuit là-bas. C’est un pays que je ne connaissais pas du tout. Le parachutisme n’y est pas très développé et j'avais envie d'y réaliser un projet. Jusqu’à présent, aucun vol en wingsuit n’avait été fait au-dessus de Tokyo.

On a d’abord commencé par chercher des spots où on pouvait voler et on s’est très vite intéressés à cet immeuble, le Siège du gouvernement métropolitain de Tokyo…"

Une seule chance

Mais sauter en parachute au-dessus d’une telle ville n’est pas si simple et plusieurs mois se sont écoulés avant que les indispensables autorisations finissent par arriver.

"Lorsqu’on les a enfin reçues, on était déjà sur place : la préparation a été quasi nulle ! Et nous avons obtenu l'autorisation pour un seul et unique saut, dans un créneau de trois jours, entre le 15 et 18 mai. Ça a été la grosse difficulté de ce projet. On n’a pas pu faire de repérages préalables, ni même nous entraîner. C’était un one shot, ça met une pression monstre.

C'est-à-dire qu'on avait qu'un seul saut, une seule chance, un seul essai et en vol nous avions à gérer notre trajectoire, notre vitesse, notre angle d'attaque.

Il faut savoir que nous n'avons pas d'instrument, contrairement à un avion, tout repose sur nos sensations, notre expérience, et sur le visuel. C'est tout ce dont nous disposons pour analyser et faire que le saut se passe bien.

C'est le genre de saut que l'on ne fait qu'une fois dans sa vie, et pour lequel on s'entraîne durant toute sa vie."

6 heures du mat, Tokyo s’éveille

Avec une population qui dépasse les 37 millions d'habitants, l'agglomération de Tokyo est considérée comme la plus grande ville du monde, sur le plan démographique. Sa superficie est tout aussi gigantesque, le "centre ville" s'étend sur 2.188 km2(pour donner un ordre de comparaison, Paris c'est 105 km2), il abrite 8,5 millions d'habitants, 13,8 autres millions pour "le grand Tokyo" et plus de 37 millions pour toute l'agglomération. On peut donc imaginer le flash visuel qu'ont reçu Fred Fugen et Vincent Cotte durant la montée en hélicoptère.

Après avoir sauté de l'hélicoptère à 2500 mètres, Fred Fugen prend du plaisir dans des transitions vol à plat / vol dos. La vision sur l'étendue de la ville de Tokyo est intense. Photo Vincent Cotte/ Red Bull Content Pool

"On a sauté le 17 mai, très tôt le matin. On a décollé à 6 heures pour sauter à 6h30. Ça ne se voit d’ailleurs pas du tout sur les images puisqu’en ce moment, le soleil se lève à 4h40. C'était beaucoup d'émotions, de très grosses émotions, c'était très impressionnant. Nous avons réalisé que c'était très intense visuellement pour nous, avant même de quitter l'hélicoptère, en regardant vers le bas, en découvrant tout cette étendue de la ville de Tokyo sur laquelle nous allions sauter."

Départ à 2500 mètres

À cette hauteur, ça laisse une certaine marge, une marge nécessaire, car dans l'hélicoptère, le vent d'altitude se faisait déjà ressentir. La première partie du saut est un long survol de la ville, avec quelques tonneaux pour Fred qui est filmé par Vincent. La deuxième phase de vol est beaucoup plus intense avec le passage entre les deux tours jumelles. Mais entre les deux, il y a eu un changement de direction important. Ce changement a été rendu possible grâce aux radios embarquées qui leur permettent de communiquer en chute et en vol.

Fred Fugen en vol vers le Siège du gouvernement métropolitain de Tokyo (dit "la mairie de Tokyo"). En dehors des systèmes radios, dont on distingue l'implantation à l'arrière du casque, c'est un vol sans instrument : tout repose sur les sensations, l'expérience et le visuel. Photo Vincent Cotte/ Red Bull Content Pool

"Lorsque nous avons sauté de l'hélicoptère, j'ai poussé un cri, c'était un cri de joie, c'était déjà une partie du stress qui s'en allait. Lorsque tu es en l'air, tu prends plaisir à voler dans le ciel, mais tu sais que le saut a démarré et qu'il va falloir garder toute la concentration pour s'assurer que la trajectoire est bonne.

Quand on est partis, après quelques secondes de vol, on s’est rendu compte qu’on était contrés par le vent en altitude. Il a donc fallu prendre une décision en plein vol et changer d'orientation. Ce changement nous a permis non seulement d'arriver sur la trajectoire finale qu’on avait imaginé, mais aussi d’ouvrir à la bonne hauteur et de nous poser en toute sécurité."

Fred Fugen s'engage entre les deux tours jumelles, il est suivi de près par Vincent Cotte, qui le filme. En peu plus bas, dans son axe de vol, on distingue le petit carré vert de la zone d'atterrissage. Photo Vincent Cotte/ Red Bull Content Pool

Un atterrissage de grande précision

Car la deuxième grande difficulté de cette première, c'était l'atterrissage. La zone de poser, c’était un toit d'immeuble perché à 30 mètres de haut, qui mesure 30 mètres sur 30 et qui est entourée d'autres immeubles !

"C’était un saut complexe et réalisable uniquement avec une bonne météo. Et sans vent fort au sol, car les turbulences qui peuvent être provoquées avec les immeubles comportent un risque majeur pour nous. Il ne fallait donc pas de vent du tout pour que l’atterrissage se passe bien. Par chance, il n'y en a pas eu."

Cette photo démontre la complexité de l'atterrissage de précision, sur un toit niché entre deux buildings. Photo So Hasegawa / Red Bull Content Pool

Une belle réussite

Fred conclut devant les caméras de Red Bull :

"C'était une énorme opportunité de pouvoir venir sauter ici. C'est assurément un saut très-très spécial, c'est un des plus beaux sauts que nous avons faits dans notre vie.

C'est un grand honneur d'être ici, à Tokyo, au Japon pour ce premier saut en wingsuit sur la capitale. C'est certain : nous nous en souviendrons durant toute notre vie !

C'est aussi un des sauts les plus techniques et un des plus impressionnants que nous ayons faits. Le projet est une belle réussite. On est hyper honorés d'avoir mené à bien ce vol historique qu'on aimerait reproduire au-dessus d'autres grandes villes du globe. Pourquoi pas Paris ?"

Explosion de joie pour Fred Fugen (à gauche) et Vincent Cotte, juste après cette première réussie sur Tokyo. Photo Keisuke Kato / Red Bull Content Pool

GALERIE PHOTOS

Encore plus de photos de Tokyo Dive avec les preneurs d'images Red Bull Content Pool :
©Soul Flyers, ©Fred Fugen, ©Vincent Cotte, ©Suguru Saito, ©So Hasegawa, ©Keisuke Kato (Cliquer sur une des photos pour l’agrandir et afficher la galerie en mode diaporama).

À lire/voir également
● L'article "La ressource en wingsuit, super-pouvoir ou singularité aérodynamique ?", publié sur ParaMag-fr en avril 2022.
● Le reportage Fuji News Network (en japonais).
● L'article d'Alexandre Buslain publié en mai 2023 sur DH Les Sports.

Paramag et vous

ParaMag est présent sur les réseaux sociaux. Instagram Page Facebook Groupe Facebook