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Records de freefly en grande formation

La vision de Greg Crozier, AirWax Team

La vue embarquée de Greg Crozier durant un des sauts du double record de l'état de Floride : 42 et 47 "tête en haut" réalisé à Skydive Sebastian en mars 2023.

C’est un privilège de pouvoir établir ou battre un record de France et un honneur de représenter son pays pour battre un record d’Europe ou même du monde !
Mais finalement, quelle est la recette pour battre ces records ? Et bien, les réponses se trouvent dans les records précédents. Entre ceux qui ont réussi et ceux qui ont échoué, je vous propose de découvrir quelques ingrédients nécessaires pour réussir un record.


Par Greg Crozier, AirWax Team

(Menu de navigation par chapitre)
La sélection
La préparation
La stratégie
Conclusion
Petit lexique illustré du freeflyer
Aiwax et les big ways

La sélection est fondamentale pour réunir les parachutistes qui constitueront l’équipe du record.
Le big way est une discipline à part entière :
- il faut connaître et maitriser les sorties et les approches en mode flotteur et en mode piqueur,
- Il faut connaître ses points forts pour déterminer la position dans la formation dans laquelle on sera le plus solide. Elle est en grande partie déterminée en fonction de son gabarit, son expérience et de ses préférences pour ceux qui en ont (aisance main droite ou gauche),
- il faut maitriser les séparations de big way : le 180 par rapport au centre de la formation puis l’horizontalisation progressive qui amène au demi-tonneau.
- Sous voile, il faut maitriser l’étagement, le vol en sécurité et le posé avec beaucoup de voiles à proximité.

Voici quelques conseils avant d’aller voler dans des formations de plus de 2 avions, donc du +30 personnes.

■ Participer à plusieurs entraînements en big way à 9 ou 14 (base à 4 + 1 ou 2 POD de 5). L’expérience de la base est importante dans un premier temps, mais bien sûr ce qu’on va rapidement rechercher sur du 9 ou du 14, c’est l’entrainement à tous les postes principaux : 1er stinger, 2° stinger et POD closer. Le meilleur moyen pour connaitre son poste préféré et pour avoir conscience du travail de chacun, c’est de tous les avoir expérimentés et réussis. Cela permet également d’être affecté à un autre post le jour du record, en cas de besoin.

Sur cette photo prise durant un rassemblement "Vertical Boost" à Pujaut, on voit le travail du POD de 5 à gauche dans lequel les freeflyers réalisent un super exercice de stadium. Photo Ewan Cowie

■ Cette taille permet de s’entrainer dans les meilleures conditions :
- petites distances d’approche,
- orientation de la base facile à maintenir,
- peu de tensions grâce à l’absence d’autres PODS, donc pas de problèmes de symétrie.
Chacun peut calmement perfectionner ses aptitudes, son niveau et sa position avant le grip (Astuce: je vous conseille de réaliser un contact pendant 1 seconde avec le dos de la main avant de le transformer en grip).

■ Rappel sur l’orientation de son buste :
- 90° pour les 1er stingers, puis présentation du bras opposé au grip à 45°,
- 45° pour les 2eme stingers, puis présentation du bras opposé au grip à 45°,
- une fois le pod closer en place et grippé, une dernière mise à niveau s’observe et la forme du POD s’arrondit.

■ Cette taille de 9 ou 14 permet également de voler longtemps à chaque poste. C’est déterminant pour former de bons "big ways flyers ". L’objectif est de voler :
- 25 secondes grippé pour les 4 1er stinger,
- 20 secondes grippé pour les 4 2nd stingers,
- 15 secondes grippé pour les 2 POD closer.

Encore un "Vertical Boost" à Pujaut, avec un exercice spécial pour entraîner 2 wackers (un en haut à droite, en noir, et un autre en bas à droite, en blanc) sur un POD de 3 au lieu de 5. Ce type d’exercice peut se faire avec des petites formations de seulement 13/14 freeflyers. Photo Ewan Cowie

D'ailleurs, puisqu'on parle de temps, il faut prêter attention aussi à la stratégie de sortie d'avion! Pour que les piqueurs aient un temps de travail similaire aux flotteurs, il faut essayer de respecter la répartition de 60% de flotteurs pour 40% de piqueurs. Ces deux approches sont différentes et spécifiques mais si les piqueurs sont trop nombreux, les derniers sortent de l'avion trop longtemps après la base. Selon les avions utilisés, cela peut demander à la base à 4 de ne pas être nécessairement à la porte pour le départ du saut.

Lorsque l’entrainement à 9 ou à 14 est terminé, l’entrainement à 30 peut avoir lieu et les sélections pour des formations plus grandes peuvent débuter.

Maintenant que vous avez pu valider ces compétences, il est plus facile d’aller voler dans des formations 2 à 3 fois plus grandes, c'est à dire de 30 à 50 parachutistes (2 ou 3 avions). Les distances et les temps d’approches augmentent, les temps grippés diminuent, les séparations et le trafic sous voile se complexifient.

Séparation lors d'une tentative à 200 en 2018 à Skydive Chicago. Photo Ewan Cowie

Si vous êtes à l’aise et compétent sur cette taille, vous pourrez passer plus facilement à des formations encore plus grandes. Cette logique de progression est idéale, même si peu de gens s’accordent le temps de la suivre.

Il convient pour les organisateurs de bien sélectionner leur équipe de record, quel que soit l’objectif/nombre final.
Faire venir 2 ou 3 personnes en réserve en cas de problèmes de santé ou d’incidents est une bonne idée, mais une grande réserve n’est pas utile si la sélection en amont a bien été faite.

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La préparation

Maintenant que les entraînements et les sélections ont eu lieu, la préparation est simple : la base doit être prête !!!

En effet, la base doit fonctionner avant la tentative numéro 1. La veille ou 2 jours avant si nécessaire, la base doit être prête à accueillir le reste des participants.
Pour les grandes formations, en plus de la "base", on parle même du coeur central qui doit à coup sûr se construire et maintenir sa forme. C’est environ 25% de la taille que l’on souhaite atteindre et il est logique qu’elle soit prête avant la première tentative. Par exemple :
- la base à 6 pour les vols à 25,
- la base à 6 + les 4 1er stingers, pour les vols de 40 à 50,
- la base à 8 + les 8 1er stingers, pour les vols de 60 à 80,
- la base à 8 + les 4 1er PODS complets, pour les vols de 100 à 120,
- la base à 10 + les 5 1er PODS complets, pour les vols de 140 à 160,
- la base à 10 + les 5 1er PODS complets + bridge, pour les vols de 180 à 200.

$$$. C’est là la première difficulté financière : des frais supplémentaires à prévoir pour que la base se prépare avant. Et aussi pour prendre en charge la plupart des personnes qui la constituent, parce que c’est un travail difficile souvent réalisé par des flyers très expérimentés.

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La stratégie

Quelle est la stratégie qui a connu le plus de succès ?
C’est celle qui a pour objectif battre 2 ou 3 records plutôt que de n’en battre qu’1…

Voici un exemple théorique :

JOUR 1
- Saut 1 : base (donc 25% de la taille) + 25% autorisés à gripper. Soit 50% max de personnes grippées,
- Répétition du saut 1 si tout le monde n’était pas grippé,
- Saut 2 : 2 ou 3 personnes de plus par branches ont le droit de gripper,
- Saut 3 : 2 ou 3 personnes de plus par branches ont le droit de gripper,
- Saut 4 et 5 : on laisse tout le monde essayer de gripper.

JOUR 2 ou 3
- On descend à la taille minimum par rapport au précédent record, soit entre 4 et 10 personnes de plus seulement… Ce sont les fameux 10% MAX !! "DON’T BREAK THE 10%"

$$$. C’est là la seconde difficulté financière : des frais supplémentaires à prévoir parce que les avions ne sont plus aussi remplis.

▪︎ si le précédent record était à 21, on passe aux tentatives à 25, même si l’objectif est 30 !
▪︎ si le précédent record était à 38, on passe aux tentatives à 42, même si l’objectif est 50 !
▪︎ si le précédent record était à 48, on passe aux tentatives à 54, même si l’objectif est 60 !
▪︎ si le précédent record était à 164, on passe aux tentatives à 180, même si l’objectif est 200 !

Le but à ce moment-là est de faire un record en seulement 1 ou 2 sauts, pour de nombreuses raisons :
- soulager l’ensemble des participants qui font un bon travail depuis le début,
- rééquilibrer l’énergie du groupe et recréer la cohésion,
- réintégrer ceux restés au sol au plus vite.

Il faut savoir prendre cette décision tôt et aussi savoir rajouter d’autres personnes progressivement : encore une fois, 2 ou 3 personnes de plus par branches est suffisant.
Un nouveau record arrive souvent vite.

À partir de ce second record, l’évènement est déjà un succès et cela permet de sauter avec le maximum du nombre de participants au jour 3 ou 4, si la météo a été capricieuse.

Il n'aura manqué que quelques secondes pour compléter cette formation à 200, lors des tentatives de 2018 à Skydive Chicago. Photo Norman Kent

Lorsque cette stratégie n’est pas suivie, malgré de nombreuses tentatives, la marche est souvent trop grande à franchir ! Pourquoi tenter de battre un record 20% plus grand est si difficile ? Principalement parce que cela représente beaucoup plus que 20% de difficultés supplémentaire.
Tous les participants du précédent record ne reviennent pas systématiquement. Il y a souvent entre 20 et 50% de nouveaux flyers, donc "répéter" le précédent record/nombre demanderait probablement déjà 2 ou 3 sauts.

Exemple de multiples records de 2011 à 2023, réussis en commençant par un petit nombre :
- les 33,38 et 40 HD français,
- les 55 et 72 HU américains,
- le 72 et 80 du Project 19 (féminin),
- les 42 et 47 HU américains.

Voilà les ingrédients pour réunir un maximum de chances pour réussir un record : Une bonne sélection, une réelle préparation en amont et une stratégie réaliste.

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***

Pour conclure cet article, je souhaiterais vous proposer ce qui me semblerait judicieux pour les prochains records,
Cela implique bien sûr des décisions et des budgets prévisionnels à définir précisément en amont :

Sachant que le dernier record de France tête en bas était à 48, la procédure serait la suivante :
- 4 ou 5 sauts à 60 avec grips progressifs,
- (record à 50 si beaucoup de nouveaux participants),
- Record à 54 ou 56,
- Record à 60.
Pas de réserve.

Le prochain record du monde de tête en haut à 100, sachant que le dernier est à 84 :
- 4 ou 5 sauts à 100 avec grips progressifs,
- record à 90,
- record à 96,
- record à 100, voir 102 !
Réserve de 5 personnes et possibilité avec les places avion de faire un 105.

Le prochain record du monde tête en bas à 200 (3ème tentative), sachant qui le dernier est à 164 :
- 4 ou 5 sauts à 200 avec grips progressifs,
- record à 170,
- record à 185,
- record à 200.
Réserve de 10 personnes et possibilité avec les places avion de faire un 210.

Ne pas avoir battu la plus grande formation de freefly établi depuis 2015 m’a motivé à écrire cet article. En effet, en sept ans, la stratégie de réaliser plus de 30 tentatives à 200 pour battre un 164 n’a pas fonctionné. Beaucoup de formations à 180 et 190 sur ces tentatives à 200 ont volé, mais ne sont pas officialisées.

Je prends malgré tout, toujours beaucoup de plaisir à participer aux records de freefly, j’espère en battre encore beaucoup et surtout ce magnifique 164 !

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Le record du monde de grande formation tête en bas à 164 freeflyers réalisé le 31 juillet 2015, à Skydive Chicago. Depuis 8 ans, ce record reste à battre. Photo Jon Devore

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PETIT LEXIQUE ILLUSTRÉ DU FREEFLYER

“Stinger”, “POD”, “POD closer”, “wacker” et “bridge”, voici quelques éclaircissements sur ce langage très technique et spécifique.


Dénomination des postes au sein d'une figure à 14 (croquis ci-dessus) :
▪︎ A-1, A-2, A-3, A-4 constituent la base sur laquelle sont connectés 2 POD de 5 flyers.
▪︎ Dans le POD du bas : A-5 et A-6 sont 1ers stingers. A-7 et A-8 sont 2° stingers. A-9 est POD closer.
▪︎ Dans le POD du haut, en position miroir : A10 et A11 sont 1ers stingers. A12 et A13 sont 2° stingers. A14 est POD closer.

 

Croquis de la formation à 200 tentée en 2018 à Skydive Chicago :

À partir d'une certaine taille de formation, généralement plus de 30, se mettent en place des wackers et des bridges.

Sur le croquis des tentatives à 200 en 2018 à Skydive Chicago (ci-dessus et ci-dessous), nous mettons en exergue une partie de la figure afin de mieux visualiser ces postes.


Certains wackers sont ainsi visibles sur les postes 109, 169, 101 et 161. Un wacker se connecte par une prise seulement et en solo sur un POD.

Dans les très grandes formations, lorsqu'il y a 5 ou 6 POD connectés sur la base, il est possible (voir nécessaire), de construire des bridges.
Le bridge est constitué d'une ligne de 3 flyers dont chaque extrémité est connectée par une prise seulement entre deux POD. Sur le croquis ci-dessus, le bridge mis en exergue est composé des postes 48, 49 et 50.

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AIRWAX ET LES BIG WAYS FREEFLY

Dans la catégorie "parachutiste", la FAI (fédération aéronautique internationale) recense les records des plus grandes formations en chute libre, en tenant compte des positions de vol [à plat, tête en bas ou tête en haut] et des genres [groupe mixte ou exclusivement féminin].

Dans cette catégorie et dans les positions verticales [tête en bas ou tête en haut], voici le palmarès d'Airwax Team :
Karine :
6 records du monde (dont 3 féminins)
2 records d'Europe
2 records d'états US
6 records de France

Greg :
4 records du monde
2 records d'Europe
2 records d'états US
7 records de France

Et voici les évènements et les tailles des formations freefly auxquels ils ont participé pour y parvenir :

2023  Double record d’état de Floride à 42 puis à 47 [tête en haut]

2022  Double record du monde féminin à 72 puis 80 [tête en bas] (article ParaMag.fr)
2022  Tentatives de record du monde à 200 [tête en bas] (article ParaMag.fr)

2021  Record de France à 21 [tête en haut] (article ParaMag.fr)
2021  Record de France de séquence : 2 points à 18 [tête en bas]

2019  Record du monde à 84 [tête en haut] (article ParaMag n°388)

2018  Tentatives de record du monde à 200 [tête en bas] (article ParaMag n°376)

2017  Tentatives de record de France à 60 [tête en bas]

2016  Double record du monde à 55 puis à 72 [tête en haut] (article ParaMag n°348)

2015  Record du monde à 164 [tête en bas] (article ParaMag n°340)

2014  Record de France à 48 [tête en bas]

2013  Record du monde féminin à 63 [tête en bas] (article ParaMag n°320)
2013  Record d’Europe à 96 [tête en bas]

2011  Record d’Europe à 80 [tête en bas]
2011  Records de France à 33, à 38 et à 40 [tête en bas] (article ParaMag n°292)

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À lire également, sur le même sujet...

● Article "Double record en Floride" sur le 42 et le 47 "tête en haut" réussi à Skydive Sebastian en mars 2023. Texte par Karine Joly.

● Article "Le 164 a la peau dure", le récit d’Anthony Malié sur les tentatives de record du monde de grande formation tête en bas à 200 organisées en août 2022, à Skydive Chicago.

● Article "1er record français à 21 en freefly", d’après Arnaud Fletcher, paru dans le ParaMag n°244 de septembre 2007.

 

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