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Record de France "TBS"

Deux points à 34


Le 27 mai 2024, à 19h31, un nouveau record de France "TBS" de deux figures à 34 a été réalisé à Saint Florentin, chez Paris Jump. Mais au fait, c'est quoi un "record TBS" ?

Par Bruno Passe, d'après une interview de Polo Grisoni

Le sigle "TBS" signifie "total break sequential", en français : "séquence avec lâcher total". En vol relatif de grande formation, le "break total", lâcher de toutes les prises entre chaque figure, consiste à marquer une séparation entre tous les parachutistes, comme entre deux figures libres du programme de vol relatif séquenciel à 4 et à 8.

La séquence en grande formation est une discipline qui existe depuis 2013, lorsqu'elle fut proposée à la FAI (fédération aéronautique internationale) par l'Américain BJ Worth, dans le but de relancer l'engouement pour les records du monde.

Le premier point du record de France TBS à 34. Photo Guy Marceaux

Le deuxième point du record de France TBS à 34. Photo Guy Marceaux

Cette année-là, lors de la réunion de la CIP (commission parachutiste internationale au sein de la FAI), la nouvelle discipline de séquence en grande formation fut adoptée car les objectifs en matière de record du monde de vol relatif étaient devenus très peu envisageables après la réalisation de l'incroyable formation record à 400. À date, c'était le record à battre, record du monde de grande formation réalisé en Thaïlande en 2006 avec des moyens exceptionnels, et ce record reste invaincu.

Le nouveau règlement proposé par BJ Worth allait permettre de tenter des records bien en dessous du chiffre 400, mais exaltés par la réalisation de séquences. En plus de la taille de la figure, déterminée en fait par son nombre de participants, le nouveau règlement tenait compte du nombre de figures complétées, d'où le nom de "séquence en grande formation".

Mais comme il fallait bien se référer à une taille, à un nombre, pour qu'un saut de séquence en grande formation soit homologué comme record du monde, le minimum était fixé à 25% du nombre des participants composant le record de grande formation en date.

Par exemple, sur la base du 400, le chiffre 100 pouvait être envisagé pour un record du monde de séquence en grande formation. Charge ensuite aux participants de réaliser le plus grand nombre de figures à 100 pour établir un nouveau record, et à d'autres de faire encore plus pour le battre. Ou de tenter sur un chiffre plus grand. L'autre point important du règlement de 2013 stipule qu'au moins 35% du nombre de personnes faisant partie d'un saut doivent changer de place dans la formation.

 

En "mode record", le moindre détail compte…

…Et ça nécessite une attention particulière qui peut aller jusqu'à devoir s'allonger dans l'herbe pour y construire la figure. Photos Guy Marceaux

Ce règlement s'applique dans diverses catégories : mondiale, continentale, et dans les catégories dérivées féminine et POPS. À noter que les règlements nationaux relèvent de la responsabilité de la fédération de chaque pays. Bien qu'ils puissent varier, il est souhaitable qu'ils soient inspirés par ceux établis par la CIP.

Dans une catégorie donnée, si un record de grande formation est, par exemple, une figure à 160, il faut donc au minimum 40 personnes pour tenter un record de séquence "grande formation". Ce règlement s'applique au vol relatif, mais également aux autres configurations de chute, tête en haut, tête en bas..., et aussi au voile contact.

Donc, durant six ans, de 2013 à 2019, la stratégie pour réaliser des records du monde de séquence en grande formation consistait à réaliser une séquence (de 2, 3 points, voire plus) où 65% des participants formaient une base statique, tandis qu'en périphérie, les 35% restants construisaient les points sur cette base.

En vol relatif, il y eut quelques records et tentatives à plus de 200 (2 points), à plus de 100 (plusieurs points) et aussi beaucoup d'autres dans des tailles plus petites. Selon sa catégorie, sa discipline et son nombre de personnes impliquées, un record de séquence n'était donc pas forcément difficile à réaliser techniquement. Par exemple, s'il comptait 40 personnes (parce que la plus grande formation record de cette catégorie était 160), 14 personnes seulement devaient construire les points sur une base statique à 26.

C'est ainsi que de nombreux records furent réalisés dans toutes les catégories, jusqu'à ce que la pensée quasi générale s'installe : "Trop de records tuent le record".

À Saint-Florentin, sur l'aérodrome de Chéu, les deux avions sont prêts, au premier plan le Cessna Grand Caravan, dit "Supervan" basé à l'année chez Paris Jump. Vue de face : le Twin Otter de Bouloc. Photo Guy Marceaux

Ceci fut le leitmotiv de l'entité Sequential Games, représentée par Patrick Passe lors de sa présentation pour le break total, au cours de la réunion de la CIP en 2019 à Lille, qui disait: "Avec le break total, tout le monde doit lâcher ses prises entre deux formations. Et d'une figure à la suivante, aucune des prises ne doit être identique. La nouvelle prise peut être faite sur la même personne, mais pas au même endroit. C'est un gros challenge, mais avec ce nouveau règlement proposé, nous souhaitons que les records de séquence en grande formation soient difficiles, reconnus pour la performance de groupe, mais aussi pour la performance individuelle, puisque tout le monde doit lâcher pour aller au point suivant. Avec le règlement en place depuis 2013, 35% des gens seulement font un saut de séquence, tandis que les autres 65% font seulement un saut de grande formation. Nous souhaitons que les records soient moins nombreux, parce qu'ils seraient plus difficiles à réaliser. Les records gagneraient alors en valeur."

À Saint-Florentin, sur l'aérodrome de Chéu, les deux avions sont prêts, au premier plan le Cessna Grand Caravan, dit "Supervan" basé à l'année chez Paris Jump. Vue de face : le Twin Otter de Bouloc. Photo Guy Marceaux

La proposition fut validée, les records du monde "TBS" étaient nés ! Pour la taille, ils conservent la même donnée de 25% du nombre des participants composant le record de grande formation en date. En vol relatif, c'est donc au-dessus de la barre des 100 :
- en 2022, à Nancy, un TBS 100 à 2 points a échoué,
- en 2023, à Eloy, le premier TBS 110 à 3 points est réussi,
- en novembre 2024, c'est à Eloy, qu'un projet de record TBS 150 à 2 points est programmé.

En France, en 2022 à Saint Florentin, chez Paris Jump, un joli record de France POP'S était réalisé avec deux points à 24. C'est une belle aventure que Polo Grisoni a racontée dans ParaMag sous le titre "Peu importe la destination, l'important c'est le chemin".

L'aventure a suscité un engouement, bien au-delà des POP'S. "Au fil des entraînements, de nombreux jeunes souhaitaient se joindre aux sauts ; ils prenaient part aux briefings et débriefings," relatait Polo dans son article en 2022.

En 2023, toujours dans la catégorie POP'S, un nouveau défi a été tenté avec un TBS à 26. Bien que très proche de la réussite, cette tentative a échoué.

Grâce au travail précis des pilotes, le placement des avions en sortie est aussi régulier que précis. Photo Guy Marceaux

En 2024, l'aventure a été relancée chez Paris Jump, avec un noyau principalement composé de POP'S, mais également ouverte aux plus jeunes relativeurs. Une sélection rigoureuse a été effectuée et des stages d'entraînement intensif en soufflerie et d’avion ont été organisés pour atteindre l'objectif de réaliser deux points à 34 ("TBS 34"). L'accent a été mis non seulement sur des critères techniques exigeants, mais aussi sur la fidélité de ceux qui avaient rejoint l'aventure dès ses débuts en 2020, en pleine période Covid.

Nous avons interviewé Polo Grisoni pour qu'il nous raconte cette nouvelle aventure.

ParaMag : Pourquoi avoir choisi une formation à 34 ?
Polo Grisoni : J'ai commencé par appliquer de manière logique la règle internationale des 25%. En vol relatif, le record de France est une formation à 104 réussie en 2014 à Lille-Bondues sous la dénomination de Ze Record. En appliquant la règle des 25%, la grande formation devait être constituée au minimum de 26 personnes. D'autre part, comme nous avons acheté un Cessna Caravan à Paris Jump et que nous faisons venir chaque année le Twin Otter de Bouloc pour nos événements de printemps, nous avions un potentiel de 40 places. Les deux avions volent en formation, le Twin Otter est en tête, il est suivi par le Cessna Caravan. Avec le niveau de ce groupe, on peut raisonnablement aller jusque 15 piqueurs et flotteurs-piqueurs dans le Caravan. En considérant les contraintes techniques que sont la place du vidéoman, le centrage des avions et la distance de sortie à combler pour les piqueurs, une formation à 36 était envisageable. Le plan était donc de démarrer à 34 pour assurer un premier record le week-end, et ensuite de monter à 36. Le rassemblement était programmé du 23 au 28 mai, avec deux jours d'échauffement et quatre jours de tentatives.

En sortie pour une des neuf tentatives qui vont aboutir sur le record à 34. Photo Guy Marceaux

Et comment s'est déroulé le plan ?
Pas tout à fait comme prévu ! D'abord à cause de la météo, qui a grandement ralenti notre cadence de sauts. Ensuite nous avons eu une blessure légère (coude) dans le groupe, sur Éliane Bélanger qui a malheureusement été contrainte d'abandonner alors qu'elle tenait largement sa place. Puis un désistement et finalement nous nous sommes fixés sur un record à 34.
Le staff au sol et les pilotes ont fait un travail remarquable pour nous permettre de bénéficier des moindres fenêtres météo. Nous sautions régulièrement au niveau 145 (environ 4400 mètres).
En moyenne nous avons pu faire trois sauts par jour. La progression technique a été constante, à partir d'un premier jour où ça ne partait pas pour être gagné. Il a fallu quelques "électrochocs" pour passer en mode record, tout en réglant certains détails techniques. Dès le deuxième jour, tout le monde a pris conscience de l'enjeu.

Travail de cohésion, de concentration et de motivation avant un saut de tentative. Photos Victoire David

Quel était cet enjeu, concrètement ?
C'était de faire le record bien sûr, mais c'était aussi de le faire sur notre sélection initiale, c'est-à-dire en gardant au maximum le noyau des records POP'S précédents et aussi l'état d'esprit. Ça aurait été facile de faire appel à quelques "pointures" venues de l'extérieur pour remplacer les plus faibles techniquement. J'ai tout de même été contraint d'exclure des personnes, car les exigences techniques étaient trop élevées pour ce niveau de performance. Ensuite le groupe s'est mobilisé à fond, s'est pris au jeu et nous avons tenté le record à 34.

Qu'est-ce qui t'attache à ce groupe ?
Ce sont tous les rassemblements et les records que nous avons faits ensemble, bien sûr, mais aussi sa persévérance, sa ténacité. La moyenne d'âge est élevée, certains ont plus de 70 ans. Alors le record a une grande importance à leurs yeux, ça va au-delà de la performance, c'est une récompense. Et pour moi, c'est un juste retour des choses sur la confiance qu'ils me portent depuis toutes ces années. Il y a eu des larmes (de joie) lorsque le record est arrivé, à la neuvième tentative !

Le coeur du record TBS à 34 : la séparation totale entre les deux figures. Photo Guy Marceaux

C'était le lundi 27 mai au soir et il restait encore une journée et des sauts à faire, qu'en avez-vous fait ?
J'avais prévu un saut sur le thème des anneaux olympiques, c'est de circonstance, en cette année de Paris 2024, à Paris Jump. Nous avons donc tenté cette fameuse figure des anneaux, une figure qui a déjà été réalisée à plusieurs reprises dans le passé, par des athlètes de haut niveau. C'est une figure assez technique, à 30, constituée de cinq "vis sans fin". Il a fallu affiner un peu la sélection du groupe pour la tenter. Nous n'avons pas réussi à compléter la figure à 100%, tous les anneaux ne sont donc pas complets, mais nous avons pu obtenir un résultat qui s'en rapproche beaucoup.

La formation des anneaux olympiques : un essai qui reste à transformer, et une photo qui doit se regarder à l'envers. Photo Guy Marceaux

Le mot de la fin ?
Le retour d'un Cessna Grand Caravan basé à Saint-Florentin, après des années en Pilatus, ce nouveau record à 34, tout cela renforce l'émulation envers le vol relatif de grande formation à Paris Jump. Ça a toujours été mon objectif, ça le reste et les dates des prochains rassemblements que je programme commencent déjà à se remplir.
Aujourd'hui, mon engagement est beaucoup à l'étranger, où je dirige des équipes nationales, forme des moniteurs en soufflerie, fournis des services de conseil en Chine, et cela me tient éloigné de la France.
Le retour du Cessna Grand Caravan ravive en moi une motivation immense pour relancer une activité de grande formation. Nous avons la demande, les infrastructures pour accueillir des groupes importants en toute sécurité, et cela est le scénario idéal pour un coach.

La photo originale du saut des anneaux olympiques. Photo Guy Marceaux

Donc Saint Flo rime encore et toujours avec Grande Fo' ?
Avec tous ces éléments, Saint-Florentin demeure toujours le lieu privilégié de la grande formation. La sécurité, la progression individuelle et celle du groupe sont notre véritable ADN. Je le répète ici : l'équipe est tout pour moi, elle rend tout possible. Le lien qui nous unit va bien au-delà des mots, c'est une harmonie de confiance et de complicité.

 

Les 34 participant(e)s au record

 

La photo du groupe, devant le Twin Otter venu de Bouloc. Photo Guy Marceaux

Théo Barré
Frédéric Bertin
Jean-Pierre Bourquin
Nicolas David
Alexandre Demontrond
Bruno Dervout
Thierry Devilduc
Alain Duchassin
Frédéric Dufour
Yves Dursapt
Jérôme Faure
Daniel Giloteaux
Patricia Gimenez
Polo Grisoni
Olivier Herlan
Hervé Husson
Frédéric Laborde
Alain Larue
Charles-Hubert Lemaitre
Alain Limonier
Rénald Louchard
Jean-Pol Lintelo
Frédéric Maria
Sébastien Marin
Gianni Merone
Serge Niola
Anne-Sophie Pic
Alain Picard
Jean-Philippe Puissegur
Anne-Sophie Raimbault
Pierre Torelli
Didier Valin
Laurent Vedel
Arnaud Woiselle
Vidéoman : Guy Marceaux
Juges : Thierry Courtin et Catherine Chalandon

Témoignage de Polo Grisoni

 

Sans Vous, Rien ne Serait Possible

Chers amis,

Sans vous, rien ne serait possible.

C'est avec beaucoup de gratitude que je souhaite commencer ce message en remerciant chaleureusement le staff de Parisjump pour son énergie et son engagement. Rachid et ses "drôles de dames" — Laurette, Ludivine, Angèle — vous êtes bien plus que des salariés, vous êtes au-delà de mon cercle proche, vous êtes des amis.

Un énorme merci à Cathy et son équipe, toujours présente avec une qualité de service exceptionnelle et une disponibilité sans faille...

Je tiens également à remercier les "petites mains" qui œuvrent dans l'ombre, toujours présentes à genoux dans le hangar pour plier nos parachutes. Sans vous, rien ne serait possible.

Merci infiniment à Quentin, Johan, Matis qui nous aident au quotidien, votre soutien et votre dévouement sont inestimables.

Toutes mes félicitations aux participants du TBS 34. Votre sérieux et vos efforts ont porté leurs fruits, témoignant à la fois de vos talents individuels et de notre esprit d’équipe. Ce record, bien qu'il soit modeste en nombre, est techniquement intéressant. Je sais que la sélection des participants a été source de déceptions, mais est essentielle pour garantir tout succès. Mon rôle d'organisateur n'est pas de plaire, mais d'être juste.

Merci à nos jeunes parachutistes, âgés de 17 à 30 ans. Votre implication prouve que le vol relatif, lorsqu'il est bien enseigné, attire les jeunes générations.

La brume n'est pas encore levée, mais les chasseurs de record sont déjà à pied d'œuvre. Photo Victoire David

Je remercie également les participants expérimentés qui ont prêté main-forte à ce projet. Leur aide précieuse a été un des piliers de notre réussite et notre vidéoman Guy Marceaux pour ses images et son professionnalisme. 

Nos deux pilotes professionnels Régis et Pascal qui ont fait preuve d'une régularité et précision incroyable, preuve d'une maîtrise technique remarquable.

Un grand merci à Thierry Courtin notre juge international et son équipe,  pour sa capacité à allier décontraction et sérieux.

Je n'oublierai pas mon fidèle lieutenant Nico David, ancien membre de l'équipe de France de vol relatif à 8, pour son soutien indéfectible, sa contribution technique et sécuritaire.

Je terminerai par Manue Nicols, Présidente du centre, qui œuvre avec une énergie inépuisable à la réussite du fonctionnement de Parisjump.

En conclusion, sans vous, rien ne serait possible...

Merci à tous pour votre contribution à ce succès collectif.

Maintenant, avec l'acquisition de notre Supervan, je suis prêt à ouvrir un nouveau chapitre pour les dix années à venir...;)

 Avec toute ma reconnaissance,

 Polo

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Sur le même sujet :
● Article "Peu importe la destination, l'important c'est le chemin" paru le 9 août 2022 dans ParaMag.
● Article "Ze Record ? 104 ! Impossible ? Pas français !" paru dans le ParaMag n°329 d'octobre 2014.
● Article "Un boogie et des records, à Saint-Florentin" paru dans le ParaMag n°364 de septembre 2017.

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