C'est sous une forme très particulière que le BASE jump et la wingsuit sont présents dans le palmarès de la 40ème édition du Festival International du film de vol libre et des sports aériens, plus connu sous le nom d'Icares du Cinéma, qui s'est déroulé du 20 au 25 septembre 2022 à Saint-Hilaire du Touvet.
Par Bruno Passe
À travers les nombreuses projections proposées sous le chapiteau géant, installé à côté d'un des sites de décollage, l'événement grand public accueille des milliers de spectateurs.
Le Festival rassemble des productions cinématographiques (courts, moyens et longs métrages) autour du thème de l'air, du vent, du vol et de tous les sports aériens tels que parapente, delta, chute libre, montgolfière, vol musculaire, planeur, élastique, base jump, wingsuit, cerf-volant, boomerang…
Il reçoit chaque année une centaine de productions, en provenance du monde entier, faisant ainsi référence pour les professionnels de l'image et les pratiquants du vol libre. Après une présélection par l'organisation, les meilleurs films sont soumis au vote du Jury officiel du Festival : un jury composé de professionnels du sport et de l'image (producteurs d'émissions, réalisateurs...), mais aussi au Jury de la Presse ainsi qu'à un Jury des enfants.
Voici les films qu'ils ont nominés cette année :
Palmarès du Jury des Icares du Cinéma (Dan Burlac, Michel Gressier, Christophe Tong Viet, Benoit Delfosse) :
Icare du Film Court : "From Avoriaz with love", de Nicolas Roubin
Cœur d’Icare : "Eliot Nochez, né pour voler", de Julie Collard
Icare du Jury : "Vulnerability" de Tortoreto Glauco
Icare d’Or : "Lumdo Kolola", de Nicolas Alliot
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Icare du Public : "Lumdo Kolola", de Nicolas Alliot
Icare de la Presse : Home sweet home", de Antony Komarnicki
Icare des Mômes : "From Avoriaz with love", de Nicolas Roubin
Prix Alpes Ishere : "Tic Tac Base", de Romain Assie-Rio
C'est donc via le film "Tic Tac Base" que le parachutisme est présent, sous la forme du BASE jump, et plus exactement de la BASE line, qui mixte highline et BASE jump.
Le court-métrage montre les exploits d'Antony Newton et de Pablo Signoret, deux amis et anciens champions du monde de highline, qui marchent sur les traces des Flying Frenchies, en décidant de redonner ses lettres d'or à une discipline rare : La Baseline.
Des cascades, des limites toujours plus repoussées, et la passion toujours aussi présente. Deux années de travail en France, en Espagne et en Turquie condensées dans un court-métrage de moins de 50 minutes.
Sur les 23 films en compétition, six comportent du parachutisme ou du BASE jump, et un seul aurait reçu un prix… ?
Non ! La surprise finale est venue du Prix Jean-Marc Mouligné, décerné pour la 15ème année consécutive lors de la Coupe Icare, par le Cercle de l'Homme Volant, une association créée à la mémoire de l'inventeur de la catapulte pour parachutiste (voir en deuxième partie ci-dessous "Un kaléidoscope incroyable").
"Ce prix récompense une invention volante, poétique et innovante (qu'elle soit volante ou fasse voler) ou réunissant au moins deux de ces qualités.
Le jury est également sensible à l'aventure humaine qui apparaît derrière l'invention primée : l'outsider avec peu de moyens est le candidat type.
Toute la presse du vol libre et le Cercle de l'Homme Volant se concertent pour débusquer la perle rare parmi les exposants de la Coupe Icare."
Et la "perle rare" de l'an dernier, c'était le Rescue BackPack du fabricant Neo. Il s'agit d'un conteneur de secours sous forme de sac à dos et pouvant s’adapter sur n’importe quelle sellette de montagne. Il accepte tous types de parachutes de secours biplace. Une trouvaille pour les pratiquants de vol rando en biplace !
Cette année, le Prix Jean-Marc Mouligné reste dans le domaine du parachute et du biplace, mais sous une toute autre forme puisque c'est Skyvibration (Vincent et Marine Descols) et la wingsuit-tandem qui sont nominés "perle rare" ! Et c'est d'autant plus remarquable que Jean-Marc Mouligné était lui aussi parachutiste. Skyvibration était en compétition via le film "Pur", un court métrage de 8 mn réalisé par Nicolas Zimmerman et produit par Vincent Descols, bravo à eux !
Nous invitons nos nouveaux lecteurs qui ne connaissent par la pratique innovante de la wingsuit-tandem à la découvrir dans l'article bien détaillé que nous avons publié dans le ParaMag n°406 de juillet/août 2021 :
Comme chaque année, le prix Jean-Marc Mouligné a été remis par sa sœur Catherine. Très ému de recevoir ce prix, Vincent Descols a déclaré : "Alors qu'on était encore des pioupious dans l'activité, avec sa catapulte, Jean-Marc m'a fait longtemps rêver et je pense qu'il a contribué à alimenter et à planter des graines dans mon esprit. Et donc ce prix a vraiment une symbolique très particulière et je suis d'autant plus touché, merci Catherine et merci Jean-Marc !"
"Un kaléidoscope incroyable"
Le parcours de Jean-Marc Mouligné
Il est difficile de résumer le parcours de Jean-Marc Mouligné, tant il est riche et... pratiquement incroyable. Sa soeur Catherine l'avait fait dans une interview réalisée sur la coupe Icare en 2015
"Sa vie était un kaléidoscope incroyable, Jean-Marc était un vrai aventurier, il voyageait partout, il faisait de tout : delta, parapente, parachutisme, BASE jump, il était à la fois inventeur, designer, sculpteur, écrivain, réalisateur d'effets spéciaux pour le cinéma, etc." Dans ce parcours, le parachutisme a rempli la dernière partie de sa vie.
En 2004, pour le forum de Barcelone, Jean-Marc Mouligné conçoit un canon à projectile humain d’une portée de 25 mètres. C'est de là qu'est né le projet de la catapulte pour lancer un parachutiste, un puissant engin d’une portée de 150 mètres.
C'est dans le but de monter lui-même dans sa catapulte que Jean-Marc s’initie d'abord au parachutisme, puis au BASE jump. Vincent Ragot, un de ses amis, fait les calculs, et il en déduit que cela devrait marcher. Les premiers essais de la catapulte sont effectués à Thieux, avec des sacs de sable.
Le premier tir de mannequin a lieu en janvier 2005. En septembre c'est le premier "tir humain" avec la catapulte, à Brignoles, dans le Var : Jean-Marc devient le premier "homme obus" à monter à plus de 100 mètres et à redescendre vivant.
Pour Jean-Marc, l'année 2007 est consacrée au BASE jump, qui est devenu sa grande passion. Il saute souvent dans les Gorges du Verdon, mais aussi de ponts, d’antennes, de cheminées d’usine...
L’émission «Incroyable mais vrai» lui affecte un sujet, le New York Times et le Livre des Inventions le contactent pour écrire un article sur lui. Bien sûr ParaMag lui ouvrira également ses colonnes.
Mais le samedi 30 juin 2007, tout s'arrête : Jean-Marc est retrouvé noyé dans les gorges du Verdon. Il vient probablement de sauter du lieu dit «la Tronçonneuse», un site engagé, avec des vents turbulents en fond de vallée. Son parachute s'est visiblement ouvert, mais il ne porte pas de casque, et il s’est probablement assommé en tapant sur des rochers à l’atterrissage, avant de tomber inconscient dans l’eau.
Le vendredi 13 juillet, ses amis BASE jumpers sautent en répandant ses cendres dans les gorges du Verdon. Sa famille et ses nombreux amis ont ensuite décidé de faire connaître ce personnage hors-norme, gigantesque à tous points de vue, et ils créent le Cercle de l’Homme volant.
Bibliographie et liens Internet
● Article "L'homme catapulte" paru dans le ParaMag n°225 de février 2006.
● Le même article en version magazine (page 22).
● L'histoire du Prix Jean Marc Mouligné et la liste des nominés à travers les éditions de la Coupe Icare.
● Émission de 30 minutes sur Jean-Marc Mouligné et son incroyable catapulte humaine :
● Site Internet "Le cercle de l’Homme volant" consacré à la vie de Jean-Marc Mouligné.
À lire également, au sujet de la Coupe Icare 2022 :
● "Le parachutisme à la Coupe Icare" (article publié le 15 septembre 2002).
● "La Coupe Icare bât son plein" (article publié le 23 septembre 2002).
● "Des démos paras à la Coupe Icare" (article publié le 28 septembre 2002).