
La photo du 100 au-dessus de l'aéroport du Bourget en juin 2015. Il y avait moins de 5 secondes pour "boucler l'affaire", le tout sans entraînement... Photo Olivier Levon
Le Salon du Bourget, plus exactement le S.I.A.E. (Salon international de l’aéronautique et de l’espace), appelé aussi "Paris Air Show", c'est en ce moment, du 16 au 22 juin. La FFP (fédération française de parachutisme) y tient un stand et l'armée y effectue des sauts de démonstrations. Mais à une certaine époque, le parachutisme sportif tenait une place beaucoup plus large sur ce grand événement international.
Durant près de 30 ans, de 1975 au début des années 2000, des sauts de démonstration ont été organisés chaque année sur le Salon du Bourget. Puis, après l'année 2005, le créneau s’est refermé pour les parachutistes sportifs. Il a été rouvert exceptionnellement en 2014 pour l'anniversaire des 100 ans de l’aéroport de Paris-Le Bourget.

Sauter au-dessus de Paris était un véritable privilège pour les parachutistes civils chanceux d'être sélectionnés dans les sauts de démonstration au Salon du Bourget, de 1975 à 2005. Cette photo date de 1999. Photo Bruno Passe
C'est ainsi que, le dimanche 21 juin 2015, lors du Salon International de l’Aéronautique et de l’Espace au Bourget, 34 parachutistes ont brillamment réussi un saut de démonstration en vol relatif, en formant le chiffre "100" aux couleurs du drapeau français dans le ciel de Paris.
Cette prouesse a été accomplie sans entraînement préalable, avec un temps de chute très court pour une figure aussi technique. Malgré la difficulté, les parachutistes engagés dans l'aventure ont su relever ce défi inédit.
Flash-back
La démonstration réussie en juin 2015 venait rattraper le rendez-vous manqué de l’année précédente. Car c'est en juillet 2014 que le saut initial avait été prévu pour célébrer les 100 ans de l’aéroport du Bourget.
Tout avait été minutieusement organisé sous l’impulsion d’Isabelle Dreysse, passionnée de parachutisme et alors adjointe au directeur de l’aéroport.
Tout comme l’avaient fait pendant 25 ans Bernard Colas et Maurice Bernet, à l'époque où les parachutistes sautaient en grande formation pour chaque "Salon du Bourget", Isabelle Dreyssé était parvenue à déclencher de l'intérieur l'organisation d'une démonstration similaire.

Répétitions au sol et pause photo du groupe de 2014, devant le Casa, sur l'aérodrome de Valenciennes-Prouvy, et avec un fond de ciel chargé de nuages bas. Photos Olivier Levon
Elle avait confié la direction technique du saut à Patrick Passe, et plusieurs entraînements avaient été programmés à Maubeuge et Valenciennes. Mais la météo capricieuse avait empêché tout saut, même le jour J, malgré une logistique complète incluant 34 combinaisons tricolores et l’utilisation d’un avion militaire Casa 235.
Face à cet échec, une promesse avait été faite : les parachutistes reviendraient. Et c’est donc en juin 2015, toujours dans le cadre du centenaire (courant jusqu’au 9 octobre 2015), qu’ils ont tenu parole. Avec une équipe légèrement remaniée, ils ont relevé le défi : réussir le saut sans aucune répétition.
L'objectif à atteindre était une figure constituée d'une étoile centrale blanche, entourée des chiffres bleus et rouges formant le "100". Seul un test avait été effectué en mai à Lapalisse, avec 24 chuteurs formant les chiffres 1 et 0 côte à côte.
Promesse tenue
Les contraintes étaient multiples : altitude limitée à 3600 mètres, encombrement du Casa 235, et règles strictes liées au largage militaire.
Le samedi 20 juin, la météo a encore joué contre les parachutistes, forçant l’annulation de la démonstration. Seuls quelques sauts individuels à 1400 mètres ont été autorisés.

Photos ci-dessus : Le choc visuel après l'ouverture, lorsque par chance, le largage se faisait assez près des expositions statiques. Ces photos datent de 1999. Photos Michel Pissotte
Mais le lendemain, dimanche 21 juin, le ciel s’est dégagé juste à temps. Le groupe a décollé à bord du Casa 235 pour un unique saut au-dessus de Paris. L’ambiance à bord était joyeuse. Après le survol de la capitale et une longue attente à 3600 mètres, le top largage a été donné.
Réussir à cette altitude était un défi technique : il fallait d'abord construire une préfigure, judicieusement conçue pour une transition qui, en lâchant certaines prises et en en construisant d'autres, mènerait à la deuxième figure attendue, en forme du chiffre 100.
Les photographes n'ont eu que quelques secondes pour la capturer en images. Elles révèlent un chiffre 100 "presque parfait", au-dessus de l'aéroport du Bourget. Les puristes notent que la barre du 1 est légèrement trop relevée et le 0 rouge un peu trop décalé vers le haut. Mais il y avait moins de 5 secondes pour "boucler l'affaire", le tout sans entraînement.
Le "100 à sec" au-dessus du Bourget est resté comme un moment magique et historique pour tous les participants, et bien sûr pour le public du Salon du Bourget 2015.
Les paras au Bourget, un peu d'histoire

Construction du "record" à 32 au Bourget en juin 1977, meilleure performance mondiale à l'époque, non homologuée car improvisée : il n'y avait pas de juges sur place. Photo Guy Sauvage
Les premiers sauts de vol relatif sous la forme de démonstrations sur le Salon du Bourget ont eu lieu en juin 1975 avec Jean Guntzburger (et la célèbre vache à Blanc-Mesnil avec des parachutes ronds) : la première étoile à 27 (record "européen") y a été réalisée en 8 sauts. En 1977, Bernard Colas a pris en charge la majeure partie de l'organisation et de la coordination des parachutistes et il est resté fidèle à cette tâche jusqu'en 2005.
Durant ces années, avant la mise en place du Transall, il y eut de grandes premières avec des avions célèbres tels que Piaggio 68, Antonov 28, Hurel Dubois, Noratlas, Arava, Nomad, Fokker 27, G-222, Buffalo, Casa 212, BA 146, etc. Et aussi des hélicoptères : Super Puma ou Puma.
Les gros porteurs étaient encore rares dans le milieu du parachutisme sportif et grâce aux moyens aériens mis en place régulièrement par l'Armée de l'air, le Salon du Bourget apportait la possibilité de tenter des grandes formations en vol relatif. Quelques "premières" historiques y ont été réalisées, dont une formation française à 32 en 1977, meilleure performance mondiale à l'époque, et à 60 quelques années plus tard.

En juin 1999, une sortie depuis la tranche arrière du Transall, au-dessus du Salon du Bourget. Photo Bruno Passe
À cette époque, le salon offrait deux week-ends d'ouverture au public, qui étaient également ouverts aux sauts de démonstration et si la météo était favorable, il était possible de faire jusque cinq sauts par jour !
D'année en année, les conditions se sont durcies, le nombre de sauts a diminué et la taille des avions aussi : le Transall laissait parfois la place au Casa 235, voir au Puma. Mais Bernard Colas n'a jamais lâché prise et en 1999, grâce au retour du Transall, une soixantaine de relativeurs avait presque réussi à inscrire le chiffre 2000 dans le ciel de Paris (c’était la veille du passage à l’an 2000). En 2005, c’est une formation en forme de cœur qui était prévu, pour célébrer la candidature de Paris 2012.

Photo ci-dessus : Bernard Colas (à gauche, chemise à rayures) au briefing terrain durant les démonstrations de 2005. Photo Bruno Passe
2025... Où sont les paras ?
Cette année, seuls les militaires effectuent des sauts de démonstration sur le salon aéronautique du Bourget : les Ambassadeurs parachutistes de l'armée de l'Air et de l'Espace (en voile contact), deux chuteurs opérationnels et Déborah Ferrand, la championne de précision d'atterrissage. Ils sautent d'un Airbus A400M Atlas.

Des photos des démonstrations parachutistes militaires sont publiées sur la page Facebook des Ambassadeurs parachutistes de l'armée de l'Air et de l'Espace.
Et la FFP y met en place le portique et le matériel d’animation virtuelle issus des Jeux Olympiques de Paris 2024. Ce dispositif immersif est un excellent outil de promotion et de sensibilisation au parachutisme, accessible à tous. Quel que soit leur âge ou leur condition physique, les visiteurs peuvent vivre une expérience saisissante, en immersion dans les différentes disciplines du parachutisme, avec un réalisme bluffant !

Le stand FFP se situe en zone B6, face aux fusées Ariane, et à proximité du stand ESA (The European Space Agency). Photos FFP - Yves-Marie Guillaud
À lire également :
● L'article "Le Bourget 99" publié (page 16) dans le ParaMag n°146 de juillet 1999.
● L'article "Le 100 à sec à la verticale du Bourget !" publié dans le ParaMag n°338 de juillet 2015.
● L'article "Bernard Colas, pionnier, dirigeant et homme de terrain" publié le 15 décembre par ParaMag.