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41, IMPAIR ET PASSE

52 points de séquence en grande formation, à Klatovy

Du 3 au 7 août dernier, un rendez-vous de séquence en grande formation était organisé par Patrick Passe à Skydive Pink Klatovy, en République tchèque. Il a réuni un groupe international de relativeurs aguerris, composé de 15 nations et avide de tranche arrière, celle du Skyvan.

Par Bruno Passe

L'activité était intense en ce début de mois d'août 2022 à Skydive Pink Klatovy, en République tchèque. Le camping bondé surpassait la surface du fameux swoop pond, l'un des plus beaux d'Europe. L'hébergement du centre, qui dispose d'une grande capacité d'accueil diversifiée en chambres, caravanes et bungalows, affichait complet depuis plusieurs mois. Toutes les zones de pliage étaient occupées et les deux restaurations rapides implantées sur la DZ fonctionnaient à plein régime.

Vue aérienne sur la belle drop zone Skydive Pink Klatovy, avec la zone de camping "full off", le swoop pond, la piscine, le chapiteau et les tentes supplémentaires. Photo Rénald Louchart

La cadence de sauts n'en était pas ralentie pour autant, bien au contraire, la ronde des deux "Pink" Skyvan n'en était que plus régulière. Ici les pleins de carburant - en langage aéronautique on parle "d'avitaillement" – se font moteur tournant, et cette incontournable étape n'avait donc aucune incidence sur le nombre de sauts journalier effectué par les parachutistes présents.

À cette époque de l'année, il s'agissait essentiellement de relativeurs : le groupe PUP'S* (Parachutists Under Phorty Society,  parachutistes de moins de 40 ans), dirigé par Angelo Declerck et le groupe à 41 de Patrick Passe.

Pourquoi 41 ?

Pourquoi 41 relativeurs dans le groupe de Patrick Passe ? Un chiffre impair n'est pas idéal pour un organisateur de saut, il peut même devenir un cauchemar. Mais avec un groupe de bon niveau, et l'informatique aidant, ça ne pose pas de problème. Bien au contraire, à Klatovy, cela a produit des figures inédites qui ont ravi les participants, les vidéomen et l'organisateur de saut lui-même, que l'on sait pourtant très exigeant sur la qualité technique. À un tarif de 39,50 euros le saut (prix du 4200 mètres à Klatovy), on le comprend.

Ah, la technique ! Omniprésente dans le coaching de Patrick, elle est garante de la qualité des sauts, qui est elle-même garante d'un rassemblement réussi lorsqu'en plus le groupe et son coach savent trouver l'équilibre entre rigueur et bonne humeur.

Cela ne répond pas à la question - pourquoi 41 ?- dont la réponse peut sembler simple (42-1=41), un participant ayant dû annuler son voyage au dernier moment pour raisons professionnelles. Le groupe était bien prévu à 42, Patrick a donc revu au dernier moment ses programmes de sauts. Certes, la tâche est moins complexe de nos jours grâce au logiciel Skydive Designer, qui est de plus en plus utilisé par les organisateurs de sauts, mais passer le groupe de 42 à 41 révèle aussi un contexte international qui reste compliqué.

Difficile de voir au premier coup d'oeil que cette figure est impaire, tant elle est symétrique malgré des pièces volant côte à côte. C'est bien le diamant à 9 (donc figure impaire) en pièce centrale qui résout l'équation. Photo Antje Grübe

Exit la crise sanitaire (enfin, presque…), c'est maintenant la guerre en Ukraine qui perturbe les rassemblements parachutistes internationaux. Les relativeurs russes sont toujours venus participer en nombre dans les rassemblements internationaux, qu'il s'agisse de records, de boogies ou d'événements à thème comme à Klatovy. À l'exception de quelques expatriés, actuellement on ne les voit plus. Gros coup de frein également en ce qui est de la participation côté ukrainien, et pour des raisons évidentes.

L'année dernière, lors du même rassemblement à Klatovy, c'est la crise sanitaire qui plaçait les Britanniques dans l'impossibilité de voyager. Cette année c'est fini, les restrictions sont levées, mais pourtant ils n'étaient pas très nombreux dans le groupe de Patrick. Faut-il y voir un effet de la crise économique, ou encore du Brexit ? Difficile d'être affirmatif à 100%, mais il est évident que sans les Britanniques et sans les Russes, les rassemblements n'ont plus le même volume, ni la même allure.

Vue depuis l'intérieur d'une figure dont on ne se lasse pas : l'étoile. Elle est toujours agréable à voler lorsqu'elle se complète bien et sans tension à la fin d'un saut, ce qui est le cas ici, où 15 nations s'y donnent la main ! Photo Rénald Louchart

Flash-back

Retour en 2014… Cela fait déjà 8 ans que le trio composé de Milko Hodgkinson (Angleterre) Dieter Kirsch (Allemagne) et Patrick Passe (France), préfigurant l'entité "Sequencial Games", a créé la surprise à Klatovy avec la réussite d'un grand diamant inversé à 100, une première mondiale suivie le jour même d'une séquence à 100 : 2 et 3 points avec lâcher total (voir article "Première mondiale : Diamant à 100" publié dans le ParaMag n°328 de septembre 2014). L'événement avait reçu le soutien de Skydive Pink Klatovy, fort de sa flotte de quatre Skyvan, complétée pour l'occasion par le Cessna Caravan de Saarlouis.

Durant les trois années qui ont suivi, les rendez-vous à thème "Sequencial Games" ont pris le vent en poupe, et le rendez-vous du mois d'août à Klatovy en était la figure de proue : “Compasses box" à 102 en 2015, "Crystal" à 106 en 2016, et "Les 17 anneaux de Klatovy" en 2017.

En 2018, puis en 2019, le rendez-vous déménageait sur la drop zone de Karkhiv,en Ukraine, attiré par la promesse de deux Antonov 72, des biréacteurs tranche arrière pouvant emmener 65 parachutistes à 5000 mètres en moins de 10 minutes. L'histoire ne fut pas aussi simple que prévu, mais elle fut belle (voir articles "Grandes formations en Ukraine" publié dans le ParaMag n°376 de septembre 2018 et "Challenges dans le ciel ukrainien" publié dans le ParaMag 388 de septembre 2019).

Nous savons désormais que nous ne retournerons pas de si tôt à Karkhiv, et peut-être jamais en ce qui concerne plusieurs générations de relativeurs. Et pourtant, c'est cette belle drop zone, aujourd'hui détruite, qui a accueilli avec brio les deux derniers évènements Sequencial Games, dans la continuité des quatre premiers qui se sont déroulés ici, à Klatovy.

La barre des 100

Malgré l'énergie et l'élan mis en place par les organisateurs après la crise sanitaire, malgré l'envie des participants, force est de constater que la barre des 100 semble désormais bien plus haute qu'auparavant.

L'an dernier, 90 personnes étaient initialement inscrites à Klatovy, le concept étant d'avoir deux groupes à plus de 40 organisés par Milko Hodgkinson et Patrick Passe. Mais Milko est anglais et, comme ses compatriotes, il n'a pas pu venir : le groupe diminua de près de moitié.

Et il n'y a pas que la participation qui est en cause. Comme l'a souligné Patrick à plusieurs reprises en débriefing, cette année certains participants manquent encore d'entraînement. Ils n'ont pas retrouvé toutes leurs compétences d'avant le Covid, et elles sont encore altérées par deux années au ralenti. Et c'est là où le savoir-faire de l'organisateur de sauts entre pleinement en jeu. Patrick avait prévenu que si cela s'avérait nécessaire, le groupe descendrait à 40, une personne différente sortirait à chaque fois afin de retrouver un nombre pair, et aussi pour laisser la possibilité à certain(e)s de se "reposer"…

Verticale la drop zone, cette figure a un nom très charmant - "Brezilian Bikini" – mais qui ne retire rien à sa complexité technique. Photo Antje Grübe

Cela n'a pas été nécessaire. Patrick nous a concocté des séquences de 3 points à 41 avec des figures complexes, variées, des retournements et des pièces volant côte à côte. Il a savamment manœuvré l'accélérateur de la technicité et le volant des placements pour assurer le plaisir de tous. Et comme le montrent les magnifiques images de deux videomen Ralph Wilhelm  et Antje Grübe, la plupart de ces figures ont été construites avec succès, pour un total de 52 points.

La cadence de sauts a été soutenue à cinq sauts par jour durant les trois premiers jours, avec de fortes chaleurs. Heureusement le centre Skydive Pink Klatovy dispose d'une piscine extérieure qui fut fort appréciée (surtout par ceux qui ont la chance de ne pas plier eux-mêmes leur parachute !). Le samedi, après le départ des PUP'S, l'ambiance changeait progressivement sur la DZ, avec l'arrivée des swoopers venant participer à la grande compète internationale de pilotage sous voile, le Pink Canopy Piloting Open **, les freeflyers et les tandems du week-end.

Le court break météo du samedi matin a été apprécié en même temps qu'il rafraichissait un peu la température pour les quatre derniers sauts (deux sauts à 20 le samedi et deux sauts à 40 le dimanche matin) de cette belle semaine à Klatovy.

Conclusion

Les bons sauts, la bonne météo, la bonne ambiance dans le groupe font (un peu) oublier le tarif des sauts qui dépassera bientôt 40 euros. En se disant au revoir à Klatovy, une majorité de participants tournait déjà le regard vers le futur proche : certains vont se retrouver à Nancy, du 29 août au 2 septembre, pour les tentatives de record TBS à 100, d'autres se retrouveront un peu plus tard à Perris Valley, en Californie, du 10 au 14 octobre, pour les tentatives TBS à 150. Quelques rares chanceux participeront aux deux évènements. Les organisateurs "rebattent les cartes" de leur sélection pour tenter de compenser l'absence des Russes et des Ukrainiens, ce qui rend la tâche encore plus difficile.

Le futur lointain est plus incertain, et on peut se demander quel sera l'avenir des grands rendez-vous de vol relatif à plus de 100, en Europe et ailleurs. Lors du dernier débriefing, Patrick a expliqué que le rendez-vous d'août à Klatovy était déjà programmé en 2023, mais qu'il n'y avait pas de certitude concernant la présence d'un troisième Skyvan.

Dans ce contexte, il est d'autant plus important de souhaiter aux freeflyers de passer la barre mythique des 200 lors de leurs tentatives de record du monde de grande formation tête en bas qui sont programmées du 22 au 26 août à Skydive Chicago.

En venant à Klatovy par la route, depuis Paris, les 10 heures de trajet nous font traverser librement toute l'Allemagne… Inimaginable il y a 77 ans, en pleine guerre mondiale, et quasiment impossible il y a seulement 33 ans, avant que tombe "le mur de Berlin". Arrivés à Klatovy, la même longueur de trajet dans la même direction nous plongerait en pleine guerre en Ukraine...

De retour en France, un de mes meilleurs amis m'a écrit ceci : "Je sais que tu étais à Klatovy et j’ai vu une photo d’une double étoile sans contact assez impressionnante. Tu as de la chance de faire de beaux sauts."

Pair ou impair, à plus ou à moins de 100 relativeurs, oui nous avons cette chance de construire de belles et grandes figures dans le ciel… Savourons-là !

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* En mode miroir du groupement POP'S (Parachutists Over Phorty Society, parachutistes de plus de 40 ans) l'objectif du groupement PUP'S est de développer la prochaine génération au sein de la communauté du vol relatif de grande formation, d'organiser des événements où  les jeunes relativeurs peuvent se réunir pour des sauts ludiques tout en progressant. Le mouvement a été créé en 2020 et il est familier de Skydive Pink Klatovy. [retour article]

 ** Le Pink Canopy Piloting Open s'est déroulé du 11 au 14 août à Klatovy, il a regroupé 71 compétiteurs internationaux (dont l'équipe de France) et le classement comportait également les championnats nationaux allemands, tchèques et anglais. [retour article]

GALERIE PHOTOS

Retour en images sur le déroulement du rassemblement, avec les photos de Ralph Wilhelm, d'Antje Grube et de Casey Pruett. (Cliquer sur une des photos pour l'agrandir et afficher la galerie en mode diaporama)

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