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Trois nouveaux records du monde

En grandes formations à 64, 96 et 151 !

VOL RELATIF "TBS" à 151

La photo du groupe record, avec le t-shirt de l'événement. La liste des licencié(e)s français(es) engagé(e)s dans le record est publiée en page 1. Photo Willy Boeykens


Texte par Martial Ferré

Les records sont faits pour être battus, c’est bien connu… Et pourtant, je m’étais juré de ne plus participer à ce genre d’événements, même en tant que capitaine de secteur. En 2022, notre tentative courageuse, mais combien compliquée, de battre le record TBS à 3 points à 100 à Nancy, avec Powergames, m’avait à la fois enthousiasmé et démoralisé. Tant d’efforts, d’énergie, de passion pour se voir refuser le record à un dixième de seconde, un battement de cil pour une caméra à qui rien n’échappe, comme cette 99ième grip qui vient juste de lâcher alors que le 100ième vient tout juste de refermer sa paume de main sur le précieux sésame… Si tu peux voir détruit l’ouvrage de ta vie et, sans dire un seul mot, te mettre à rebâtir… écrivait Kipling.

En 2023, Dieter Kirsch, à qui les records ne font pas peur (et qui peut se vanter d’être celui qui a mené son pays, l’Allemagne, au firmament des nations capables de s’unir dans le ciel comme un seul homme, avec des records de nombre impressionnant validé à 214 et plus encore avec un record non homologué, mais à plus de 230), ne comptait pas rester sur un échec. Sous le nom de notre organisation Powergames, nous décidâmes de nous rapprocher des Airspeed et d’Eloy pour nous attaquer à ce fameux record à 3 points qui devint un record à 108.

Sorties cadencées depuis la flotte d'avions, la base est visible au centre haut de l'image. Photo Willy Boeykens

Après avoir établi un record européen à 3 points à 64 à Soest (Allemagne), en août, un contingent européen Powergames partait rejoindre le contingent Airspeed en octobre à Eloy. Là-bas, les moyens mis à disposition permettent au moins de s’affranchir des problèmes de logistique. Le record fut enfin validé, mais sur le fil, comme dans tous les bons scénarios idéals pour les records au suspense insoutenable.

C’est après ce beau record que je m’étais promis d’arrêter ma participation à ce genre de sauts. Pour ceux qui me connaissent, je suis un rapide, un actif. J’ai besoin que ça bouge et que ça aille vite. La grande formation est une discipline fantastique dès que l’on se met en place, que l’on débranche son tuyau d’oxygène et que l’on est prêt à baisser sa visière pour cet assaut aérien fort en sensations visuelles et riche en émotions. C’est tout le reste qui rend la chose épuisante… Une montée d’avion interminable et inconfortable, des briefings longs et fastidieux où l’on s’entend répéter inlassablement les mêmes choses que tout le monde devrait connaitre en principe.

Bref, mis à part l’aspect jeu de stratégie qui maintient mon intérêt éveillé, et le côté social indéniable, j’avais fini par me lasser de ces grands rendez-vous de masse. La réussite du 108 à 3 points me suffisait et je pensais que nous laisserions nos conquêtes de l’inutile pour un temps, afin de laisser reposer les bourses et la motivation de nos participants.

C’était sans compter sur la détermination de Dieter et son enthousiasme inébranlable pour le Big one ! L’absolue réussite de l’association Powergames / Airspeed d’un point de vue logistique et humaine encouragea Dieter de proposer au clan de Niklas un nouveau projet afin d’enfoncer le clou : un record à 150+ à 2 points !

Je n’osais pas dire à Dieter que j’avais eu mon compte avec nos deux 100 et notre 64. Mais l’idée de partir à la conquête de ce nouveau record aux côtés des Airspeed (Niklas Hemlin, Joey Marshall), renforcés des célèbres Craig Girard et Eliana Rodrigez, et de notre équipe Powergames Dieter / Milko / Pete Allum et Doug Barron venu nous rallier, me fit revenir à la raison. Je ne pouvais définitivement pas passer à côté d’un tel moment.

Et pourtant, il s’en est fallu de peu que j’abdique. En effet, ma santé en avait pris un coup depuis octobre. Une grippe ou peut-être un Covid (le test ne révéla rien) ont failli me faire renoncer. Et c’est avec 5 kg de moins que j’arrivais en Arizona. Certains s’effrayèrent de me voir si peu fringant. Et j’avoue que je trainais un peu les pieds… Mon énergie était au plus bas lorsque je pris mes fonctions de capitaine du secteur Est (3h de la formation).

Après les premiers sauts d’échauffement en sous-groupes, des nuages arrivèrent et mirent fin à la journée puis à la journée du lendemain qui fut mise à profit pour travailler les approches et poser la figure au sol. Rituel douloureux pour les vertèbres cervicales, mais nécessaire.

J’en profite pour faire un peu le point du line up des 155 participants. Du fait de mes très nombreux contacts aux US et de mes interventions au Powerplay, je m’aperçois que je connais quasiment 80% du groupe. Les Européens n’ont plus de secrets pour moi et j’avais mobilisé quelques amis Brésiliens. Mon intuition me dit que ce groupe semble avoir un excellent potentiel. Mon secteur est constitué d’excellents skydivers que je connais très bien. Polo Grisoni, mon ancien frère d’armes, est venu avec un petit contingent de sa "jeune garde" au talent insolent pour leur âge, ainsi que des personnes tellement aguerries que les avoir sur les ailes ou dans mes 6 heures ne fait que renforcer mon intuition positive. Mon secteur est aussi garni de "cousins" venus du Québec. Ce qui fait que mon secteur sera en grande partie francophone. D’autres Français vivant aux US se trouvent dans l’assemblée. La langue française sera très largement utilisée lors des débriefings, d’une part pour rentrer dans des soucis de détail concernant le saut, mais aussi pour s’amuser inconsciemment à mettre les anglophones dans la situation qu’ils nous imposent partout dans le monde. La langue française n’était pas celle des rois et de la diplomatie ?

Prise sur le vif, la photo d'un groupe francophone (avec majoritairement des Français). Dans la délégation française, certains jeunes au parcours atypique forment une nouvelle génération, aux côtés d'autres prodiges internationaux, avec une moyenne de seulement 600 sauts. La liste des licenciés français engagés dans le record est publiée en page 1.

Dès les premiers sauts à 155, nous sentons que le potentiel du groupe est activé. Dieter a mis les points sur les "i" concernant la discipline au sol. Niklas et Craig abondèrent dans son sens en insistant sur l’idée que chacun d’entre nous a un rôle important à jouer et que l’erreur liée à un manque de concentration et de discipline est non tolérable. Dans mon secteur, avec l’aide de Polo qui me seconde, nous imposons une rigueur technique et mentale. D’habitude joviale et plaisantin, ma volonté d’en finir au plus vite, du fait de ma pauvre condition physique du moment, me conduit à devenir un coach "abrasif" et piquant, imposant de la rigueur technique et l’acquisition d’une procédure rigoureuse pour chacun.

Je fais comprendre à ma petite troupe dont j’ai la charge que les champions tels Airspeed, ou bien les grands pilotes de ligne par exemple, ne font jamais d’erreurs, car ils observent une procédure d’action rigoureuse pour chaque bloc, chaque sortie d’avion, procédures acquises avec de nombreux sauts ou heures de vol, et auxquels ils ne dérogent jamais. Ce qui en fait des "machines". Ce qui me met hors de moi dans les "big way", c’est de voir des gens se tromper de secteur et apponter sur leurs mauvaises lignes d’approche. Ces gens se trompent, car ils n’ont pas de procédure. Mon message au secteur fut bien clair : les petites erreurs techniques sont toujours acceptables et font même partie de l’apprentissage. Se tromper de secteur et apponter au mauvais endroit est simplement inacceptable, et n’arrivera pas si la procédure est respectée : regarder la base en priorité au sortir de l’avion, trouver sa radiale d’approche, approcher dans son stadium, mémoriser l’environnement autour de soi et l’ordre d’action.

Ce ton très "martial" au sens militaire du terme eut son effet. Mon secteur devint irréprochable au cours des sauts et son attitude au sol était exemplaire. Polo fit un travail admirable en proposant quelques changements qui eurent des effets admirables sur la future réussite du saut.

Tous les secteurs furent conduits, semble-t-il, de la même manière, car l’on pouvait sentir au sein du groupe une intensité et un sérieux que j’avais rarement observé. Tous les capitaines de secteur extérieurs étaient dirigés pas des compétiteurs de haut niveau dont j’ai cité les noms plus haut. La technique, c’est notre langage quotidien en tant que coach à 4 ou à 8. Une bonne explication technique vaut 10 sauts ! Si chacun du groupe maitrise et respecte sa propre procédure technique apportée par le coach, alors le succès est quasi garanti…

Mais pour réussir ce saut, il faut une base rapide et solide. Rapide en taux de chute, mais aussi en vitesse de construction. Les bases doivent être garnies par les meilleurs en théorie, afin d’offrir une cible rapide et solide aux "hussards" des lignes extérieures. Et tel fut le cas. Après un cut ou deux ainsi que quelques remaniements, la base a trouvé son rythme en seulement quelques sauts, nous offrant une cible avec une constance qui force le respect et qui donna confiance aux lignes extérieures. La seule chose qu’il fallait contrôler au sortir des avions suiveurs était le placement du "chunk", c’est-à-dire la figure de sortie à 8 qui se transformerait en étoile à 8. Celui-ci pouvait être plus ou moins haut ou bas selon le décalage des avions et des sorties. Ce sont des variables à prendre en compte dès la sortie d’avion afin de construire sa ligne d’approche. Quelques hurluberlus commirent l’erreur d’automatiser leur sortie en piqué en profondeur avant même d’avoir checké la position de la base. Une fois, pas deux…

Au jour 3, après 2 tentatives de réglages à 155, le groupe avait toutes les clés pour partir sur des tentatives ayant pour objectif la réussite du record. Tout le monde sait que les records ne s’obtiennent qu’au bout de quelques sauts de réglage. Mon intuition sur le groupe était confirmée par le fait que les réglages ne prirent pas autant de sauts que j’aurai imaginé (et qui ont tendance à épuiser le moral et l’énergie du groupe). Dans le monde du big way, et particulièrement celui des records, il faut savoir ménager la frustration quotidienne et savoir s’armer de patience et de compassion. C’est je crois ce qui commençait à me faire défaut lors des records précédents, raisons pour lesquelles je n’étais plus autant motivé avant de venir en Arizona pour celui-ci.

Mais les choses étaient toutes autres cette fois-ci. Les échecs des sauts de réglages n’étaient liés qu’à des petites erreurs facilement corrigeables. L’on sentait un vrai potentiel qui ne demandait qu’à s’exprimer.

Photo de groupe avant d'embarquer pour une longue montée en altitude. Photo Willy Boeykens

Dans mon avion, je n’avais jamais vu autant de ferveur et de force de concentration de la part de chacun des passagers. Chacun connaissait son plan d’action, avait une posture humble face à l’action à venir, mais pourtant déterminée et confiante. Je le ressentais en chacun d’eux intuitivement.

Vint ce fameux troisième saut de la troisième journée de saut (je ne compte pas la journée où nous sommes restés au sol). Un soleil en or commence alors à s’enfoncer dans les superbes plaines d’Arizona, à l’ouest comme toujours… Le sol se macule d’ombres de cactus et devient gris lune, forçant le contraste avec nos petits corps bariolés de couleurs vives. À l’est, les petites montagnes arides, typiques de l’Arizona, offrent leurs visages brulés au couchant en attendant que notre petite flotte d’avions en formation en V ne leur passe devant, faisant face au nord qui apporte un air stable, mais très frais et sec. À 18 000 pieds, l’armada de métal, dont les moteurs crachent toute leur puissance pour gratter quelques précieux mètres qui seront peut-être déterminants pour la réussite du saut puisque le succès ou l’échec peut se jouer à une fraction de seconde (cf. Nancy…), l’armada disais-je s’aligne pour le largage dans une lumière or et bleu cristalline…

Dans l’avion, les bancs sont relevés. Chacun aspire les précieuses molécules d’oxygène par une respiration contrôlée qui permet une meilleure absorption du précieux gaz et par la même occasion commande au système parasympathique de détendre notre corps avant l’action. Malgré la fureur des turbines, il règne dans les avions un silence monastique. Il me vient une pensée heureuse… Et si on battait ce fichu record dès ce soir ? Mon intuition me dit que le saut sera bon. C’est quelque chose qui est difficile à prédire et seule l’intuition a son mot à dire…

Les yeux sont rivés sur les lumières commandées par les pilotes. Orange… Ouverture de porte. Je pleins mes gars à la porte qui doivent passer une bonne minute dans le vent glacial. Et pourtant, rien ne semble les perturber. Ils ont les yeux rivés sur leur protocole mental et sur l’avion leader. Green light ! Mise en place. Les flotteurs grimpent avec agilité. Le premier rang de piqueur est en débord sur la ligne de porte. La deuxième ligne s’insinue tant que mal dans le moindre interstice. Ils savent que chaque centimètre compte et qu’un relâchement dans leur positionnement peut coûter de précieuses secondes aux derniers piqueurs qui partiront au moins 8 secondes plus tard, si tout va bien…

La troisième ligne de piqueur est écrasée au fond de la porte, mais consent à ce sacrifice… Il faut tenir quelques secondes avant que la charge furieuse vers la sortie ne soit donnée. Je suis le "corner guy", c’est-à-dire celui qui marque la première ligne des piqueurs derrière cet amas humain. Je dois laisser passer deux gars avant de m’envoyer en l’air, sinon on risque de se percuter à la porte et je leur ferai perdre des précieuses secondes pour que moi j’en gagne un peu. Hors de question. Le protocole est que je dois partir après, alors que la porte n’est qu’à quelques pas de mes boosters. J’ai une pensée pour le pilote qui fait des prodiges avec son manche et son palonnier pour tenir sa machine dans l’axe. Il doit conserver une vitesse et un axe pour ne pas décrocher, alors qu’il a 5 gars accrochés à la carlingue, faisant dévier son axe, et au moins 500 kg de paras chauffés à blanc derrière son centre de gravité.

Up, down, out ! Le super flotteur part 1 seconde et demie avant le "out" afin de prévenir les autres avions du départ. Craig et Niklas sont face à face dans le "chunk". Ils voient les hordes des piqueurs sortir du ventre des oiseaux métalliques, contents, tout comme moi, de se débarrasser de poids encombrant. Ils vont enfin pouvoir voler léger. Comme la base s’épanouit comme une fleur au printemps et que les premiers "butineurs" du premier cercle sont là, prêts à prendre leur prises, les avions, quant à eux, continuent leur trajectoire en descente dans une parfaite formation en V. La caméra de Craig est seule témoin, car l’attention est donnée aux procédures de construction de la base. Un coup de tête de la part de Craig et Niklas donnent l’autorisation au deuxième cercle de compléter la base. Ces quelques secondes de construction de la base dans son ensemble donnent le temps aux secteurs extérieurs de se mettre en position. Tout le monde arrive vite et parfaitement aligné sur sa radiale. C’est beau à voir. Tous les secteurs, comme commandés par une seule voix intérieure, se mettent à apponter sans heurts, sans vagues. La figure grandit tel un nénuphar d’une solidité parfaite et d’une platitude à toute épreuve. Craig tient dans sa main le fameux ruban fluorescent orange qui donnera le signal pour transiter vers le deuxième point. Tout le monde attend et retient son souffle… Je me demande pourquoi il attend si longtemps. La figure me parait complète. Dans mon champ visuel, je ne vois plus personne en stadium ni en dessous. Je le vois les yeux rivés sur mon secteur à droite de moi, le secteur nord-est qui est hors champ pour mon visuel… Je n’ose pas regarder, ma procédure me l’interdit. Je dois regarder sous les ventres qui sont devant moi et détecter le moindre mouvement pour la transition vers le deuxième point.

Soudain, après cette attente interminable, le précieux signal est lancé. Le ruban orange s’ouvre verticalement dans le bleu dans une danse frénétique. Comme un seul homme, les 151 lâchent leurs grips et se mettent en vol stationnaire no contact. Les vidéos captureront une superbe photo de cet instant magique où chacun vole dans son slot dans une formation parfaite sans se toucher. C’est, je pense, mon moment préféré dans les TBS ! La base se transforme en un "donut" à 4. Autour, les autres cercles de la base s’affairent autour du précieux noyau. Je suis concentré sur ma seule procédure et ne m’occupe que de moi. Je me présente dans ma nouvelle ligne et mes deux grips offerts par des "cousins" québécois sont devant moi parfaitement présentés. Je les saisis avec hargne et pousse la ligne vers l’avant pour aider au maintien de la cohésion de ce secteur. Il ne faut pas que la figure respire. Derrière moi je sais que Polo fera son job et comme toujours, il apportera beaucoup de confiance à ceux qui seront appontés autour de lui. Tout semble se construire selon le plan. J’espère juste que dans mes 6 h Marion et Gundrun auront eu le temps de faire la jonction entre les extrémités de la grande ligne de 6. Pas facile de joindre les deux bouts si la figure respire… Soudain, la figure semble se figer et une sensation télépathique semble courir tel un courant électrique dans mes grips et tout mon corps. C’est la sensation que j’ai à chaque fois qu’un record est accompli. Je ne vois personne en dessous. Le temps semble s’être arrêté… Soudain le kick de séparation me réveille. Quoi ! Déjà ? Comme un enfant qui ne veut pas quitter son rêve, je ne veux pas quitter cette figure où l’harmonie semblait parfaite… Tel que le monde devrait être quelques centaines de mètres plus bas.

6500 pieds, les premières vagues battent en retraite. 5500 pieds, j’attire mon tracking group avec moi face à l’est. Enfin, je n’ai plus le soleil dans les yeux ! On se regarde entre nous. Des pouces sont tournés vers le haut en signe de satisfaction. C’est bon signe !

La première figure du record à 151, vue de dessous. Photo Ralph Wilhelm

La transition entre les deux figures à 151, en mode "TBS" (séparation totale). Photo Ralph Wilhelm

La deuxième figure du record à 151, vue de dessous. Photo Ralph Wilhelm

Tout le monde se pose bien. Pas de cris de joie, pas encore… L’expérience de Nancy nous a appris à garder notre humilité avant le verdict. Le ramassage scolaire des enfants adultes commence dans le désert baigné d’une lumière dorée qui embellit tout, même un désert. La sensation est unanime : on a fait un sacré bon saut ! Mais cela parait impossible que ce soit un record. Il y aura bien un grip manquant ou que sais-je… Le bruit court que quelqu’un serait arrivé sur la première figure juste au moment où Craig lançait le "streamer" orange. Il se peut donc que le premier point ne soit pas valide.

Nous nous faisons à cette idée que le record est proche, mais qu’il sera pour demain si on répète un tel saut. Maintenant, le groupe est devenu une équipe à 151 et chacun sait ce qu’il a à faire.

Une fois de retour à la DZ, je retrouve la salle des coachs qui regardent déjà les différentes vidéos rapportées par les 4 artistes volants. Craig parcourt l’ensemble de la première figure marquant donc le premier point qui doit être validé pour pouvoir valider l’ensemble du saut.

Craig n’en croit pas ses yeux… Lorsque cette intrépide Ukrainienne à la combinaison rose se posa en dernière sur la figure dans son slot, Craig déploya immédiatement le streamer orange sans prendre le temps de vérifier que ses prises étaient confirmées, prenant le risque d’une figure invalide. La procédure était que chacun d’entre nous avait une limite de temps à respecter pour construire cette première figure. La "dead line" était fixée à 10.000 pieds. Cette limite atteinte, Craig lancerait quoi qu’il en soit le signal de transition vers le deuxième point… Perdu pour perdu, le groupe devait s’entrainer à la transition. La vidéo de Craig rapporta cette image devenue célèbre : l’altimètre numérique de Craig indiquant 9.900 pieds… dernier regard vers notre amie en rose. Elle est à niveau. La main s’ouvre enfin pour lâcher le serpent de plastique que tous les tigres volants attendaient enfin ! Gros pari pour Craig… Mais Craig est un compétiteur hors pair, multiple champion du monde. Il sait ce qu’est prendre un risque mesuré et consenti. Et bien lui en a pris, car sa prise de décision rapide permit au groupe d’avancer vers le deuxième point… juste à temps.

Une fois au sol, Craig vérifie donc si sa décision fut payante. Elle l’était… La première figure était bien valide ainsi que l’inter et la deuxième figure !

Tous les coachs, à tour de rôle, parcourent les vidéos et contrôlent les figures, et font le même constat : le record semble avoir été battu.

La décision est prise d’envoyer la vidéo et les images qui prouvent la réussite à des juges qui sont quelque part sur la côte est. Une juge officielle étant sur place pour contrôler le déroulement des procédures. Mais il faut la confirmation d’autres juges qui pouvaient rester chez eux en attendant.

La "free beer" est ouverte afin de faire patienter l’équipe qui attend le verdict avec impatience et excitation.

Une heure plus tard, nous amenons l’équipe devant l’énorme écran géant, le saut y est projeté sous différents angles. Notre Ukrainienne intrépide se mord les ongles d’anxiété. A-t-elle fait faillir le record pour cette fois, par sa petite seconde de retard ?

La juge officielle prend le micro, un silence se fait dans l’assemblée. Et d’une voix amusée, elle annonce que le record est validé. Explosion de joie, embrassades, pleurs de joie, c’est un moment de liesse dont on ne se lasse pas de regarder.

La première figure du record à 151, vue sous un angle très vertical. Photo Willy Boeykens

La transition avec lâcher de toutes les prises, bien visible sous cet angle. Photo Willy Boeykens

La deuxième figure du record à 151, qui s'inscrit bien dans le paysage grâce à l'objectif longue focale utilisé par le photographe. Photo Willy Boeykens

Désormais je suis réconcilié avec le big way et ma petite voix intérieure me prend par l’épaule et me dit : "Tu vois que tu as bien fait de venir ! Aurais-tu accepté de manquer un pareil moment avec tous ces gens fantastiques ?"

Néanmoins j’étais heureux de pouvoir me reposer sur les lauriers que cette équipe avait récoltés si brillamment et si bravement, car mon énergie/santé était vraiment basse. J’étais heureux qu’ils m’épargnent un autre saut à 18000 pieds, de bon matin !

Quoi proposer pour la suite de l’évènement ? Partir pour une tentative à 3 points était logistiquement et humainement impossible. Kelsey, notre organisatrice et coordinatrice lança sur notre groupe WhatsApp une idée rapide de variante de saut avec les mêmes bases que le saut de record. Pas trop emballé personnellement par le projet, je proposais une figure que j’avais conçue il y a 2 ans sur Skydive Designer : "The flower", car elle ressemble à une fleur. Simple en soit, elle plut à tous les coachs qui souhaitaient s’amuser un peu avec un peu de changement.

Pour la suite de l’événement, une formation originale est construite, en forme de fleur. Photo Willy Boeykens

Il fallut seulement 2 sauts pour accomplir cette belle figure que tout le monde apprécia, comme une sorte de cadeau de fin de colonie de vacances.

Je dois avouer que cet événement fut le plus beau et le plus réussi auquel j’ai participé. Et y participer en tant que capitaine / coach aux côtés des meilleurs, avec une telle réussite, c’est juste un accomplissement incroyable. Promis, je ne dirai plus de mal des records TBS et big way. Et j’y retournerai volontiers, mais à condition qu’il n’y en ait pas un tous les ans !

Ah, mais ça me fait penser : Il y a un "state record" à Chicago au mois d’août prochain ! Et j’en suis en tant que capitaine… Comme quoi, il ne faut jamais dire jamais. ■

N.D.L.R. : Les photographes du record sont : Willy Boeykens, Ralph Wilhelm, Mark "Trunk" Kirschenbaum et Alex Swindle.

GUIDE de lecture
-> La première partie de cet article (suivre le lien page 1 ci-dessous pour y accéder) introduit notre sujet sur les trois nouveaux records du monde de grandes formations et sur la participation française, qui représente un collectif d'une bonne vingtaine de personnes.
-> La deuxième partie de cet article (suivre le lien page 2 ci-dessous pour y accéder) traite du record du monde féminin à 64.
-> La troisième partie de cet article traite du record du monde de freefly tête en haut à 96 (suivre le lien page 3 ci-dessous pour y accéder).
->
La quatrième partie : vous y êtes !


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