Le 25 janvier dernier, la FFP a émis la circulaire de sécurité n°204 (voir lien Internet en bas de page) portant la mention "Affichage obligatoire". Elle doit donc en principe être visible dans tous les centres agréés FFP. Elle est illustrée d'une photo qui fait froid dans le dos : lors d'une simulation au sol, un sac-harnais reste bien suspendu par ses élévateurs malgré que la poignée de libération ait été actionnée. Le système 3-anneaux n'a pas fonctionné, les deux plus petits anneaux ne s'étant pas désengagés. Si la même situation se produit dans le ciel, elle est potentiellement mortelle.
L'actualité fédérale démontre qu'un rappel est toujours utile en matière de sécurité. Et lorsque l'on comprend bien comment un système fonctionne, on réalise mieux à quel point il est important de l'entretenir correctement.
Par Bruno Passe, avec la participation de Guy Sauvage
Cette circulaire fédérale de sécurité n°204 dénonce un manque d'entretien mis en évidence lors de simulations au sol. Elle fait un rappel sur les actions d'entretien à effectuer, SUR TOUS LES PARACHUTES, tous les systèmes de libération, quel que soit leur type, 3 ou 4 anneaux, solo ou tandem. D'ailleurs, sur la photo d'illustration, le conseil de sécurité de la FFP a pris le soin de masquer la marque du parachute.
Tous les parachutistes savent à quoi servent ces petits anneaux en métal positionnés sur leurs épaules, lorsqu'ils sont équipés avec leur parachute sur le dos. Il s'agit d'une partie du système de libération dit "3-anneaux" qui permet de se séparer de la voile principale, en cas d'urgence.
Ont-ils remarqué que sur une certaine marque de parachute, l'anneau central est oblong, tandis qu'il est rond sur toutes les autres marques ? Sur une autre marque, les anneaux ne sont pas visibles. Et ce n'est pas par souci d'esthétique que ces différences existent !
Ont-ils remarqué que c'est un anneau oblong qui est affiché sur la photo de la circulaire de sécurité FFP ? Un anneau rond aurait fait tout aussi bien l'affaire, et cet article permet de comprendre pourquoi il existe différentes formes.
Le fonctionnement de ce système 3-anneaux très ingénieux, dont le principe de démultiplication des forces permet de désaccoupler sans effort et d'une seule main les élévateurs du harnais, est généralement bien connu des parachutistes.
D'abord parce que cela fait partie de la formation de base, et ensuite parce que l'on peut en trouver l'explication très facilement. Même Wikipédia l'explique, et il l'explique bien dans son article "Système_trois_anneaux" (voir lien Internet en bas de page).
Et comme un bon schéma vaut mieux qu'un long discours, l'article est illustré d'une animation fort explicite :
L'article consacre également un paragraphe pour expliquer les variantes du système, dont la version originale date de la fin des années 1970. Les anneaux étaient plus gros que le standard actuel, qui est né de la miniaturisation des parachutes, dans les années 1980, et par souci esthétique.
À peu près à la même époque, l'arrivée et le développement de l'activité tandem, et donc du parachute biplace, ont fait apparaître des anneaux plus gros, et même des systèmes à 4 anneaux. Mais pourquoi utiliser un anneau oblong sur certains parachutes ? Et pourquoi inverser le système sur d'autres ? Nous allons y venir, mais un petit rappel préalable est nécessaire.
Nous savons donc que c'est par souci d'esthétique que le système, parfaitement conçu et fonctionnant très bien dans sa version standard des années 1970, s'est miniaturisé. Mais pour assurer un bon fonctionnement, le système exige une grande précision dans le respect des côtes et dans son assemblage. Sa miniaturisation, si elle en améliore l'esthétique, réduit l'avantage mécanique induit dans sa conception. Et c'est là où les ennuis ont commencé…
Le système 3-anneaux original était fabriqué avec des anneaux standards du marché, tout ronds, y compris pour le plus gros, celui qui est fixé sur le harnais. Nous avons expliqué l'historique dans notre article "Flash-back - Le libérateur 3 anneaux" paru dans le ParaMag n°219 d'aout 2005.
Une fois que le concept s'est généralisé sur la plupart des parachutes et des marques, certaines d'entre elles ont commencé par développer leur propre anneau principal. Elles lui ont donné une forme plus esthétique, plus fonctionnelle aussi, et ils en ont légèrement diminué la taille. C'était la première étape vers la miniaturisation du système tel que nous le connaissons aujourd'hui.
De mémoire de relativeur, il semble bien que ce soit pour répondre à une demande de mini-élévateurs, par des parachutistes soucieux – entre autres - de l'esthétique, que soit née l'idée de miniaturiser tout le système, en réduisant aussi la largeur des élévateurs.
Car à l'époque les relativeurs cherchaient aussi à réduire le moindre gramme, le moindre centimètre carré jugé inutile. Il semble donc que la fabrication de mini-élévateurs - d'abord strictement artisanale et confidentielle - fut aussi motivée par le fait que, sur cette partie de l'équipement, le moindre centimètre carré économisé était considéré comme doublement efficace.
Efficace d'abord pour réduire le volume dans le sac, et efficace aussi sur le plan aérodynamique, pour réduire la surface, et donc la trainée, une fois le parachute ouvert. Pourquoi pas… "L'effervescence imaginative était de règle et l'on bidouillait un peu partout" écrivait Guy Sauvage, à propos du siècle dernier, dans son article "À c't'époque" (paru dans notre édition ParaMag Hors-Série "Le parachutisme en l'an 2000 – C'était comment avant ?" Voir lien Internet en bas de page).
Et c'est justement Guy Sauvage qui, en 2003, nous racontait comment le système de libération "mini-force" - car c'est le nom commercial du système 3-anneaux à l'anneau central oblong - est apparu sur le marché, en même temps que le sac-harnais Icon et la marque Aerodyne.
Guy revenait du 7ème Symposium de la P.I.A. qui s'était déroulé en janvier 2003, à Jacksonville, en Floride. Les fabricants de parachutes sont régulièrement présents sur ce grand événement international, qui était organisé tous les deux ans, et Guy était l'envoyé spécial de ParaMag cette année-là.
Dans son reportage, il expliquait ceci : "La jeune société Aerodyne présente le sac-harnais Icon. …/…Le point le plus fortement mis en avant par les créateurs de l’Icon est un nouveau système 3-anneaux, le «mini-force», présenté comme diminuant de 37 % la traction nécessaire pour libérer. L’idée de ce concept (dont le dépôt de brevet par Aerodyne est en cours), est en fait née à Parachutes de France en 1991, mais aucune suite ne lui a été donnée à l’époque. Cette idée de Michel Auvray a été appliquée sur l’Icon, mais en revanche le système de l’élévateur inversé n’a pas été repris.
Avec son article, Guy nous avait livré en "encart" un texte retraçant l'historique et faisant le point sur la miniaturisation des libérateurs «3-anneaux». Pour la petite histoire, nous pouvons avouer aujourd'hui que ce texte n'a pas été publié à l'époque par manque de place dans le magazine. "Magie d'Internet", nous le publions ci-dessous, comme quoi il n'est parfois jamais trop tard pour bien faire.
MINI ELEVATEURS : LE POINT
Par Guy Sauvage – Février 2003
C’est en 1987, pour la sortie du Jaguar T00, que le bureau d'étude de Parachutes de France (dirigé par Michel Auvray) a l’idée de réaliser en série des élévateurs de taille réduite, allant de pair avec la miniaturisation des libérateurs «3-anneaux». À l’issue de tests, on constate alors rapidement que, lors d’efforts importants, fragilisé par le trou de passage de la bouclette de verrouillage, le corps d’élévateur s’allonge, modifiant le rapport de démultiplication des bras de levier, et rendant le glissement du jonc dans la bouclette (et donc la libération) difficile, voire impossible.
La solution consiste à renvoyer le perçage de l’indispensable trou sur une sangle cousue à l’élévateur, respectant ainsi l’intégrité de celui-ci. Le système ainsi conçu est sain, mais présente l’inconvénient d’exposer le point de verrouillage à tous les accrochages possibles, alors que dans le système standard il est protégé, bien au chaud entre l’élévateur et le corps de l’utilisateur.
Solution trouvée : on inverse l’élévateur, et c’est en 1989 qu’ils sont mis sur le marché, conjointement avec les voilures BT-40, 50 et 60.
Cependant, dans les mois qui suivront, quelques libérations difficiles viendront semer le doute quant à la sécurité des élévateurs inversés. (on doit parfois aider manuellement les libérateurs à fonctionner).
C’est alors (en 1991) que Michel Auvray a l’idée d’allonger les bras de levier en «ovalisant» les anneaux, mais le développement du concept est suspendu lorsque (en 1992), Michel Urbain (membre du bureau d'étude de PdF) se penche sur le problème et découvre la raison des «poignées de libé dures» : il s’agit simplement d’un défaut de conception, les cotes d’implantation des anneaux ne conviennent pas. Il y remédie, et les problèmes sont alors immédiatement résolus.
L’anneau oblong n’apparaissant plus indispensable à une libération aisée, l’idée est temporairement abandonnée, et dans la dizaine d’années qui suivront le système de l’élévateur inversé doté de mini anneaux ronds «tout bêtes» donnera pleine satisfaction. Cependant, dans les années qui ont suivies, un peu partout dans le monde, apparaissent alors des mini libérateurs montés sur des mini élévateurs standard, c’est-à-dire non inversés (et percés), qui donnent également satisfaction.
Il en reste cependant clair qu’un élévateur percé sera toujours moins résistant à l’allongement que s’il ne l’était pas, et qu’un anneau oblong offrira toujours un bras de levier supérieur à celui offert par un anneau rond.
Abondance de biens ne nuit pas dit-on, et l’on pourrait donc probablement associer le concept de l’anneau oblong à celui de l’élévateur non percé. Cependant Aerodyne ne l’a pas fait sur l’Icon «pour des raisons commerciales», ce qui peut s’expliquer par les visées internationales de ce nouveau constructeur.
Épilogue
Vous savez maintenant reconnaître au premier coup d'œil et rien que par sa face avant la marque d'un parachute qui est équipé d'un système 3-anneaux avec l'anneau central oblong ou d'un système inversé.
Vous savez également que ce système 3-anneaux, quel que soit son type, est un système parfaitement éprouvé et cela depuis des décennies.
Ce que vous devez surtout savoir, en tant qu'utilisateur, c'est que le système 3-anneaux, quel que soit sa taille et sa forme, nécessite une bonne maintenance. Même Wikipedia le dit (!) dans son dernier paragraphe intitulé "maintenance" :
"Les fabricants recommandent de déconnecter les élévateurs du harnais et d'effectuer des flexions de ceux-ci afin d’éviter toute formation de pli marqué. Les anneaux doivent être régulièrement contrôlés pour déceler d'éventuelles déformations, craquelures ou traces de corrosion. Les joncs de libération doivent être nettoyés et lubrifiés avec un lubrifiant adapté (silicone), les gaines doivent également être nettoyées pour éviter toute accumulation de poussière."
Comme il est écrit au début de cet article, un rappel est toujours utile en matière de sécurité. La boucle est bouclée !
• Circulaire de sécurité FFP n°204 du 25 janvier 2022
• Article Wikipedia "https://fr.wikipedia.org/wiki/Système_trois_anneaux"
• Article "Le libérateur 3 anneaux" paru dans le ParaMag n°219 d'aout 2005 (voire pages 50 à 59)
• Article de Guy Sauvage "À c't'époque" paru dans notre édition ParaMag Hors-Série "Le parachutisme en l'an 2000 – C'était comment avant ?