SKY WIDE SYSTEMS, fabricant de sac-harnais et d’ensembles complets

Interview d'Oleksiy Sharadkin, directeur de SkyWideSystems, par Bruno Passe

Le produit phare de SWS (SkyWideSystems) est le sac-harnais Fire, dont la gamme se décline en plusieurs modèles adaptés aux diverses disciplines : sportif (vol relatif, freefly, PA/voltige), école, tandem, militaire, etc.

Sur les pages de ses réseaux sociaux, SWS publie régulièrement des photos de sa production de sac-harnais Fire. Les images de ces jolis parachutes multicolores se mélangent à celles - très sombres - de la guerre en Ukraine, car SWS y donne régulièrement des informations sur la situation dans son pays.

En plus des sacs-harnais Fire, SWS propose de nombreux autres produits :
- des voiles principales et de secours tandem et école (pour les modèles de sac-harnais Fire dans ces disciplines),
- Edge, un sac-harnais pour le BASE jump,
- Blade, un harnais de speedgliding,
- Avia, un parachute de secours,
- un parachute cargo pour des charges de 300 à 1000 kg,
- de nombreux accessoires tels que des élévateurs et des sangles abdominales pour le pilotage sous voile, des ceintures de plomb, des répétiteurs pour l’AFF, des sacs de transport, etc.

SWS propose aussi divers services : pliage, entretien, réparation, travaux spécifiques.

Pour ceux qui s’intéressent au matériel, la section https://sws.aero/en/products/fire/est très fournie en explications détaillées sur les caractéristiques du sac-harnais Fire : type de harnais, tailles de yoke, harnais articulé, extracteur de secours semi-externe, etc.

Merci à Sergey Krishevich, manager du site de production à Kiev, qui nous a permis de rester en contact avec Oleksiy Sharadkin, directeur de SWS, qui était occupé sur le front de la guerre. Tous les deux ont répondu à nos questions concernant SkyWideSystems.

ParaMag : À qui s’adresse la production des sacs-harnais Fire dont on continue, malgré la guerre, de voir les photos publiées régulièrement sur la page Facebook SWS ?
SkyWideSystems : Désormais les parachutes sportifs que nous fabriquons sont principalement à l’attention de notre clientèle civile européenne, les parachutistes ukrainiens ne pouvant plus pratiquer dans leur pays. Nous continuons notre travail et notre cause commune, même durant la guerre. Nous n’avons pas d’autre choix. Nous avons des obligations envers nos clients et envers nos employés. Et nous ne serons pas stoppés par les envahisseurs russes.

Combien de personnes travaillaient en production chez vous avant le début de la guerre et combien y travaillent actuellement ?
Nous étions 25 avant le début de la guerre et nous sommes actuellement 15. Même si malheureusement la guerre continue ! Et que les missiles russes visent n'importe quel endroit...
C'est exaspérant et cela affecte malheureusement nos conditions de travail, mais...les premiers équipements de la liste des commandes d’avant-guerre sont arrivés depuis longtemps dans les pays des clients. Et des nouvelles commandes sont enregistrées et mises en production régulièrement !

GALERIE PHOTOS

Vues sur les différents postes de travail du site de production SkyWideSystems, à Kiev. (Cliquer sur une des photos pour l'agrandir et afficher la galerie en mode diaporama)

 

 

Quels sont vos délais de production ?
Pour les sacs-harnais Fire, notre délai est actuellement de 16 à 18 semaines.

Est-il exact que vous fabriquez également des voiles ?
Oui c’est exact. Pour le moment, ce sont uniquement des modèles tandem et des modèles école, en voile principale et en voiles de secours. Nous avions le projet de sortir une gamme de voiles sportives, mais la guerre a mis fin à nos plans.
La voile principale école SWS et la voile de secours école SWS sont proposées en trois tailles : 235, 270 et 300 pieds-carrés.
La voile principale tandem SWS est proposée en en trois tailles : 335, 370 et 300 pieds-carrés.
La voile de secours tandem SWS est proposée en 370 pieds-carrés.

Sur le plan réglementaire, de quel(lle)s certification(s) dispose le sac-harnais Fire ?
La période de conception, de développement, de tests et de certification du sac-harnais Fire a débuté en 2003 et elle s’est terminée en 2008. (N.D.L.R. : L’historique détaillé est disponible (en anglais) ici : https://sws.aero/en/products/fire/tests_and_certification/)

En juillet 2019, nous avons commercialisé le sac-harnais Fire 2.

Nos équipements ont été testés avec succès selon les normes de la certification américaine TS0 C23d. Ils sont approuvés pour utilisation par la BPA (British Parachute Association), ils ont passés avec succès la série des tests d’Airtec et notre entreprise est certifiée ISO 9001 "Systèmes de gestion de la qualité".

Le sac-harnais Fire a été testé avec succès au laboratoire d'essai de l'Institut de recherche sur le traitement des fibres. Sur la base des résultats de ces tests, les limites suivantes ont été fixées :
- Poids brut maximum (sportif entièrement équipé avec parachute) : 136 kg (300 Lb),
- Vitesse de déploiement maximale autorisée (vitesse maximale autorisée pour l'ouverture du conteneur) 309 km/heure (170 nœuds).

En 2017, la société SWS est redevenue membre de la Parachute Industry Association (PIA).

Les sacs-harnais Fire sont-ils certifiés selon une des normes américaines TSO ?
Après avoir terminé la conception de notre sac-harnais Fire, nous avions l'intention d'obtenir la certification la plus utile parmi celles qui étaient disponibles à ce moment-là, c'est-à-dire le TSO-C23d qui pouvait nous ouvrir l'accès au vaste marché des États-Unis.
Compte tenu du fait que le sac-harnais Fire avait passé avec succès le programme de tests en vol du TSO-C23d, nous ne nous attendions pas à rencontrer des problèmes d'ordre général. Nous avons contacté le bureau de certification des aéronefs (ACO) de l'administration fédérale de l'aviation des États-Unis (FAA) et avons entamé le processus d'obtention du TSO.

Pour obtenir le TSO, un fabricant de parachutes doit fournir les documents suivants (en anglais) :
- description complète de l'équipement avec toutes les informations concernant sa conception, les matériaux utilisés et la description du processus de fabrication,
- instructions de service,
- instructions d'assemblage et limitations d'assemblage/compatibilité,
- protocoles d'essais conformément au programme d'essai correspondant,
- instructions d'entretien et manuels, spécifiant les conditions limites d’utilisation,
- Système de contrôle de la qualité, de contrôle de libération des équipements et système de traçabilité des matières premières utilisées.

Après avoir entamé la procédure d'obtention de la certification en fournissant les éléments demandés, et une fois les matériaux approuvés, la question de la certification de la fabrication a été soulevée.

L’entreprise ne peut être certifiée en tant que fabricant d’équipements que s’il existe un bureau de représentation permanent de la FAA dans le pays où elle est implantée.

Dans le cas où le pays est membre de l'AESA (European Aviation Safety Agency), il existe un accord bilatéral entre la FAA et l'administration locale de l'aviation en ce qui concerne le transfert de l'autorité de contrôle de la fabrication envers les autorités locales de l'aviation.

Dans le cas de l'Ukraine :

1. Il n'y a jamais eu de bureau de représentation permanent de la FAA en Ukraine et cela semble impossible dans un avenir proche*,
2. L'Ukraine n'est pas membre de l'AESA (et cela semble impossible dans un avenir proche*, car il aurait fallu recertifier tous les équipements aéronautiques conformément aux normes de l'AESA),
3. Il n'existe pas d'accord bilatéral.

Il n'est donc pas possible d'obtenir un TSO pour un fabricant situé en Ukraine qui a réussi à satisfaire à toutes les exigences en matière de tests et qui a fourni tous les documents nécessaires.

Nous pouvons "faire une pirouette" en établissant une filiale dans un pays où la certification de fabrication peut être obtenue et effectuer l'assemblage final dans notre pays. C'est ce qu'a fait PD en mettant en service un site de fabrication au Honduras, mais en effectuant l'inspection de contrôle et l'installation des suspentes aux États-Unis. Mais il s'agit d'une entreprise américaine dont la production est située aux États-Unis et dont les installations et les budgets sont totalement différents.

Une telle tentative n'est pas très avantageuse pour un fabricant étranger : après avoir fourni toute la documentation formelle, il peut être possible d'obtenir le TSO. Toutefois, si la FAA a des doutes sur la validité de la fabrication dans le territoire contrôlé, le certificat peut être retiré. Cela peut provoquer des problèmes aux utilisateurs de ce type d'équipement si ces derniers deviennent soudainement interdits d'emplois (c'est ce qui est arrivé à Pipistrel, un fabricant slovène d'avions légers).

Après avoir examiné la situation et les résultats possibles pour nos clients, nous avons décidé de ne pas prendre de risques et d'abandonner nos tentatives d'obtention du TSO.

* N.D.L.R. : La réponse à cette question, que nous publions ci-dessus, se trouve sur le site Internet du fabricant SWS et elle a été rédigé bien avant le début de la guerre. La situation est donc encore plus complexe de nos jours. D’autre part, il est à noter que le sac-harnais Fire n’est pas autorisé d’emploi en France.

 

GALERIE PHOTOS

Quelques exemples de photos publiées régulièrement par SkyWideSystems sur sa page Facebook. Il s'agit des productions les plus récentes, la fabrication ne s'étant pas interrompue depuis le 24 février 2022. Sur certaines photos, les destinations des parachutes sont précisées : Angleterre, Espagne, Pologne, Belgique, etc. (Cliquer sur une des photos pour l'agrandir et afficher la galerie en mode diaporama)

 

Conclusion

"Faites l’amour, pas la guerre" ("Make Love, Not War"), c’est le slogan antiguerre, provenant de la contre-culture américaine des années 1960-1970. C’est durant cette période que, un peu partout dans le monde et porté par un vent de liberté, le parachutisme civil a commencé à s’émanciper d’un parachutisme qui était initialement militaire, pour s’orienter vers une pratique plus sportive et loisir.

Cette émancipation a apporté des techniques nouvelles comme le vol relatif, le voile contact et (un peu plus tard), la PAC, le tandem et le freefly. Elle a apporté aussi des parachutes plus modernes, plus légers, plus performants, et de nouvelles générations de fabricants.

Un bon demi-siècle plus tard, qui aurait pu imaginer qu’aux frontières de l’Europe, deux de ces fabricants passionnés, et qui vivaient de leur passion, continueraient à "faire des parachutes" tout en étant contraints de "faire la guerre" ?

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