Des tentatives de record du monde de grande formation tête en bas à 200 ont été organisées du 22 au 26 août dernier, à Skydive Chicago.
Récit par Anthony Malié, photos Norman Kent
Le record à battre date de juillet 2015 : une formation à 164, déjà organisée à Skydive Chicago. En août 2018, un nouveau défi était relevé : passer de 164 à 200, encore à Skydive Chicago. Mais la mauvaise météo avait limité le nombre de tentatives à 12 et le record à 164 n'a pas été battu cette année-là.
Exit la crise sanitaire, il a fallu attendre 2022 pour que les organisateurs relancent l'événement. 17 parachutistes français(e)s y étaient engagé(e)s : Maxence Cavalade, Sacha Corneloup, Greg Crozier, William Dalban, Bertrand Demont, Guillaume Doisy, Franck Eloffe, Johann Forethier, Karine Joly, Domi Kiger, Lorene Latour, Anthony Malié, Romain Martin, Julien Peelman, JC Stettler, Mathias Skupin, Baptiste Welsh.
Voici le récit de l'un d'entre eux.
Cette participation à ce record du monde tête en bas a pour moi une saveur assez particulière. J’ai commencé mes premiers entraînements en bigway à Nancy en 2019, dans l’idée de rencontrer de nouveau flyers et de progresser dans cette discipline, sans aucune prétention.
De fil en aiguille, entraînement après entraînement, et créant des liens avec les coachs et tous les participants, le record de France devient une réelle opportunité pour moi. Bien que plusieurs fois reporté pour diverses raisons il reste un objectif à cocher.
La graine du record du monde a été plantée par Domitille Kiger pendant la semaine du record de France en 2021, profitant d’une soirée à discuter, elle nous sonde sur cette éventualité, mais cela me paraît alors comme un rêve assez lointain.
Motivé pour le record de France prévu pour le mois de mai 2022, mais n’ayant pas la possibilité d’effectuer les entraînements de début de saison en France, je décide comme d’autres frenchies de m’inscrire à l’entraînement et sélection au record du monde organisé à Séville, fin février, par Domi et Anna. Ce week-end fut un très bon entraînement, mais je n’ai alors aucune prétention concernant le record du monde sur cette première participation, je le vois plus comme un échauffement en vue du mois de mai.
Fin mars/avril, le record de France est annulé, le dernier camp d’entraînement et de sélection du secteur EU du record du monde sont eux décalés en urgence à Klatovy. Ayant posé mes congés et prévu le budget pour sauter, je décide de m’y inscrire et de tenter le tout pour le tout, et de viser une participation au record du monde qui me semblait plus accessible après les sauts effectués à Séville.
Retour de Klatovy avec mon ticket pour le record du monde et après des sauts de grande qualité dans lesquels j’ai su tirer le meilleur de moi même, je me sens alors sur un nuage.
Août 2022, la grande aventure à Chicago, une DZ incroyable, rien à voir avec ce que l’on peut trouver en France et même en Europe, tout est démesuré ; les dix avions sont là, plus de 300 personnes sur place (200 VWR + 100 VR sequentiel) + le staff de la zone.
Les premiers briefings et sauts sont assez déstabilisants ; meetings à 6/7h du matin sauts à 200 avec largage à 19.000 pieds avec oxy dès le premier jour. La pression est grande pour tout le monde et l’on sait tous que nos places sont convoitées par la réserve. Il faut vite trouver sa place dans la formation et ses repères en vol.
Neuf sauts sur les deux premiers jours sans la possibilité de prendre mon slot sur la formation, des tensions et incompréhensions commencent à se faire sentir concernant l’architecture et les placements de chacun. Et certaines modifications arrivent, comme d’autres français de mon secteur je suis avancé de quelques rangs (placé initialement 166 je deviens 106).
Dès le troisième jour et avec cette nouvelle place, j’ai l’occasion de faire mon job et je prends mon grip, j’ai enfin le sentiment d’appartenir a la formation et non plus de la regarder devant moi, je ressens une certaine délivrance.
Jeudi matin, la décision est prise de passer sur un saut à 170, tant le saut à 200 paraît trop technique : 30 personnes vont donc sortir de la formation... À ce moment-là, et comme dans tout record, il faut être prêt à sortir du saut s’il l’on nous le demande et jouer la carte de l’équipe.
Cela rajoute une pression supplémentaire, car lors de ce briefing, l’organisation nous explique clairement que tout sera fait pour réussir la formation et qu’à partir de ce moment-là, ceux qui seront trop longs à venir à leur place seront remplacés.
Domi, en charge de notre secteur, me propose alors de changer à nouveau de place, et d’avancer encore plus proche du centre de la formation (place 55) et à un rôle plus délicat. Étant passé d’une prise main gauche à main droite, en plus de changer d’avion et d’approche, je me cale rapidement et je prends mes marques sur ce nouveau slot, entouré de mes compatriotes, également avancés de plusieurs places par rapport au saut à 200 initial.
Ces sauts sont plus techniques et je ressens alors l’importance d’une plus grande maîtrise de son corps, maîtrise nécessaire plus l’on se rapproche de la base et la tension qu’il y règne entre les grips, à nous de limiter cette tension pour soulager la base.
Vendredi, dernier jour et dernières tentatives à 170, rendez-vous à 7h du matin et break météo jusqu’à 13h au moins, la tension monte.
Trois sauts sont effectués sur cette journée, tous nous rapprochant de ce nouveau record du monde, mais aucun n’est suffisant, même avec l’aide de nos fabuleux pilotes pour leurs montées à plus de 20.000ft lors des dernières tentatives et que nous ne pouvons que saluer !
Au total, six sauts ont été effectués dans la configuration à 170, mais ce fut pas suffisant pour clôturer la formation, c’est un travail d’équipe.
La semaine se termine en laissant le record de 2015 en place pour quelques années de plus. J'écris ces mots avec une certaine déception face à cet échec, mais aussi avec une grande fierté d’avoir pu y participer. Rencontrer ces flyers incroyables venus de partout pour partager cette intense semaine fut une expérience mémorable.
Mille mercis à tous les supporters ayant pris le temps de venir attendre sur la DZ observant nos sauts tout à long de la journée pour vivre cela avec nous et nous féliciter à nos retours, particulièrement à tous ces enfants demandant photos, poignées de mains et autographes.
Un grand merci à tout le staff de Skydive Chicago pour l’organisation d’un tel événement, du boss Rook Nelson à toutes ces petites mains qui gravitaient sur le tarmac ou dans le hangar pour que tout soit fluide, sans manquer ces pilotes sans qui rien n’aurait été possible, ainsi que les responsables de secteurs, dont Domi que je remercie de tout mon cœur pour m’avoir ouvert les yeux sur cette aventure humaine qu’est le bigway.
Témoignage de Sacha Corneloup
"La semaine de tentatives de record a été un réel plaisir, malgré sa conclusion un peu frustrante. Des vraies montagnes russes !
Rencontrer tous ces flyers venus des quatre coins du globe donne vraiment une énergie spéciale à toute la semaine. Ça donne de l'espoir, de l'envie, de la motivation, de la patience, de l'empathie et de l'entraide, du challenge qui s'est réellement traduit par un dépassement de soi.
200 paraissait plutôt ambitieux, mais l'énergie était là. En s'approchant de la fin et en finissant par les sauts à 170, on a vraiment fini par des journées fortes en émotions, où tout le monde volait plus calmement, plus fort, plus efficace.
Pour une première expérience à un évènement officiel de ce genre et de cette envergure, je suis véritablement satisfait avec tout ce que j'ai pu gagner personnellement. Me sentir vivant, humain, grandi était le but et je m'y retrouve complètement.
Et je suis aussi convaincu que la prochaine sera la bonne, que c'est réalisable, avec les leçons de ces dernières tentatives, ce qui me donne encore plus de motivation pour la suite !"
Témoignage de Norman Kent
(sur la page Facebook Norman Kent Productions)
"Ceci est mon image préférée de l'événement "Vertical World Record" à Skydive Chicago. J'ai intentionnellement créé une distance pour que les chuteurs apparaissent petits dans le cadre et j'ai sélectionné un objectif dont la focale capturerait la beauté de cet arrière-plan. Les chuteurs étant réduits, ils semblent s'intégrer sur un lit de lumière et de nuages façon "barbe à papa".
La façon dont nous nous intégrons dans notre environnement est pour moi aussi importante que ce que nous y faisons. Il s'agit d'une mise en scène intentionnelle qui s'est alignée sur le timing et une impressionnante lumière... Un cadeau de Mère Nature et, bien sûr, de la chance pure que je semble avoir eue cette fois-ci. Je suis un homme chanceux...
J'étais complètement excité quand j'ai ouvert et que j'ai atterri, comme un enfant avec un nouveau jouet, à cause des images et de ce que je savais que j'avais capturé. La plupart des chuteurs m'ont regardé comme si j'étais fou parce que ce n'était pas un saut record, mais pour moi, ce genre d'image est la façon dont je capture un record.
Après 47 ans de parachutisme, je sais toujours ce qui me motive : capturer et partager la beauté que je vois, et le fait que vous vous soyez lancés ici EST de toute beauté !
Merci à Skydive Chicago, à tous les participants, aux organisateurs, aux capitaines, au personnel et à tous ceux qui travaillent si dur pour faire de ce genre d'événement une réalité. Beaucoup de travail est nécessaire pour ce genre de projet et je le considère comme un succès, qu'il soit validé ou non, car ce que nous faisons est tellement magique et spécial... Quel privilège, merci..."
GALERIE PHOTOS
Voici un extrait de la galerie photos de Norman Kent sur cet évènement (Cliquer sur une des photos pour l'agrandir et afficher la galerie en mode diaporama). Suivez ce lien pour retrouver la galerie complète.
À lire également, sur le même sujet...
● L'article "Tentatives à 200 en freefly" paru au début des tentatives.
● L'article sur le record à 164 de juillet 2015 (interview de Greg Crozier, Airwax Team) paru dans le ParaMag n°340 de septembre 2015.
● L'article sur les tentatives à 200 d'août 2018 (interview de Greg Crozier, Airwax Team), paru dans le ParaMag n°376 de septembre 2018.
● Soutien aux Français(e)s engagé(e)s dans le 200.