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Histoire d’une 100° couve

En 36 poses, et en argentique...

En couverture et double poster du ParaMag n°100, paru en 1995 : des photos spéciales pour un numéro spécial ! Couverture : Claud Remide et Patrick Passe sautent en Mister Bill spécialement pour la photo. Poster : Tandem en chute assis durant le boogie de Vichy. Pilote tandem : Olivier Jean-Baptiste, passagère : Michelle Passe. Photo Willy Boeykens.

Depuis quelques jours, nous publions deux photos spéciales pour illustrer l'aboutissement du projet L'Intégrale. Ces photos mettent le magazine ParaMag dans des situations parachutistes originales, une sous voile en "Mister Bill" et l'autre en tandem "chute assis". Elles ont été réalisées en 1995 pour les besoins d'une édition spéciale, le ParaMag n°100, et une des deux photos comporte un montage numérique. Voici leur histoire.

Par Bruno Passe

De nos jours cela peut sembler assez facile de produire de telles photos, mais il y a 27 ans, c'était un peu plus compliqué !

Dans la réalisation d’une couverture pour le numéro 100, il n’y avait pas de place à l’improvisation. L’idée de départ était de faire une photo d'un parachutiste en action et lisant ParaMag, mais autre que les traditionnelles photos dans l’avion ou à l’embarquement.

Deux membres de l’équipe féminine Ailes-Melun, vainqueur de la Coupe de France de VR-4 1994 au Luc, lisent ParaMag durant la montée en altitude.

En 1995, la PAO (production assistée par ordinateur) venait d’apparaître dans le monde de l’édition. C’était aussi le début de la consécration pour le célèbre logiciel Photoshop. Bien que ParaMag se soit toujours fait un point d’honneur à ne jamais "bidouiller" les photos d’action, il a été décidé d’utiliser exceptionnellement la magie de la numérisation pour obtenir une couverture originale.

Effet miroir

L’image du parachutiste lisant ParaMag serait donc retravaillée pour obtenir un effet "reflet dans le miroir" à l’infini.

Le plus difficile fut d'obtenir la photo désirée tout en suivant un petit scénario. Le premier choix portait sur un saut tandem : le pilote tandem et sa passagère apprécient tranquillement leur ParaMag tandis que des "lecteurs clandestins" essayent de le lire par-dessus leurs épaules. Il y avait un message là-dessous : "Ne prêtez pas votre ParaMag !"…

Et comme il faut être confortablement assis pour bien lire son magazine, il ne s’agissait pas d’un saut tandem ordinaire. ParaMag avait fait appel à "OJB" (Olivier Jean-Baptiste), grand spécialiste de la chute assis, pour emmener une passagère en tandem et en position assise.

En 1994, durant le boogie de Vichy, une trentaine de "chuteurs assis" sont rassemblés pour un saut organisé par OJB (Olivier Jean-Baptiste, au centre du cercle). Pour la plupart, ils sont équipés de combinaisons ailées. En haut à droite de la photo, on reconnait Laurent Bouquet, Philippe Vallaud, Patrick Saget, Maryvonne Simon, Jean-Noël Itzstein, ... Photo Bruno Passe

À cette époque, la discipline se pratiquait généralement en combinaison ailée, un modèle très spécifique avec des ailes positionnées sous les bras et qui se mettaient en pression à la manière d’une voile de spinnaker.
Grâce à cette combinaison, le taux de chute n’était pas très élevé et la chute assis était relativement accessible au plus grand nombre. Elle pouvait aussi se mixer avec d’autres pratiques : tandem, skysurf et chute à plat. "OJB" n’aurait donc aucun mal à trouver des adeptes de la discipline, pour jouer les figurants de notre petit scénario et se retrouver ainsi dans le ParaMag n° 100.

Voici à quoi ressemblait une formation en chute assis avec les combinaisons ailées. Saut organisé par OJB durant le boogie de Vichy, en 1997. Photo Stéphane Doublet

Mais "la poisse" s'y est mise. Premiers sauts prévus en mai/juin (pour une parution en septembre) : il fallait réunir le pilote tandem (O.J.B.), le photographe (Willy Boeykens) et le beau temps.

Impossible de rassembler les trois, donc rendez-vous au boogie de Vichy, en août. Entre les sauts organisés d'O.J.B. et les sauts vidéo de Willy, un créneau était trouvé et aussi une jolie passagère tandem. Durant le premier saut, l’appareil photo est tombé en panne et il n'y a eu qu'une seule image de déclenchée. Le saut en tandem chute assis a été refait le jour suivant et tout semblait bien se passer.

La seule photo tirée lors du premier saut montre que le tandem en chute assis est plus facile à capturer que le Mr Bill, mais le cadrage est à tendance largement horizontale. Photo Willy Boeykens

Pour rappel, pas de photo numérique à l’époque, le photographe chargeait son appareil avec une bobine de film, 24 ou 36 poses seulement, qu’il fallait ensuite porter à développer et attendre le résultat, qui était loin d’être instantané. La plupart des photographes parachutistes travaillaient avec de la diapositive, plus qualitative, mais plus longue à développer. Le rythme était donc : saut-photo, labo-photo, dodo, retour-diapo…

Finalement, après développement des photos des deux sauts, tout était parfait sauf le cadrage qui ne s’adaptait pas à la couverture (problème de verticalité). Mais ce n'était pas grave, puisque nous tenions une magnifique photo pour notre poster géant "spécial numéro 100".

« Si les oiseaux savaient lire, ils s’abonneraient à ParaMag. » Telle était la légende du double poster « Tandem en chute assis durant le boogie de Vichy 1995 » de notre édition spéciale n°100. Pilote tandem : Olivier Jean-Baptiste, passagère : Michelle Passe. Photo Willy Boeykens.

Et la photo de couverture ?

Heureusement, nous avions suivi parallèlement une autre piste, celle du Mister Bill. C’est ce jeu qui consiste à partir accrochés à deux et à n'ouvrir qu'un seul parachute. On se retrouve alors à deux sous la même voile, le "porteur" et le "porté", qui est bien sur équipé de son propre parachute. Il peut ainsi repartir en chute et ouvrir individuellement.

Pour les besoins de notre petit scénario, le premier para (le porteur) était déguisé en élève, avec casque, FXC et tout et tout, en train de lire ParaMag. Son compère (le porté) n'était autre que Claud Remide, parachutiste réputé (ex-membre des équipes de France de vol relatif, pionnier du paralpinisme, moniteur, etc.) avec pour mission de sauter du Mister Bill en essayant d’attraper le ParaMag que son porteur est en train de lire.

Il y avait un autre message là-dessous : "Ne vous laissez pas piquer votre ParaMag !".

Le porteur-lecteur était aussi le photographe : Patrick Passe, équipé d’un appareil photo embarqué et installé sur le pied. Charge à lui de cadrer et de déclencher au bon moment, tout en faisant semblant de lire joyeusement son ParaMag.

À cette époque, Patrick était engagé à fond dans la prise de vue parachutiste, que ce soit pour ses films Travelling, dont le 3° volet était sorti deux ans plus tôt, ou pour les fameux tournages de l’émission Ushuaïa. Il allait mettre tout son talent au service de ParaMag pour cette photo particulière.

Comme tous les cameramen parachutistes de l’époque, Patrick Passe était affuté et équipé pour les prises de vue avec un casque, que ce soit pour emporter des appareils photo, des caméras 16 mm ou des vidéos. Il était aussi spécialisé dans les prises de vue embarquées : appareil de prise de vue sur l’abdomen ou sur le pied. C’est cette dernière technique qui fut choisie, car elle apportait le meilleur angle pour le saut en Mister Bill.

Voici comment étaient équipés, en 1992, les cinq photographes du record du monde de grande formation (vol relatif) à 150 à Koksijde, en Belgique. De nos jours, ce sont surtout les caméras vidéo qui font la différence de poids et de volume. En dehors des compétitions et des records, la vidéo permettait aussi d’avoir une idée du résultat des prises de vue photos, en attendant le développement des photographies. En haut et de gauche à droite : Max Dereta et Bruno Broken. Au centre : Simon Ward. En bas et de gauche à droite : Willy Boeykens et Henny Wiggers. Photo Didier Klein

Après avoir trouvé un créneau dans l’emploi du temps bien chargé des deux acteurs parachutistes, les sauts ont été organisés à Gap-Tallard, durant l’été. Et pour rappel, pas de résultats instantanés à cette époque, c’était saut-photo, labo-photo, dodo, retour-diapo…

Dès le premier saut, la photo était assez réussie, mais par manque de chance on ne reconnaissait pas Claud Remide à l’image. C'était donc reparti dès le lendemain pour une nouvelle tentative.

Deuxième tentative en Mr Bill, il ne reste qu’une seule image à déclencher, le timing est réussi, mais pas le cadrage. La photo du premier saut sera donc la bonne. Photo Patrick Passe

Mais le Mister Bill, ça n'est pas si facile ! Ouverture en autorotation, twists et en essayant de les défaire, le porteur-photographe a appuyé involontairement sur le déclencheur : résultat, il ne lui restait plus qu'une seule photo. Elle fut déclenchée au bon moment, mais le résultat était moins bon car cette fois, c'était le visage réjoui du porteur-lecteur que l'on ne voyait pas.

À ce moment, il nous a fallu arrêter, sinon le ParaMag n°100 ne serait jamais sorti à temps ! Évidemment, les acteurs avaient sauté à chaque fois en tenant un ParaMag déjà paru. Avec la photo choisie, il restait à composer la nouvelle couverture et à y remplacer l’ancienne. Les finitions de l’effet graphique obtenu peuvent sembler minimalistes de nos jours, mais à l’époque, il avait su créer la surprise et faire son effet en couverture du ParaMag n°100, un numéro très attendu chez nos abonné(e)s.

Comme tous les autres numéros de l’Intégrale ParaMag, cette centième édition obtient une deuxième vie en numérique. Le grain de folie de l’époque y restera mêlé pour longtemps au grain de la photo argentique : indétectable sur smartphone, il vous sautera aux yeux depuis une tablette ou un bon écran d’ordinateur !

La photo de couverture du ParaMag n°100 nous plonge dans un Mister Bill très particulier. Photo Patrick Passe

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