REGARDS TECHNIQUES SUR LE PARACHUTISME DE VITESSE

Photo ci-dessus : Lors de coupe du monde 2025 à Hohenems, l'Américain Niklas Daniel a établi un nouveau record continental nord-américain à 535,43 km/h. Photo Michael Brewer
Le speed skydiving est une discipline à part dans le monde du parachutisme. Les sensations qu’il procure n’ont rien à voir avec celles des autres sauts.
Par Daniel Niklas
Le vent siffle dans ton casque, la pression de l’air écrase ta tête et tes épaules, ta combinaison tire vers le bas, et tu dois rester parfaitement stable alors que tu files à une vitesse qui frôle celle du son. Si tes chaussures ne sont pas bien serrées, tu risques même de les perdre ! Ces 25 secondes de chute libre sont un mélange d’intensité physique et de défi personnel qui rendent chaque saut inoubliable.
Une discipline accessible
L’un des grands avantages du parachutisme de vitesse est sa simplicité : pas besoin d’équipe, de vidéoman ou de matériel spécifique. Tu peux sauter depuis n’importe quel avion. Une expérience en freefly, en vol d’angle ou en soufflerie peut aider, mais ce n’est pas obligatoire. L’important est de garder une trajectoire stable et rectiligne.

Photos ci-dessus : Le speed skydiving peut se pratiquer de tout type d'avion, avec des techniques de sortie qui varient parfois en fonction des compétiteurs. Sur la photo du haut, Niklas Daniel sort d'un Twin Otter, face vers le ciel. Sur la photo du bas, Marco Hepp sort d'un Pilatus, face vers le sol.
Aux États-Unis, quelques conditions sont requises (USPA, section 6-13) :
- posséder au moins une licence C,
- avoir effectué 200 sauts minimum,
- rester conscient de son altitude et de sa position en chute,
- faire vérifier son matériel par un professionnel,
- préparer son saut avec les responsables de la zone (ordre de sortie, météo, zones d’atterrissage, plan de vol en chute et sous voile, etc.).
emporter deux altimètres sonores et un visuel.
Côté équipement, rien de très spécial à part l'emport d'un GPS pour mesurer la vitesse (N.D.L.R. Tu peux tout de même débuter avec un modèle d'avertisseur sonore qui calcule la vitesse en mode barométrique). Ton parachute doit être adapté à la discipline et aux vitesses élevées, comme en freefly.
Ce qui rend cette discipline si passionnante, c’est que tu vois clairement tes progrès. Comme les chuteurs de vitesse n’ont pas le droit d’utiliser de lest pour aller plus vite, tout repose sur la technique et le choix de l’équipement. En position tête en bas, la différence se fait surtout sur la posture, l’équilibre, et la capacité à réduire les frottements. Même la façon de sortir de l’avion peut jouer : plus tu accélères tôt, plus tu profites de l’air moins dense en altitude. Les meilleurs ne se stabilisent pas à une vitesse fixe : ils continuent d’accélérer jusqu’à la séparation.
Les bases de la compétition
Depuis 2019, la FAI a fixé un cadre précis pour les compétitions. Chaque saut est évalué sur la vitesse verticale moyenne des 3 secondes les plus rapides dans une fenêtre de performance qui se termine soit 2 256 mètres (7 400 pieds) sous la sortie, soit à l’altitude de séparation. Les compétiteurs portent un GPS homologué et fixé sur leur casque pour enregistrer leur vitesse, mesurée en km/h et au centième près).

Voici le graphique extrait de l'appareil de mesure Flysight de Niklas Daniel lors de la 8e manche des championnats du monde 2022. Il affiche ses performances sur ce saut et notamment dans la fenêtre de 3 secondes qui correspond à la barre verticale blanche. Source AXIS Flight School
Une compétition se déroule en 8 manches et c’est la somme des scores qui détermine le vainqueur. La régularité est donc essentielle : ce n’est pas le saut le plus rapide qui compte, mais la constance sur l’ensemble de l’épreuve.
La course aux records
La discipline évolue vite. Tandis que les champions dépassent les 500 km/h, les débutants atteignent plutôt les 320 km/h. En 2022, l’Allemand Marco Hepp a établi le record du monde en compétition avec 529,77 km/h (classement GPS) lors des championnats du monde de la FAI en Arizona. Dix compétiteurs ont franchi les 500 km/h ce jour-là, dont trois à chaque manche.
À ce jour, ils sont 19 compétiteurs à avoir franchi la barre des 500 km/h (classement GPS). Si, pour l’instant, tous sont des hommes, de nombreuses femmes s’en approchent rapidement.
Mais certains voient déjà plus loin : atteindre 600 km/h avant la fin de la décennie. Des chercheurs de l’Université d’Aix-la-Chapelle (Allemagne) estiment que ce cap pourrait être franchi grâce à une meilleure compréhension de l’aérodynamique. Ils ont montré que deux zones en particulier créent de la traînée : le cou (séparation du flux d’air au niveau du casque) et le bas du harnais (séparation derrière le container).

Schémas ci-dessus et ci-dessous : Les modèles de dynamique des fluides computationnelle tirés de l'article "Analyse numérique de l'écoulement autour d'un parachutiste de vitesse" illustrent les zones de forces de traînée. Source AXIS Flight School
Les clés de la performance
Un saut de vitesse comporte plusieurs phases : sortie, accélération, trajectoire verticale rectiligne et ralentissement avant l’ouverture. L’objectif est d’aller le plus vite possible, tout en restant parfaitement stable. Le moindre déséquilibre ralentit aussitôt le chuteur.
La performance repose sur trois facteurs :
1. L’exécution : habileté et régularité.
2. L'aérodynamisme : orientation, posture et choix du matériel.
3. Les conditions atmosphériques : altitude, densité de l’air, météo.
C’est pourquoi les records en compétition sont très différents des records de performance pure. Par exemple, Felix Baumgartner a atteint 1 357,6 km/h (843,6 mph) lors de son saut stratosphérique à 39 000 mètres. Sans limites d’altitude ni de fenêtre de performance, il n’aurait pas pu descendre plus lentement même s’il l’avait voulu. Les mesures ultra-précises en compétition expliquent aussi pourquoi certains parachutistes de loisir semblent parfois enregistrer brièvement des vitesses proches de celles des "pros".
L’aérodynamique du parachutisme de vitesse est complexe, car chaque athlète a une morphologie unique. Les simulations numériques (CFD) apportent des pistes intéressantes, mais elles doivent toujours être validées par des essais réels. Les chuteurs doivent progresser pas à pas, tester des ajustements et recueillir des données sur plusieurs sauts pour confirmer une technique.

Différence entre les écoulements d'air autour d'un corps profilé (à gauche) et d'un corps non profilé (à droite) : un écoulement plus large et un sillage important contenant des pressions faibles produisent une traînée plus importante. Source AXIS Flight School
Surface et traînée : l’art de se profiler
Pour aller plus vite, il faut réduire au maximum la surface projetée (celle que « voit » l’air). Comme les casques n’existent qu’en quelques tailles, la différence se joue sur la capacité à « cacher » le corps et le harnais derrière le casque. Certains parachutistes analysent leurs postures grâce à des images en projection pour identifier la plus compacte (voir illustration ci-dessous).
Vient ensuite le coefficient de traînée (Cd), qui mesure la résistance en fonction de la forme. Un chuteur en position ventrale (à plat) a un Cd d’environ 1,0, un chuteur tête en bas autour de 0,7. Les spécialistes du speed descendent parfois à 0,5 ou moins, en allongeant leur silhouette et en affinant le harnais. Cela réduit la turbulence derrière eux, mais augmente le frottement de surface — d’où l’usage de combinaisons serrées et lisses.
Une discipline en pleine expansion
Partie d’un petit cercle de passionnés européens, le parachutisme de vitesse s’impose aujourd’hui comme une discipline à part entière, en pleine croissance au niveau mondial. Elle séduit par sa simplicité d’accès, ses sensations uniques et le défi qu’elle représente.
Qu’il s’agisse de viser un podium international ou simplement de goûter à la chute libre la plus rapide qui existe, une chose est sûre : le parachutisme de vitesse n’a pas fini de repousser les limites. ◼︎
Vous voulez voir à quoi ressemble le speed skydiving ? Voici une vidéo promotionnelle qui présente la discipline. Elle a été réalisée par AXIS Flight School pour promouvoir une étape de la World Cup Series organisée à Eloy (Arizona) en mars 2024.
À propos de l'auteur
Daniel Niklas est le cofondateur de l'école AXIS Flight School, basée chez Skydive Arizona (à Eloy). Il est champion national américain et champion du monde (FAI) 2024 de speed skydiving. Il avait déjà remporté les médailles d’argent en catégorie open et masculine aux championnats du monde FAI en 2022.
Il est vainqueur du classement général World Cup Series 2024 de l'ISSA et deuxième au "top 20" des plus de 500 km/h (classement GPS) avec une meilleure performance en compétition à 535.43 km/h.
Liens utiles
● Le site ISSA Speed Skydiving
● Le site AXIS Flight School
● Un des articles publiés (en anglais) par Daniel Niklas au sujet du speed skydiving : "Foncez vers l'avenir"
● Article "Les trophées du speed skydiving" : Historique et présentation de l'épée Earnest Holford (ISSA) et du trophée Tim Mace (FAI). Comme le vol relatif et ses trophées Excalibur, avec les noms des champions du monde inscrits dessus, le speed skydiving a mis en place les siens.
● Le classement GPS perpétuel de l'ISSA
● Le classement barométrique perpétuel de l'ISSA
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