C’est sous forme de triptyque journalier que les parachutistes professionnels et les exploitants professionnels du parachutisme avaient rendez-vous à Paris, les 8, 9 et 10 décembre 2023.
Assemblée générale pour les uns, safety day pour les autres, certains cumulant parfois les deux, voire les trois évènements, ce sont trois jours riches en contenus qui se sont déroulés à Paris, dans une salle de l’IGESA Voltaire, près de la porte d’Italie.
Peu de participants le savent, mais c’est exactement au même endroit que se réunissaient les "paras-pros", parachutistes professionnels, pour leur assemblée générale, il y a une trentaine d’années. Ils étaient moins nombreux à l’époque et la salle était plus petite.
Seul acteur de cette époque encore présent aujourd’hui, et bien actif en son temps puisque fondateur et président du GPPCT (groupement des parachutistes professionnels et des cadres techniques) dans les années 80 : Jean Gamaury. Et il n’a toujours pas sa langue dans la poche, preuve qu’il se porte toujours bien !
Moment d’émotion lorsqu’à la faveur d’une pause, il sort les photocopies du registre des tout premiers brevets de parachutistes professionnels, à l’époque rédigés à la main, avec les noms de quelques pionniers du parachutisme : Gil Delamare, Henri Violin, Sam Chasak, Jean Coupé, et bien d’autres… Des photocopies officielles pour lesquelles Jean Gamaury était parvenu à obtenir une autorisation.
Beaucoup de ces parachutistes professionnels sont décédés, et ceux-là seraient sans doute bien surpris de voir comment l’activité perdure et s’est développée de nos jours. Mais au fait, qui se souvient, qui sait encore en quelle année a été créé ce brevet et à quoi il servait ?
Didier Klein, en collaboration avec Yves-Marie Guillaud, l’avait très bien expliqué dans l’article "Le para-pro" paru dans le ParaMag n°35 d’avril 1990 (voir lien en bas de page) : "Le brevet de parachutiste professionnel a été créé en 1956, à une époque où le parachutisme était régi non comme un sport, mais comme une activité aérienne, dépendant ainsi du Ministère des Transports et de la DGAC. La création du brevet avait alors un but : donner un statut social à tous ceux qui vivent du parachutisme"
L'article explique qu'en 1974, le statut officiel d'instructeur de parachutisme s'est rattaché aux brevets d'état d'éducateurs sportifs (BEES 1 et 2) nouvellement créés. Parallèlement, une partie importante des parachutistes a quitté l'Aviation civile pour passer sous la tutelle du Ministère des sports. Le brevet de parachutiste professionnel a alors connu une période de flou.
Et puis en 1987, le brevet a connu un franc renouveau, pour diverses raisons dont les principales étaient :
- recherche d'un statut professionnel,
- désir de sortir du système fédéral,
- valorisation individuelle de ses compétences.
L'article de ParaMag concluait, en 1990 : "Sans aucun doute, le brevet et la licence de parachutiste professionnel ont encore de beaux jours devant eux." Il ne croyait pas si bien dire, et ces beaux jours ont indéniablement bénéficié de l'arrivée et du développement du tandem, à cette même époque.
33 ans plus tard, le brevet se porte très bien et la fréquentation soutenue au "safety day" à Paris en est une preuve supplémentaire.
SAFETY DAY, le 8 décembre
Une quarantaine de para-pros et moniteurs étaient présents en ce vendredi matin pour assister au "safety day". Mais au fait, c’est quoi le safety day ?
C’est une évolution du colloque "biplace" du SNPP, instauré au début des années 2000. Il s’avérait utile pour débattre au sujet du tandem, sur les thèmes du matériel, du pliage, de la sécurité, de l'accidentologie, etc.
À noter qu’il existe deux dénominations pour parler de l’activité de saut en parachute tandem, les parachutistes professionnels utilisant aussi couramment la dénomination "biplace", en référence aux textes officiels qui caractèrisent leur activité de transport aérien. Dans cet article, nous utilisons indifféremment les deux : tandem et biplace.
En 2015, le colloque biplace a été remplacé par le safety day. En 2016, la participation au safety day est devenue obligatoire une fois tous les deux ans pour les membres : c’est un prérequis pour pouvoir adhérer au contrat d’assurance. C’était une volonté de l’assureur qui voyait là un moyen de canaliser l’accidentologie, afin de limiter les volumes de remboursement, et donc les augmentations de primes.
L’accidentologie est plutôt stable ces dernières années, mais c'est le montant des remboursements qui avait augmenté très sensiblement à cette période. Une simple fracture peut générer des remboursements de plus de 100.000 euros. À titre d’exemple, en 2014, un seul accident a coûté 1,2 million d’euros ! Et le safety day porte ses fruits, puisque l’accidentologie est plutôt stable et qu’il n’y a pas d’augmentation d’assurance prévue actuellement.
La session du safety day du mois de décembre à Paris n’est pas la seule du genre : il en existe d’autres au Havre, à Vannes, à Lézignan-Corbières, aux Sables-d'Olonne … Mais à cette période de l’année, dans la capitale et la veille de l’assemblée générale, c’est celle qui attire le plus de monde.
Elle est menée par Ludovic Chevé, qui l’ouvre par une présentation du site Internet Paratos, créé "dans le but de faciliter l'information, la formation et le maintien des compétences des parachutistes professionnels".
La première partie du safety day consiste en une série de rappels sur la réglementation, le matériel, les déclarations d’accident, avec en toile de fond les pages correspondantes et contenues dans le site Paratos.
D’autres sujets sont abordés : la vérification du matériel, les procédures de sécurité, l’utilisation des perches, la sécurité sous voile avec vent turbulent et caniculaire, la sécurité aérienne, les incidents à l’ouverture, la mise en sécurité passive des passagers, etc.
L’accent (grave…) est mis sur le rappel des procédures de sécurité à travers la projection d’une vidéo très impressionnante. Il s’agit d’un incident survenu durant la saison 2023 sur le territoire français, une libération intempestive à moins de 500 mètres du sol qui démontre (en autres) l’importance de la procédure de crochetage des sangles latérales de maintien. Après l’ouverture, les sangles latérales doivent être à nouveau crochetées (non serrées) pour assurer un maintien minimum entre le pilote et le passager, même sous voile.
Sur la vidéo, le jeune pilote tandem (moins de 40 sauts en biplace) a correctement appliqué la procédure. La libération intempestive est provoquée par l’accrochage d’un doigt de commande principale sur la poignée de libération (de type crochetable). Elle survient en sortie de virage, heureusement que les sangles latérales maintiennent les deux corps, passager et pilote, certes avec un large espace, mais empêchant la "mise en portefeuille" qui aurait sans aucun doute été fatale, empêchant une ouverture correcte de la voile de secours. Celle-ci s’est ouverte avec de fortes torsades sur le cône de suspension.
Sur le plan technique, il y a bien des choses à analyser au sujet de cet incident grave, qui est en fait un accident puisque le passager a été blessé à l’atterrissage. Ces analyses ont été partagées en safety day, elles révèlent au passage un constat de déviance dans certaines formations. Le sujet sera également abordé (le lendemain) durant l’AG du SNPP.
Le safety day se termine autour de deux types d’équipement tandem : UPT/Vector et Parachutes de France/Safran, pour un rappel sur le matériel et son utilisation.
D’autres sessions de safety day sont programmées en 2024 :
● Lézignan-Corbières (le 7 janvier)
● Vannes (16 mars)
● Arcachon (date à définir)
● Paris, IGESA Voltaire (le 6 décembre).
AG du SNPP, le 9 décembre
Le SNPP (syndicat national des parachutistes professionnels) a été créé en 1991, il représente la grande majorité des parachutistes professionnels en activité. Son conseil d’administration est composé de 6 personnes dont Pierre-Yves Eugène (président), Emmanuel Gelly (trésorier), Pierre Lhopitallier (secrétaire général).
Le président a ouvert l'AG par une minute de silence en mémoire de Jean-Claude Valery.
L’ordre du jour de l’assemblée générale comportait :
● la lecture du rapport relatif à la situation financière du syndicat et bilan financier de l’année 2023 (suivi du vote),
● la lecture du rapport relatif à la situation morale du syndicat (suivi du vote),
● les propositions de modifications de l’arrêté biplace,
● un point de situation sur les "passerelles" : MJS/DGAC/militaire,
● un point sur l’assurance en 2023 et projection 2024,
● le site Internet,
● un point sur les actions de la DGAC,
● les raisons et le processus de modification des conditions médicales de l’arrêté de 1956 (demande de Jean Gamaury),
● la nomination et le remplacement éventuel des membres du conseil d’administration.
Mr. Gilles Lebreton, de la DSAC, était invité et présent durant toute la journée.
L’assemblée s’est montrée participative et démocratique. Après la présentation du rapport financier et du rapport moral, ceux-ci ont été approuvés.
Le sujet des nouvelles limitations médicales en fonction de l’âge a été abordé : à partir de 40 ans, la visite médicale est obligatoire tous les 6 mois, à partir de 70 ans, c’est tous les 3 mois.
En 2023, 12 nouveaux parachutistes professionnels ont été qualifiés et 33 candidats ont réussi l’examen théorique.
La vidéo de la libération intempestive (dévoilée la veille durant le safety day) a de nouveau été projetée et le constat de déviance dans certaines formations a été débattu. Une enquête sera vraisemblablement diligentée via la DGAC (bureau des licences).
Un point a été fait sur les CQP (certificats de qualification professionnelle) plieurs et réparateurs, dont la fin est officiellement annoncée, avec une orientation vers une qualification fédérale.
Un point a été fait également en ce qui concerne les "passerelles" entre les brevets "sport" (BPJEPS) et "aviation civile" (para-pro), ouvertes aussi à certains militaires. Elles ont été initiées dans un esprit de mixité entre les secteurs concernés, l’objectif était de tendre vers un titre unique, mais ce projet n'aboutira vraisemblablement pas.
Autre sujet incontournable : les assurances. Il n’y en a que trois qui couvrent encore l’activité parachutiste : la Réunion Aérienne, AXA et la GFF (assurance allemande). À noter qu’AMTI, l’ancien courtier du SNNP, a été racheté par SAAM Verspieren, le courtier "historique" et actuel de la FFP.
Une information a été donnée en ce qui concerne la pratique innovante wingsuit tandem par Skyvibration : l’introduction de l’activité est dédiée à Vincent Descols, pour une durée d’un an reconductible.
Les votes de l’assemblée sont ressortis favorables aux propositions de nouveaux textes concernant les formations et l’arrêté biplace. Par exemple, il s’agissait de définir les nouvelles conditions et minima pour l’emport de caméra embarqué : 250 sauts et formation délivrée par un IPA formateur biplace, adoptés à l’unanimité.
En conclusion de l’AG, les votes pour la constitution du comité directeur ont abouti sur la réélection de Pierre Lhopitalier (sortant, se représente, il est élu) et l’élection d’Olivier Maheu.
La prochaine AG du SNPP est programmée le 7 décembre 2024, même lieu.
AG de la FEPP, le 10 décembre
Le conseil d’administration de la FEPP est composé de José Da Conceicao (président), Pierre-Yves Eugène (vice-président), Pierre Lhopitallier (secrétaire général), Gérald Van-Keymeulen (secrétaire adjoint), Nicolas Goutin (trésorier), Abdallah Skander (trésorier adjoint).
Le président a ouvert l'AG par la lecture des résolutions proposées et l'ordre du jour :
● rappel sur les actions juridiques,
● point sur les adhésions,
● point sur le Manex,
● point sur les formations,
● partie juridique,
● projet de modification statuts,
● assurances,
● questions diverses.
Un rappel historique a été fait pour les plus jeunes membres : L'objectif de la FEPP est de fédérer les exploitants professionnels du parachutisme, exploitants d’avions largueurs, de sociétés ayant un lien principal avec les métiers du parachutisme, quel que soit leur secteur d'activité : sportif et/ou professionnel. La FEPP est née de la mutation du GEPP (groupement des exploitants professionnels du parachutisme, fondé en 2013) en fédération.
De par sa mixité entre le secteur sportif et le secteur para-pro, la FEPP contribue à préserver l'activité parachutiste professionnelle dans son ensemble, qu'elle soit sportive ou commerciale. C'est ainsi que des contacts et des communications sont entretenus régulièrement avec la MALGH (mission aviation légère, générale et hélicoptères au sein de la DGAC) sur des sujets divers : équivalence BPJEPS et para-pro, sécurité des avions largueurs, arrêté sur la formation plieurs secours et sauvetage, réunion avec la MEAS (mission évaluation et amélioration de la sécurité), etc.
Sur ces sujets, comme pour certains autres, la FEPP travaille en commun avec le SNPP et le SPPS (syndicat des professionnels du parachutisme sportif). Ainsi, un certain nombre des points abordés durant cette AG de la FEPP, l’avait déjà été la veille, par le SNPP.
Des faits plus spécifiques ont été exposés, comme la conduite à tenir en cas d’accident, la gestion des images vidéo et les aides juridiques apportées à certains exploitants. Concernant ces aides juridiques, il peut s’agir de problèmes de nuisances sonores avec les riverains (retour des plaintes suite à l’après-Covid) survenus en Normandie et en Côte d’Or, ou de problèmes avec les autres usagers de la zone, survenus en Haute-Saône et en Indre-et-Loire.
Outre ces aides juridiques, la FEPP partage également son expérience et ses compétences. Il est ainsi rapporté qu’une association de riverains a produit récemment un test acoustique "bidon", car sortant à 102 décibels, alors que la moyenne pour un largage para est de 40 décibels. Méfiance !
Idem en ce qui concerne la réglementation aéronautique qui est complexe et contraignante, et qui ne s'allège pas, bien au contraire. Le Manex SPO (manuel d’exploitation aéronautique, voir ci-dessous encart "Manex SPO ou NCO ?") demeure un des fondements de l'action de la FEPP.
C’est ainsi qu’un point a été fait sur les audits, Chutextrem et Skydive Occitanie à Lézignan en étant déjà leur quatrième. Le constat est que la possibilité d’assurer par soi-même (audit interne) la surveillance de la conformité de son exploitation se réduit. De plus en plus d’exploitants font appel à un auditeur indépendant, ce qui a un coût. La FEPP va donc chercher à mettre en place un responsable qualité qui sera mis à disposition de ses membres exploitants.
Durant l’AG, on apprend également que suite à un accident survenu en septembre dernier, la réglementation va vraisemblablement s’orienter vers l’obligation d’un test psychologique pour les personnels navigants (pilotes et potentiellement porteurs).
Autre sujet incontournable au sein de la FEPP, la formation. Il peut s’agir du sujet du SGS (système de gestion de la sécurité), devenant incontournable par les entreprises de transport aérien public. Certains personnels sont amenés à suivre une formation à la conception et à la mise en œuvre du SGS.
Sur le thème du partage d’expérience, et en conclusion, la FEPP préconise vivement de revoir les prévisionnels à la hausse face aux changements à venir : ne pas travailler au rabais avec les prestataires, revoir le coût de l’entretien avion à la hausse, de même que celui du carburant, des frais fixes, …
La prochaine AG de la FEPP est programmée le 8 décembre 2024, même lieu.
Les parachutistes professionnels et les exploitants professionnels du parachutisme ont rendez-vous à Paris pour un nouveau "triptyque" AG et safety day, les 6, 7 et 8 décembre 2024.
Manex : SPO ou NCO ?
L’arrêté du 18 août 2016, qui réglemente les exigences techniques et les procédures administratives applicables aux opérations aériennes distingue deux types d’exploitants : commercial ou non commercial.
Cette distinction s’opère (entre autres) par le Manex, dont fait l’objet toute entité parachutiste, qu’elle soit associative ou professionnelle, qu'elle organise des largages en parachutisme sportif ou en travail aérien.
Le Manex est une obligation réglementaire que doit remplir tout exploitant d’aéronef. C’est un document élaboré autour de l’exploitation : nombre et performances des avions, équipements, délivrance des formations spécifiques à l’activité, etc.
C’est un peu la bible de l’exploitant aéronautique, et chaque type d’exploitation tient un type de Manex qui lui correspond.
Pour les exploitants non commerciaux, c’est le Manex NCO. En parachutisme, il concerne les associations non commerciales. Pour les exploitants commerciaux, c’est le Manex SPO (special operations). En parachutisme, il concerne les "organismes à but lucratif" qui pratiquent tout type de largage de parachutistes et les entreprises para-pros, à l'instar de tout autre type de travail aérien : tractage de banderoles, l’épandage, etc.
Liens Internet
● L’article "Le para-pro" paru en page 28 dans le ParaMag n°35 d’avril 1990.
● Site Internet Paratos
● Site Internet du SNPP
● Site Internet de la FEPP