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Tentatives à 250 en vol relatif

Les Français(e)s sont de retour de Chicago

En parallèle du record du monde de freefly à 174 (voire autre article " Record du monde de freefly à 174"), un projet de record de grande formation en vol relatif s'est déroulé à Skydive Chicago. Sous la bannière de All American Big Ways, il était intitulé "The 250".

Interview de Frédéric Laborde, par Bruno Passe

L'objectif était de construire une formation de 250 parachutistes pour établir un nouveau record de l'État de l'Illinois en vol relatif (VR). Le record à battre a été réalisé en 1998 avec une formation à 246. À l'époque, il s'agissait d'un record du monde, mais aussi d'un record national et d'un record d'état.

De mémoire de relativeurs, il n'y aurait eu actuellement que 7 formations à plus de 200 construites au 21° siècle. En plus, le chiffre 250 est celui de la plus grande formation tentée depuis le record du monde à 400 en 2006, en Thaïlande.

Comme expliqué dans l'article "Record du monde de freefly à 174", mettre en l'air successivement le "big-way" freefly et le "big-way" VR permettait de mutualiser certains coûts, notamment la mise en place de la flotte avion (11 appareils au total) et le staff au sol. Malheureusement la mauvaise météo n'a pas permis un nombre de sauts suffisant pour réussir un record en vol relatif de cette envergure.

6 parachutistes de nationalité française étaient engagés dans The 250, il s'agit de (ordre alphabétique) : Fred Bertin, Martial Ferré, Philippe Gastineau, Fred Laborde, Joelle Perrin Putinier et Laurent Vedel.

ParaMag a interviewé l'un d'entre eux.

Illustration de la présence française, en vol relatif, dans The 250. Photo Byrds Eye - All American Big-Ways

ParaMag : Est-ce que tu avais déjà sauté aux États-Unis, et déjà participé à des records ?
Frédéric Laborde : J'étais dans le record de France à 104 en 2014 à Lille-Bondues et dans d'autres records de France, ceux de la série 2 points ou 3 points à 32, 36, 38 ou 40, c'était en 2018.
En 2019, on avait fait l'Ukraine avec Patrick Passe, on était dans le deuxième groupe des "rookies", et on avait fait, comme on dit : "almost" 3 points à 100, parce qu'il manquait une prise. Ce n'était pas en TBS (break total), c'était l'ancien règlement international de séquence en grande formation.
Chicago, c'était ma première fois sur une drop zone aux États-Unis, où j'avais déjà voyagé en famille, mais là c'était mes premiers sauts, comme pour mon ami Laurent Vedel. Nous avons découvert ça ensemble, notre première grosse manip sur une grosse drop zone, quand même mythique, Skydive Chicago !

Et vous l'avez trouvée comment, cette DZ ?
Elle est énorme, les moyens sont impressionnants : ils ont un auditorium, on tenait à 250 dedans, tous assis, avec un écran géant qui doit faire 5 mètres sur 4, pour débriefer. Rien que le premier week-end, il y avait déjà le big-way freefly qui commençait à sauter, il y avait notre base à 50 qui s'entraînait en VR, au milieu de l'activité tandem, des funs jumpers, etc. Et tout ça tournait dans une transparence, c'était fluide, pas d'énervement, pas d'agacement, c'était impressionnant.

Justement, parle-nous de cette base en vol relatif, pour The 250, tu étais dedans ?
Oui, j'étais dans la base à 96. Mais le samedi, ils ont commencé à faire sauter seulement la base à 50. Alors, avec Laurent, on a d'abord fait un saut en solo pour découvrir la zone... Elle a beau être grande, on voulait la voir d'en haut, car autour il y a de grands champs de maïs qui montent à 2,50 mètres voir 3 mètres de haut, et du soja, etc. De l'autre côté, il y a une rivière, de la forêt et une grande ferme d'élevage de chevaux, si tu te poses dedans, tu n'as pas le droit de bouger ! Tu te poses, tu ramasses ta voile, et tu ne bouges pas, tu attends qu'on vienne te chercher. Sinon tu risques une amende de plusieurs milliers de dollars. En clair, il n'y a pas beaucoup de dégagement et si tu n'es pas sur le terrain, c'est un peu tendu.

Comment s'est passé l'entraînement de la base ?
Le samedi, la base à 50 a fait 3 sauts pour se caler et globalement, ça ne s'est pas trop mal passé. Le dimanche, on a commencé à sauter dans la base à 96. On aurait dû faire au moins 3 sauts d'entraînement dans cette configuration (N.D.L.R. Presque une formation à 100, tout de même !) pour bien la construire, mais on n'a pu en faire qu'un seul, pour des raisons diverses, principalement de mauvaise météo.

Tu veux dire que vous êtes passés directement aux formations à plus de 200 ?
Pas tout à fait "directement"... On a d'abord fait quelques montées et redescentes en avion. En fait, je fais partie des "recordmen" de la descente en avion : j'en ai fait 7 en tout ! J'ai fait seulement 6 sauts : un saut d'entraînement dans la base à 96 et 5 sauts à 250.

Pourquoi autant de redescentes en avion ?
On a essuyé plusieurs écueils. D'abord les redescentes "classiques", à cause des nuages, c'est arrivé 3 ou 4 fois. Une autre fois, c'était à cause de l'oxygène, parce qu'une bouteille était vide dans un des avions. Il y a eu aussi le cas d'évacuation précoce d'un Skyvan, une sacrée anecdote !

Vas-y, raconte-nous...
C'était le Skyvan qui volait tout à gauche et à l'arrière de la formation, il s'est complètement vidé de ses parachutistes bien avant les autres avions. À l'avant de ce Skyvan, un des paras était chargé de regarder par le hublot et de donner le top départ. Il avait le bras levé et il devait le baisser dès qu'il voyait les autres partir, dans les autres avions en formation. Mais il y a eu un petit trou d'air, le gars est tombé, il a baissé le bras, l'avion s'est vidé...
Raconté comme ça c'est rigolo, mais dans les autres avions, on n'a pas compris ce qui s'était passé. Arrivés sur axe à 5000 mètres, on avait ouvert la porte de l'avion, le pilote avait mis le vert, puis il a remis le rouge, on a refermé la porte, l'avion est redescendu, on s'est posé et on n'avait rien compris.
Dans le Skyvan "désiquilibré", ils ont sauté à six kilomètres du terrain, et pour l'anecdote aussi, il faut savoir qu'ils se sont posés sur le parking d'un saloon, un établissement que certains paras avaient "repéré" en passant devant, car c'était un saloon avec des shows "live", pour adultes !

Et il y a aussi une histoire de tornade…?
Oui, c'est la fois où on était arrivés à 3500 mètres, et on est encore redescendus sans pouvoir comprendre immédiatement pourquoi… D'autant qu'arrivé en bas, le ciel était parfaitement bleu ! En fait, une tornade s'était abattue sur le bâtiment du contrôle aérien de l'aéroport de Chicago et tout le personnel avait été évacué.
Tous les avions présents sur l'aéroport de Chicago sont restés bloqués au sol et ceux qui arrivaient ont été déroutés. Ça a été un bazar pendant plusieurs heures. C'était en début d'après-midi, et la tempête est arrivée sur la DZ dans la nuit.
Ceux qui n'avaient pas pris la précaution de démonter leur tente ou leur stand (pour certains exposants) ont dû courir à 3h du matin après leur toile, leurs vêtements ou leur combinaison, car il y en avait un peu partout sur la DZ.
C'était tout de même un manque de bol cette météo, quand bien même le matin, le temps était revenu au beau sur la DZ, toute mouillée de partout, mais sous un ciel magnifique. Alors comme on dit, "ça fait des souvenirs"…

Parle-nous des altitudes de largage, des moyens aériens, du prix des sauts, etc.
Pour les sauts d'entraînement de la base à 100, on sautait à 5000 mètres. Et ensuite tous les sauts se faisaient à 190.000 pieds, donc 5800 mètres. Mais 2 fois, pour des raisons de trafic aérien, on a sauté à 250 à 5200 mètres.
Les moyens aériens, pour le vol relatif, il y avait 11 avions : un Sherpa en tête, sur les côtés deux Skyvan et deux Casa 212 et derrière six Twin Otter. Pour le freefly, il n'y avait "que" neuf avions.
On a eu aussi deux fois des pannes de Skyvan qui nous ont occasionné à chaque fois 2 à 3 heures d'arrêt. C'était des petites pannes, des capteurs, mais bon, les avions ne volaient pas.
Dans le courant de la semaine, la position des avions dans la formation a été modifiée, ils se sont mis en triangle, et non plus en V. Sur la page Facebook de Skydive Chicago, il y a une petite vidéo façon "behind the scenes", on y voit les pilotes qui briefent leur vol debout, les uns derrière les autres. C'est sympa de voir qu'ils répètent au sol comme nous.
Pour le prix des sauts, je dirais que toutes les montées en altitude coûtaient 67$, peu importe la hauteur, le prix était fixe et pour les frais d'organisation, c'était 520$.

Lorsque tu parles de "montée en altitude", ça veut dire quoi précisément ?
Ça veut dire qu'on payait même si on ne pouvait pas sauter et qu'on devait redescendre avec l'avion. Pour quelque raison que ce soit, même pour une bouteille d'oxygène mal remplie, aux États-Unis, c'est comme ça, quand tu redescends, tu payes. C'est dans la culture, sur les records, c'est le jeu.

Globalement, comment ce "jeu" a-t-il été pris par les participants ?
On pensait qu'on allait nous faire cadeau d'un saut, au moins celui où il n'y avait plus d'oxygène dans un avion, mais même pas. Mais au bout du compte, 67 dollars, sur la globalité de l'événement, c'est l'épaisseur du trait ! En ce qui me concerne, je n'ai fait que 6 sauts, ça revient à un prix du saut très très élevé. Mais j'étais tellement content de participer à un tel événement à 250, ça n'était plus arrivé depuis 15 ans, que ça efface pas mal de choses. Globalement, sur les 250 participants, je n'ai pas vu de gens râler ni se plaindre.

Combien y avait-il de nationalités représentées ? Quelle était l'ambiance sur la DZ ?
Il y avait 57 nationalités rassemblées dans "The 250", et une ambiance incroyable.
Il y avait une bonne entente entre les deux groupes, freeflyers et relativeurs. Les freeflyers sont redescendus 3 fois avec les avions, et nous 7. C'est-à-dire qu'à certains moments, ils ont eu la chance de sauter quand nous on redescendait. Alors nous sommes allés les voir et nous les avons encouragés, car ils étaient passés en mode "record".
On était tous là, il y avait vraiment une solidarité et le soir, le vendredi, quand ils ont fêté leur record au club house, on était nombreux, les relativeurs, à fêter ça avec eux. Et c'était festif, mais pas dans l'excès.

Comment ça s'est passé en ce qui concerne la sécurité, la séparation, etc. ?
La première vague de séparation partait à 2100 mètres. Ceux qui sont vraiment à l'extérieur, ce sont les "runners", c'est-à-dire qu'ils partaient à fond comme s'ils avaient le diable aux fesses, et ceux qui étaient derrière allaient un peu moins vite.
Ensuite, à 1800 mètres c'était au tour de la deuxième vague, avec un "tracking leader" qui la dirigeait et gérait la vitesse. Arrivée à 1600 mètres, cette vague éclatait et se séparait individuellement.
Pour ma part, j'ai eu l'occasion d'être placé dans les deux vagues et vraiment il y avait de la place pour dériver et pour ouvrir. Et sous voile, la navigation était saine, avec de grandes finales, etc.
Côté incident, je crois qu'il n'y a pas eu plus de deux libérations et un accident, un Brésilien s'est fracturé la jambe sur un atterrissage.

Au bilan final, qu'est-ce qui a pu être construit dans le ciel ?
Pas grand-chose, sur le peu de sauts qu'il y a eu. La base à 98 aurait dû faire au moins trois sauts d'entraînement, mais elle n'a pu en faire qu'un seul. À cause de cela, il a fallu démarrer directement sur du 250, sans avoir pu caler la base. Elle peinait encore à se construire, on partait à 250 et les autres derrière restaient en stadium, prêts à apponter, volant en non-contact.
Je ne pense pas qu'il y ait eu 200 personnes connectées d'un seul bloc. Il y a eu des wakers construits, pas tous connectés, mais ils étaient formés, la base à 90 construite parfois, et d'autres fois avec des effondrements de 5 ou 6 personnes, ou des passages en dessous.
Le dernier jour, il nous restait 3 sauts à faire. Le matin, la météo ne nous a pas permis de sauter (encore une fois !). On a commencé à sauter plus tard et après 2 sauts, les organisateurs ont décidé d'éliminer 10 personnes.
Au total, il était prévu de faire 19 sauts, et on a pu en faire que 6, donc 4 à 258 et 1 à 248.

Comment ça s'est passé pour les Français ?
Martial Ferré était un des capitaines, mais nous, les participants on était éparpillés dans la formation. Laurent et moi on était placés à l'extrémité de la base et ensuite, sur les deux derniers sauts, j'ai été reculé dans une ancre de wacker. Tous les Français sont restés dans la sélection, comme pour le freefly, on était tous là jusqu'au dernier saut.

Pas de record, et peu de sauts, pas trop déçus ?
Non pas de record, mis à part celui des redescentes en avion, je rappelle : 6 sauts, 7 redescentes ! En une seule semaine, j'ai battu mon record personnel de toute ma carrière de para qui a commencé en 1988.
Mais comme j'expliquais précédemment, c'était d'abord une découverte, celle de Skydive Chicago, une DZ impressionnante, hyper bien organisée, où tu ne ressens ni tension ni énervement. Voici un autre exemple des moyens en place : le service multimédia au sol, avec une chaîne YouTube et ses deux animateurs qui diffusent du direct, avec la retransmission des images de chute en direct, et dans une qualité impressionnante, avec des drones qui volaient un peu partout pour produire des images sol, ce qui m'a permis de faire signe à ma famille, en France.
J'ai aussi découvert le "big-way" à l'américaine. Doug Baron est un excellent organisateur sur le plan technique, mais aussi en management et en communication. Il n'y a qu'un truc, c'est que c'est toujours positif, même quand il y a de gros problèmes en chute. De temps en temps, c'est bien de "mettre les points sur les i". Peut-être que ç’a été fait en tête à tête avec "les intéressés", je ne sais pas…

Au final, tu gardes le souvenir d'une bonne aventure, et d'une belle expérience, c'est ça ?
Oui, c'est tout à fait ça ! Et une expérience humaine également.
On avait les Airspeed avec nous dans les sauts, l'équipe à 4 et l'équipe à 8, et aussi les Golden Knights. Et aussi des légendes comme Dan BC, Larry Anderson, j'ai pu discuter longuement avec Craig Girard, qui parle le français couramment ; on était filmés par des caméramen prestigieux, Norman Kent, Craig O'Brien, …, il est impossible de citer tout le monde.
La rencontre qui m'a le plus marqué, c'est celle avec Olav Zipser (N.D.L.R. Coinsidéré comme le "père" du freefly, qui a malheureusement perdu une jambe suite à un problème médical). Il était souvent dans sa voiturette électrique, c'est plus simple pour se déplacer sur une grande DZ comme Chicago, et il disait : "Si vous ne savez pas quoi faire, venez discuter avec moi parce que moi je ne bouge pas, alors venez". Et ça, c'était cool, alors j'y suis allé, on a échangé, on a fait une photo ensemble !
Là-bas, j'ai rencontré ou j'ai sauté avec mes héros, ceux qui sont en poster ou en couverture des magazines, ceux qui m'ont fait rêver tout le temps, et ça vaut bien un record ! ◼︎

Parmi les nombreuses photos souvenirs ramenée par Fred, et prises avec "ses légendes du para", celles avec Doug Baron (ci-dessus à gauche), Olav Zipser (ci-dessus à droite), et Dan BC (ci-dessous).

TEMOIGNAGE de Dan BC

Dan BC, ancien compétiteur de haut niveau et champion du monde de vol relatif, directeur de Skydive Perris, en Californie, s'est exprimé ainsi sur les réseaux sociaux :

"Je n'ai jamais rien vu de tel auparavant. Tenter de battre le record du monde de freefly à 200 et le record de l'État de l'Illinois en VR à 250 au même endroit et au même moment. Personne n'avait jamais vu ça auparavant ! 11 avions, 11 pilotes et tout un personnel pour le ravitaillement et l'embarquement. Les plieurs se sont donnés à fond pour faire décoller près de 500 personnes, les mécaniciens se tenaient prêts à intervenir si les avions tombaient en panne, et il y avait suffisamment de véhicules et de nourriture pour que tout le monde puisse se déplacer et se ravitailler sur place.

Rook Nelson et le personnel de Skydive Chicago ont fait tout leur possible, et même plus, pour que cela fonctionne. Chaque avion avait sa propre station de ravitaillement en carburant. Qui fait ça ?

Avec le record du monde de freefly en ligne de mire, Matt Fry a travaillé pendant deux ans pour élaborer un plan, le tester et constituer une équipe capable de le mettre en œuvre. Il a organisé plusieurs camps à Perris, qui ont abouti au record de freefly de l'état de Californie en mai, prouvant que c'était possible. À chaque étape, nous pouvions voir le projet se concrétiser. Mais un saut à 200 est bien plus difficile qu'un saut à 100.

Doug Barron a entraîné et réuni une équipe internationale pour tenter de battre le record de l'Illinois à 246 (qui était le record du monde à l'époque). Son plan était en place, l'équipe était réunie et l'énergie était forte. Personne ne motive un groupe comme Doug !
Tout était prêt et les deux groupes disposaient de caméramen de classe mondiale pour immortaliser l'événement.

Les freeflyers ont battu le record du monde, c'était incroyable ! Félicitations à toute l'équipe. Vraiment magnifique ! Malheureusement, nous n'avons pas eu autant de chance avec la météo, mais le meilleur de toute la semaine a été la camaraderie entre tous. Le soutien entre les deux groupes était incroyable. C'est vraiment un honneur d'avoir pu participer à tout cela et j'attends déjà avec impatience la prochaine fois."

La liste des 57 pays représentés dans l'évènement "The 250" :
Argentine, Australie, Belgique, Bermudes, Brésil, Bulgarie, Canada, Chili, Chine, Colombie, Cuba, Chypre, Tchéquie, Danemark, Équateur, Égypte, Salvador, Finlande, France, Allemagne,, Guatemala, Hongrie, Islande, Inde, Irlande, Israël, Italie, Japon, Koweït, Lituanie, Mexique, Monténégro, Pays-Bas, Nouvelle-Zélande, Norvège, Panama, Paraguay, Pérou, Philippines, Pologne, Portugal, Roumanie, Russie, Singapour, Slovénie, Afrique du Sud, Espagne, Sri Lanka, Suède, Suisse, Thaïlande, Turquie, Émirats arabes unis, Ukraine, Royaume-Uni, États-Unis, Venezuela.

INVESTIGATION : 246 ou 258 ?

On dit parfois que "le diable se cache dans les détails"… En cherchant des archives sur le triple record (état/national/mondial) à 246 de 1998 à Skydive Chicago, nous avons retrouvé l'article de François Burgaud publié dans le ParaMag n°136 de septembre 1998 . L'auteur savait de quoi il parlait puisqu'il avait participé à l'événement et qu'il était dans le record à 246.

La double page de ParaMag avec la photo du record à 246 en 1998 à Skydive Chicago. Photo Jamie Paul

Cet événement était organisé par Roger Nelson, patron à l'époque de la DZ Skydive Chicago et père de Rook. L'article raconte que, lors des premières tentatives, une formation à 258 a été tenue durant 2.28 secondes. Elle n'avait pas pu être validée en tant que record du monde, car, à cette époque, il fallait tenir les figures durant plus de 3 secondes, c'était la règle FAI. De nos jours, une seule image suffit à valider les records de grande formation.

L'article de François Burgaud explique que c'est la formation à 258 qui fut retenue comme record d'état : "Ainsi le record de la drop zone et de l'état de l'Illinois (258 tenus 2.28 secondes et non FAI) est plus élevé que le record du monde. Pas mal non ?"

Il est tout de même surprenant que les organisateurs de The 250 aient présenté le record à battre comme étant le 246 et non pas le 258. Nous avons donc cherché à savoir quelle était la règle pour les records d'état en 1998, et quels sont les records d'état connus et documentés en ce qui concerne l'Illinois.

ParaMag a contacté un juge américain de l'USPA et il nous a répondu ceci : "Le programme USPA (N.D.L.R. : la fédération américaine) des records d’État n’existait pas en 1998. Lors de sa création à la fin des années 2000, certains anciens records ont été intégrés à la base de données. Celle-ci mentionne aujourd’hui comme précédent record de l’Illinois le 144-way de 1988".

Intéressant ! Ce record du monde à 144 avait été réalisé le 8 août 1988 dans le cadre du boogie World Freefall Convention, à Quincy (Illinois, donc…), le plus gros rassemblement parachutiste de l'époque. Il s'agissait d'une formation en diamant tenue pendant 8,88 secondes et réussie à la 10e tentative. La forme (en diamant et non pas ronde comme la plupart des records en grande formation) et l'alignement des chiffres de ce record, (8-8-88) pour la date et (8,88 sec.) pour le temps de tenue, étaient remarquables.

Le poster de ParaMag avec le record du monde à 144 réalisé le 8 août 1988 durant le boogie de Quincy. Photo Mike MacGowan

Pourquoi la performance à 258 de 1998 n'a-t-elle pas été retenue pour alimenter a posteriori la base de données de l'USPA ? "Le 258 a tenu pendant 2.28 secondes" répond le juge. "Comme les juges savaient que cette performance ne serait pas suffisante pour un record, ils n'ont probablement pas examiné rigoureusement chaque prise. Le 258 n'a donc pas obtenu de «certification conditionnelle» et c'est sans doute la raison pour laquelle il n'a pas été accepté comme record dans le cadre des modifications ultérieures du règlement."

Mais alors, pourquoi le record du monde à 247 de 1998 n'a-t-il pas été officiellement "reconditionné" en record d'état comme le 144 de 1988 ? Pas de réponse, mais la mémoire collective de l'époque l'a visiblement retenu en tant que tel, et c'était déjà bien comme ça.

Et pourquoi les organisateurs de The 250 ont retenu le 247 et non pas le 258 ? Peut-être qu'ils se sont basés naturellement sur le record du monde, qui lui est officiel.

Une chose est sûre, et même deux : dans le ciel de Skydive Chicago, la plus grande formation freefly "tête en bas" est le 187 réalisé en août 2025 et la plus grande formation de vol relatif reste le 258 qui a volé 2.28 secondes en août 1998.

De nos jours, il n'est plus nécessaire de tenir les grandes formations durant un temps minimum, une seule image suffit. Ainsi, le record du monde de freefly actuel à 174 parachutistes en position tête en bas, a été tenu durant 0.38 seconde.

Il faut des images en haute définition et un œil bien affûté (et même plusieurs) pour parvenir à juger une telle performance ! Il y a 30 ans en arrière, tenir les figures au minimum 3 secondes permettait aussi de les juger correctement, avec des qualités d'image bien inférieures à celles dont nous disposons aujourd'hui. Certains règlements avaient été écrits à une époque où il n'y avait pas encore de vidéo…

À l'ère du numérique et du vol à grande vitesse, la prouesse est donc à la fois dans le niveau de la performance comme dans l'efficacité et la qualité du jugement. Mais à l'inverse, il ne faudrait pas que cette efficacité et cette qualité de jugement soit au détriment de la performance. Que vaudrait un record d'état à 250 volant moins d'une seconde, alors qu'il y a plus de 25 ans en arrière, on faisait voler une formation à 258 durant 2.28 secondes ?

À lire également
● L'article "246 : record battu !" paru (en page 32) dans le ParaMag n°136 de septembre 1998.
● L'article "Freak Brothers, L'histoire atypique des inventeurs du boogie", paru dans le ParaMag n°333 de février 2015.

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Ne manquez pas notre article "Record du monde de freefly à 174", l'autre évènement organisé simultanément à celui-ci, à Skydive Chicago.

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