Sans faire d'autosatisfaction, c'est juste une information : à l'échelle d'un média spécialisé et 100% dématérialisé comme ParaMag, les résultats que nous obtenons sur nos réseaux sociaux (de +52.000 à +158.000 vues) avec ces deux sujets sont pleinement satisfaisants.
Et pourtant, en y regardant de plus près, on constate une situation toute aussi décevante...
Par Bruno Passe
Le premier sujet est celui du speed skydiving, discipline peu connue en France bien qu'en partie inventée chez nous, et que nous avons largement présentée il y a quelques semaines à travers notre article intitulé "Regards techniques sur le parachutisme de vitesse", une première partie étant consacrée aux résultats de la coupe du monde 2025 de speed skydiving en Autriche.
Le but du Reel (ce format vidéo de courte durée, spécifique au réseaux sociaux) qui a reçu plus de 52.000 vues* sur nos pages Instagram et Facebook était d'annoncer la publication de cet article. Quelles sont les raisons de cet intérêt, largement plus marqué que sur d'autres sujets ? La qualité des images produites par AXIS Flight School? Le thème de la vitesse ? La qualité du montage ? Le fait que cette discipline soit presque inconnue en France ?
La rédaction de ParaMag cogite, mais quoi qu'il en soit, ce résultat doit attiser les réflexions sur la façon d'attirer le regard du public, de nos jours, sur notre pratique parachutiste et ses disciplines sportives.
La viralité du deuxième sujet, le vol ascensionnel tracté par drone, est encore plus surprenante avec plus de 158.000 vues* en seulement 6 jours ! Et elle provoque le même type de réflexion. Sauf qu'ici il n'y a pas d'images spectaculaires, pas de montage particulier (un seul plan séquence de 16 secondes sur une seule musique sans transition) c'est donc assurément le sujet qui marque les esprits. Un sujet qui a provoqué certains commentaires intéressants sur notre page Facebook ParaMag, et dans diverses langues.
* Il s'agit de résultats "naturels", nos Reels n'ont pas été "boostés" par de la publicité. Et ceux du drone ascensionnel continuent de se développer à vue d'oeil : le chiffre indiqué dans cet article sera rapidement dépassé.
Drone, quand tu nous tiens !
Un de ces commentaires intéressants est celui qui nous fait remarquer, voir nous reproche (sans doute à juste titre) de faire la promotion d'une entreprise chinoise (dans notre article sur la Coupe Icare) alors qu'il existe déjà un projet français du même type. Cet "As Decoeur" (c'est le pseudo du lecteur-commentateur) nous a piqué au vif du sujet !
"Objection votre honneur" : l’objet du post est d’attirer l’attention sur la vitrine que représente la Coupe Icare, et apparemment, ça fonctionne. ParaMag avoue : il n’avait pas connaissance du projet français nommé "TASA". Alors merci "As Decoeur" de nous en avoir informés ainsi que nos autres lecteurs.
Avec enthousiasme, on répond que, peut-être, les porteurs du projet français seront présents à une prochaine Coupe Icare (française…) pour le présenter ? Avec curiosité, nous sommes allés regarder de plus près, côté Français et côté Chinois. Et autant dire tout de suite que c'est plutôt mal parti pour la France !
Sur le site "projet-tasa.fr", on découvre que ce sont deux frères, Patrick et François Arnoul, pilotes amateurs de vol libre et ingénieurs de formation, qui sont à l'origine du projet TASA.
TASA signifie "Tracteur Aérien Semi-Autonome" et le projet a été présenté pour la première fois au RNT (Rassemblement national treuil de la FFVL) en 2018 à Quittebeuf. Dès lors, une démonstration en vol officielle était attendue, et elle n'a pu avoir lieu qu'en... 2023 !
Comme l'expliquent les Français sur leur site Internet : "N’ayant pas obtenu à temps l’autorisation de réaliser la démonstration avec traction par le TASA d’un aéronef habité (le parapente et son pilote), nous avons fait une démonstration réaliste de traction d’un petit parachute rond représentant une traînée équivalente".
On imagine leur déception à l'époque ! Une vidéo de 2023 montre tout de même une démonstration en vraie grandeur, mais réalisée en pleine campagne, loin de tout public.
"Nous allons continuer avec la DGAC la démarche d’analyse de sécurité pour cette application spécifique de drone, ceci afin d’obtenir à moyen terme la reconnaissance de cette nouvelle activité et la réglementation applicable" déclaraient les Français en commentaires, toujours en 2023.
Et ça en reste là à ce jour...
Vous trouvez ça drone ?
Pendant ce temps-là, les Chinois de Shenzhen Blue Wing Technology en sont déjà arrivés à tracter des tandems parapentes, des hydra-deltaplanes et des parapentes acrobatiques. Et la société n'a été créée qu'en 2024.

La pratique du vol en tandem parapente ascensionnel tracté par drone, telle qu'elle est présentée sur le site de Shenzhen Blue Wing Technology.
Ce n'est malheureusement pas la première fois – tant s'en faut – que la lenteur administrative française tue un projet français. Car l'avance technologique prise par les Chinois sera difficile, voire impossible à rattraper. En revanche, les militaires français, qui sont soumis à leur propre réglementation, peuvent s'intéresser à l’outil et à la technique qui va avec.
Ils l'ont déjà fait, pour ce qui est de la technique, en développant une méthode d'entraînement par treuil ascensionnel spécifique à leur voile Hi5 de 34,4 m2, avec emport de charge, et sur des hauteurs pouvant atteindre 700 mètres. C'est ce que démontre cette vidéo, diffusée par le CEAM (Centre d'Expertise Aérienne Militaire), et qu'il est possible de regarder sur YouTube ou directement ci-dessous.
Les militaires français ont développé leur propre méthode d'entraînement par treuil ascensionnel. Cliquer sur l'image pour découvrir la vidéo du CEAM.
Le drone n'a donc pas fini de faire parler de lui, que ce soit dans ses applications militaires ou civiles, sportives ou de loisirs. Rappelons que le parachutisme existe également en pratique ascensionnelle, loisir et sportive, accessible dès l'âge de 12 ans. Depuis des décennies, la FFP met en place une commission dédiée à cette pratique et le championnat de France 2025 de la discipline s'est déroulé à Laval du 28 au 31 août dernier. Une pratique que la FFP a aussi adapté au Handifly, ce qui n'est pas anodin.
Pour conclure, saisissons l'image du parachute ascensionnel nautique, qui est certainement la plus connue du "grand public" : c'est celui qui est tiré derrière un bateau, en mer (ou sur plan d'eau), depuis la plage, pour les touristes, et qui est de forme "ronde", on dit "hémisphérique" dans le langage parachutiste. Ce parachute-là n'a pas de "caissons" comme les ailes de parachute et de parapente : il vole grâce à ses tuyères, ces espèces de fenêtres, d'ouvertures dans les panneaux du parachute.
Hé bien la tuyère est une invention française, conçue et mise au point en 1960 par le français Pierre-Marcel Lemoigne. En 1961, l'inventeur a déposé un brevet pour son parachute ascensionnel révolutionnaire, mais il n'a pas trouvé d'acquéreur en France. Pourquoi ?
Bien qu'à cette époque l'activité de parachute ascensionnel nautique avait tendance à se développer, c'était toujours de façon sauvage, car il n'existait aucune réglementation. Pour combler ce vide juridique, un projet de réglementation spécifique fut confié au SFA (Service de la formation aéronautique), mais il est resté longtemps enlisé dans les ministères…
Alors Pierre-Marcel Lemoigne a vendu les droits de son invention géniale à un fabricant de parachutes américain : Pioneer Parachute Company.
Très rapidement, les Américains de Pioneer ont mis au point un nouveau parachute révolutionnaire, le "Pioneer Para-Commander Mark I". En 1964, lors des championnats du monde de précision d’atterrissage à Leutkich, en Allemagne, les compétiteurs américains ont raflé toutes les médailles. Le principal fabricant français de parachutes de l'époque a alors racheté la licence de fabrication de la tuyère, pour produire son propre modèle : "Le Papillon".
Connu sous la dénomination de "génération Lemoigne", ce concept de parachute a ensuite été repris par les fabricants de parachutes dans le monde entier, que ce soit pour le saut d'avion ou pour l'ascensionnel. De nos jours, il est encore très utilisé dans le domaine du parachutisme ascensionnel nautique.
"Tuyère de parachute", "parachutisme de vitesse", "drone ascensionnel", …des idées géniales qui partent à l'étranger. C'est incroyable comme l'histoire a tendance à se répéter ! ◼︎
Liens Internet :
● Vers le Reel sur le Speed skydiving
● Vers le Reel sur le drone ascensionnel