Retour sur ce saut hors du commun, le 10 juillet 2024, lorsque la torche olympique est arrivée par le ciel, apportée par une équipe de six parachutistes. Cet article dévoile les détails de l'opération et revient sur les témoignages des participants.
Par Sengsouvanh Phoummavongsa "Phoumma"
C’est un évènement qualifié d’historique pour le département du Loiret et pour sept villes élues du département. Le parcours avait été dévoilé le 23 juin 2023, à l'Hôtel du Département : Gien, Sully-sur-Loire, Montargis, Neuville-aux-Bois, Le Malesherbois, Meung-sur-Loire, et Orléans.
Comme le précise avec justesse M. Francis Cammal, maire de Gien, président de la communauté de communes giennoises et vice-président du conseil départemental du Loiret : "C’est une chance et un immense privilège d’accueillir la Flamme. Il s’agit d’un moment unique et exceptionnel qui va permettre de fédérer la population autour d’un événement comme les Jeux olympiques et paralympiques. Une occasion de se rassembler, de se retrouver et de porter les valeurs de l’olympisme, transposables à celles de notre République."
La flamme olympique de passage à Gien ce 10 juillet 2024, en organisation, c’est le traditionnel relais, effectif à partir de 14h25, depuis la place du maréchal Foch, en convoi, avec une arrivée à la mairie de Gien. C’est un séquencement millimétré au cordeau, de 14h34 à 15h40, sur un parcours de 4,6 km dans la ville.
Francis Cammal, qui rappelons-le, est notamment en charge du Sport au département, cherche à surprendre ses administrés et à innover. Il pense rapidement à une arrivée de la torche olympique par les airs. Par l’entremise du comité départemental du Loiret (CODEP PARA 45), présidé par Bernadette Rousseau, et de l’École de parachutisme du centre Orléans Loiret (EPCOL), présidé par Jean-Baptiste Vassal, il est rapidement orienté vers le comité départemental de l’Indre et Loire (CODEP Para 37), présidé par Sengsouvanh Phoummavongsa "Phoumma".
En effet, depuis plusieurs années déjà, le CODEP PARA 37 et le club CSA Tours Centre ont une expertise poussée et reconnue, aux yeux du mouvement sportif, dans l’organisation d’activités de parachutage et des manifestations aériennes publiques.
Voici quelques exemples parmi ses activités récentes, simplement au titre de l’année 2024 :
- le 26 mai, un atterrissage dans le stade Charléty lors des Olympiades de la Jeunesse (voir l'article "Des sauts sur Paris pour les J.O. ?" ), événement organisé par la section des médaillés de la Légion d’honneur (SMLH) avec l’appui technique de la Fédération des clubs de la Défense (FCD) ;
- le 23 juin, assurément une première : une séance de saut durant plus de 9 heures, c'est-à-dire concrètement une dropzone de circonstance sur la plus belle esplanade du monde : ni plus ni moins l’Esplanade des Invalides, au profit d’Allianz Défense et Sécurité, du Comité français du Fairplay (CFFP), et du COJO, dans le cadre de la Journée mondiale de l’Olympisme ; en se permettant une hauteur permanente de 2600 mètres ! (voir l'article "4 paras sur Paris 2024 : pari tenu !")
- le 25 juin une première activité de parachutage dans le cadre du parcours de la flamme sur Montbéliard, avec emport de drapeaux.
Pour Gien, deux options sont étudiées : soit atterrir sur un rondpoint, soit atterrir sur une plage de la rive gauche de la Loire. La première option fait appel à des compétiteurs de PA rigoureusement sélectionnés, la seconde milite pour une participation locale et/ou régionale. L’esprit étant "Rassembler, populaire, se retrouver…" : Phoumma préconise sans hésitation à l’édile l’option ferveur populaire et fédérer ; ce sera donc la plage du Berry avec du para local, du département ou originaire de la région Centre Val de Loire.
La flamme dans les airs et dans l'espace…
Initialement préparée comme une activité de parachutage auprès des services de la DGAC, une modification d’importance va changer la nature de l’activité. Le largage va devenir une manifestation aéronautique publique (MAP) au sens de l’arrêté du 10 novembre 2021 relatif aux manifestations aériennes...
En effet, M. Cammal demande s’il est possible d’apporter la vraie torche par les airs, ce qui constitue simplement non pas une première dans l’histoire des JO modernes, mais juste une deuxième fois…
En effet, historiquement, avec la 3e dimension, la flamme a fait son premier voyage en avion en 1952 (JO d'Oslo). Elle a effectué le trajet Athènes - Paris à vitesse supersonique à bord du Concorde en 1992 (JO Albertville). Afin de montrer la compétence technologique du pays, les Canadiens ont organisé la transmission de la flamme par satellite entre Athènes et Ottawa en 1976 (JO de Montréal) : après le bout de chemin de la flamme olympique en Grèce, le signal satellite émis d’Athènes a déclenché, au moment de sa réception au Canada, un rayon laser pour recréer la flamme.
Pour la première fois dans l'histoire des Jeux olympiques, la torche (et non la flamme) a fait un saut en parachute en 1994 (JO Lillehammer). À cette occasion, pour l’anecdote, elle fait également une entrée remarquée lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux, aux mains d'un sauteur à ski en plein saut. Dernière anecdote, la torche a déjà été transportée dans l'espace par des astronautes (Atlanta 1996 et Sydney 2000)[1]…
"Juste une deuxième fois..., dans la vie d’une ville et dans une vie de parachutiste, c’est une occasion rarissime à saisir, unique dans une vie, pour l’inscrire dans la petite histoire de la grande Histoire des Jeux olympiques…" s’est dit Phoumma…
Avec évidence, l’accord est donné d’autant que quelques jours plus tôt, sur Montbéliard, Phoumma avait sauté avec une reproduction de torche en bois réalisée par un artisan local.
"La torche est très particulière, car elle est constituée d’un bloc métallique sans aucun creux, lisse et pointue aux deux extrémités… Il n’y a aucun point d’accroche possible ! J’ai néanmoins diligemment trouvé une solution pour la fixer et la présenter très rapidement dans les 5 secondes après l’atterrissage. J’avais même trouvé un système pour la saisir et la lever en l’air durant le vol… comme si je la dégainais… puis la remettre dans ses fixations… mais il s’agissait de ne pas augmenter ma charge de travail. Et aussi de rester concentré sur l’effet final recherché : amener la torche aux relayeurs au sol, je n’étais qu’un messager… et être un Hermès me satisfaisait amplement… " se confie avec malice Phoumma [2].
L’avion et son pilote réservés, les paras sélectionnés et entrainés depuis longtemps, le nouveau NOTAM sera délivré le matin même. En effet, il faut composer avec les autres aéronefs volants et notamment la multitude de drones.
Le déroulé chronologique de la séquence para du 10 juillet 2024
- 09h00 : Point de ralliement et reconnaissance obligatoire de la zone d’atterrissage. Le point de ralliement est la plage du Berry. "Pas de reco physique : pas de saut..." : la consigne donnée par Phoumma DIRVOL (directeur des vols) et chef para est simple, claire et précise… Arrivé la veille pour certains, le café est offert dans son fourgon, sur site. Le premier briefing général dure 30 mn. Il annonce que le largage est prévu pour 14h05 (premier para sorti de l'avion), heure de référence. À l’issue, le DIRVOL suppléant, Jean-Jacques Roulet, donne ses consignes. Tous les paras sont attentifs et concentrés. Puis c’est la préparation des matériels et transfert des équipements paras vers les véhicules désignés pour rejoindre l’aéroport du Loiret. La torche est déjà entre nos mains…
- 10h00 : Départ vers le centre para et l’aéroport du Loiret. Il faut une heure pour le rejoindre.
- 11h10 : Arrivée depuis 10 mn au centre, le pilote, Guillaume Pélopidas "Pélo" nous rejoint. Il s’attache immédiatement à préparer l’avion après un second briefing avec le chef largueur.
- 11h15 - 13h00 : Les paras s’occupent de leur propre matériel, préparent les drapeaux et se concentrent sur leur saut. La tendance était nette sur les bords de Loire, sur le centre para, le vent semble encore plus fort en ressenti. Profitant d’un moment de calme, Phoumma impose une petite séquence de shooting photo. "Il était évident qu’il fallait prendre des photos, c’était une occasion unique pour nous d’approcher de la flamme et même de la toucher, mieux, de la tenir ! Phoumma que je côtoie depuis plus de deux ans est très cohésion, il pense toujours collectif. Tenir la torche en solo et tous ensembles, avec le pilote, cela a renforcé encore plus notre groupe pour cette mission si particulière, c’était un honneur !" dit en souriant Florian Amirault du CSA-Tours Centre.
- 13h15 : Briefing du chef para, en lien avec le DIRVOL suppléant, déjà présent sur la zone d’atterrissage par téléphone. Nous apprenons que le largage est retardé de 10 mn. À cet instant, le largage doit se faire à 14h15. Les paras s’équipent consciencieusement, s’auto vérifient et rejoignent l’avion. Une belle surprise, le pilote a sorti tout seul l’avion…afin que nous restions concentrés.
- 13h50 : Décollage du Cessna 207 de l’aéroport du Loiret de St Denis l’Hôtel pour Gien. Avec un vent venant d’ouest sud-ouest, longeant la Loire durant tout le vol, le transit ne dure que 14 mn. Voir les méandres de la Loire majestueuse et sublime défiler sous nos yeux, à une hauteur de 600 mètres, renforce ce moment d’exception.
- 14h15 : Sur zone, prise d’axe effectuée à deux reprises, l’avion se met en attente sur sa zone prévue à l’est de la ville de Gien. Il effectue plusieurs hippodromes d’autant qu’au sol, le déroulé prend de nouveau du retard…
- 14h30 : Enfin, Pélo, le pilote annonce "OK largage !". L’information est relayée par les premiers vers le fond de l’avion, d’autant que la porte est ouverte depuis 15 mn pour admirer le paysage. Tous les drones et les hélicos sont donc à terre, plus bas. Le coordinateur 3 D du centre opérationnel du Département (COD) a donné le feu vert à Loïc Martinez, le responsable des Sports de la ville de Gien qui est à proximité de Jean-Jacques Roulet. "Les caméras s’allumaient, les dernières vérifications, la joie, un plaisir non dissimulé et une fierté immense apparaissaient sur tous les visages" raconte Stéphane de Laage, le premier à sortir. "J’ai crié "VERTICAL !" pour les autres et je me suis immédiatement élancé" poursuit-il.
"J’ai suivi du regard la chute de Stéphane et je me suis élancée à mon tour. J’étais particulièrement heureuse, car je sautais au-dessus de chez moi. En effet, j’habite à Chateauneuf-sur-Loire !" rajoute Bernadette Rousseau. "Plus que la parachutiste connue de tous, avec son bagage technique exceptionnel, c’est aussi et surtout la présidente du CODEP PARA 45 qui saute" précise Phoumma avant d’ajouter "c’était important pour moi qu’elle soit sélectionnée techniquement et présente, c’était même essentiel au regard de son immense apport au parachutisme ; elle est sur son territoire d’action, chez elle ! Et puis, la mixité est assurée, c’était aussi important dans le cadre de l’esprit du mouvement sportif." Légère comme une libellule, notre figure marquante était attendue par de nombreux élus.
Les deux premiers ont sauté sans drapeaux. Les quatre suivants sautaient avec des drapeaux.
Florian Amirault du CSA Tours Centre était le troisième parachutiste à s’élancer. Jeune compétiteur de niveau national habitant vers Orléans, il sautait avec le parachute de la BFM, la "Banque française mutualiste", partenaire de la ligue Centre Val de Loire de la Fédération des Clubs de la Défense (LCVL/FCD). Il emportait avec lui le drapeau du Comité Français du Fair Play.
Erich Nehls du CSA Tours Centre était le quatrième parachutiste à s’élancer. Il sautait avec le parachute Allianz Défense et Sécurité, partenaire du CODEP PARA 37, qui a organisé le 23 juin, lors de la journée de l’Olympisme, 4 sauts sur l’Esplanade des Invalides, une première. Il emportait avec lui le drapeau du département du Loiret.
Rémy Balaud était le cinquième parachutiste. Compétiteur de niveau national, il emportait avec lui le drapeau des JO.
Sengsouvanh Phoummavongsa, dit "Phoumma", du CSA Tours Centre était le sixième et dernier parachutiste à quitter l’avion. Il sautait avec le parachute Drago, Drago ayant créé, conçu et commercialisant les pin’s, produits officiels sous licence des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024. Clôturant la démonstration aérienne, il emportait avec lui le drapeau de la ville de Gien et bien plus précieux, une véritable torche olympique qu’il devait remettre à Cécile Percher, première relayeuse qui l’attendait sur le rond-point au sud du pont de Gien, immédiatement après son atterrissage...
Tout s'est déroulé nominalement. Dès son atterrissage, "Phoumma" a brandi la torche au public qui regardait les parachutistes depuis les deux rives de la Loire et du pont. Accompagné des autres parachutistes, il a parcouru cinquante mètres pour la remettre à Cécile Percher. Une fois la flamme allumée, maintenant la torche tous les deux, ils feront deux fois le tour du rond-point devant une foule en liesse, toujours entouré des paras, avant de la laisser partir vers le pont enjambant la Loire.
"Ce fut une énorme responsabilité et un énorme travail de préparation. Par-dessus tout, je remercie le département du Loiret et la ville de Gien de m’avoir fait confiance" insiste à dire Phoumma qui a tout préparé avec les différents intervenants. Et les contraintes furent nombreuses jusqu’au dernier jour. Avant de terminer par : "Dans notre mémoire, ce que nous garderons pour toujours, c’est qu’à 16 jours de la cérémonie d’ouverture des JOP de Paris 2024, nous avons été envahis par l’immense fierté d’avoir porté la flamme olympique, fierté de l’avoir apporté depuis le ciel… car au-delà d’un porteur, c’est tout un avion, pilote compris ; ce sera le mot de la fin qui sonne comme une évidence".
[1] La flamme olympique et le relais ; CIO ; Le Musée Olympique ; Service éducatif et culturel ; Lausanne ; 3ème édition, 2013.
[2] Hermès était le dieu grec antique du commerce, de la richesse, de la chance, de la fertilité, de l'élevage, du sommeil, du langage, des voleurs et des voyages. L'un des plus malins et des plus espiègles des douze dieux de l'Olympe, Hermès était leur héraut et leur messager.
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