10 ans, et 3 semaines de tentatives (2018/2022/2025), c’est le temps qu’il aura fallu pour venir à bout du précédent record du monde tête en bas établit en Chicago en août 2015 avec 164 parachutistes.
Par Anthony Malié
Une nouvelle semaine, du 16 au 22 août, pour une nouvelle tentative cette année à Chicago toujours grâce à la volonté de Rook Nelson, gérant de la zone, et accompagné cette fois-ci de Matt Fry pour la partie technique du saut.
Côté organisation, la DZ de Chicago a accueilli de plus de 450 parachutistes avec en parallèle une tentative de saut à 250 en vol relatif (et quelques Français présents, voire autre article "Tentatives à 250 en vol relatif" avec l'interview de Fred Laborde) ce qui a permis une mutualisation de certains coûts, notamment les avions (11 au total) et le personnel au sol, le tout dans un calme absolu et une organisation millimétrée.

En sorte freefly des 9 avions volant en formation à Skydive Chicago. Il y en avait 2 de plus pour The 250 en VR (voir article "Tentatives à 250 en vol relatif"). Photo Ewan Cowie
La grande révolution de cette édition fut le changement de la figure réalisée, bien différente de celle tentée auparavant et jugée trop compliquée suite aux échecs de 2018 et 2022, malgré de nombreux sauts effectués (et 19 tentatives).
La figure, désignée après des échanges avec de grands noms du "big-way" international en vol relatif, et imaginée sur des plans de grandes formations établies (notamment le record VR à 400 en 2006 en Thaïlande) ont permis le succès en seulement 9 sauts. La nouvelle structure permet une construction plus rapide de chaque secteur et réduit les tensions dans la formation.
Elle résout les problèmes de niveau (flyers trop haut ou trop bas par rapport à la position demandée). Elle avait déjà volé avec succès en mai 2025 lors du record de Californie, pour la première fois avec 103 participants et une grande facilité. Elle est désormais la nouvelle référence en termes de construction en big-way vertical et elle sera à coup sûr réutilisée pour les prochains records dans cette catégorie.

Les 12 Français dans le record, il y avait également 6 Français engagés en vol relatif (voir article "Tentatives à 250 en vol relatif"). Photo Ewan Cowie
Les 12 Français dans le record à 174 sont (par ordre alphabétique) : Greg Crozier, Keyvan Davarpanah, Bertrand Demont, Guillaume Doisy, Franck Eloffe, Johann Forethier, Karine Joly, Pierre Kerambellec, Anthony Malié, Julien Peelman, Matias Skupin, Baptiste Welsch.
Ils furent sélectionnés lors des différents entraînements à Chicago, Perris ou Klatovy. Et ils ont tous réussi à garder leur place dans la formation, même après sa réduction à 174, et sont donc tous présents sur le record.
Car la formation du record était initialement prévue à 200, mais la météo capricieuse de la semaine ne nous donnant que peu de créneaux pour des sauts d’une telle envergure (9 avions en formation pour une montée à 5700/5900 mètres en 45 minutes), les organisateurs ont eu la difficile tâche de réduire la formation. Il a fallu sortir 26 personnes pour passer de 200 à 174 afin d’assurer un record tout en gardant l'espoir de pouvoir rebondir ensuite en réincorporant les participants écartés.

Le groupe freefly de départ (avec 200 personnes) pose devant l'immense hangar de Skydive Chicago. Photo Ewan Cowie
La décision fut payante, car après la validation du record à 174, nous avons pu ajouter une partie des participants pour une nouvelle tentative et voler la plus grande formation verticale de l’histoire du freefly avec 187 parachutistes, meilleure performance mondiale, mais record non officiel car le saut comprenait 188 personnes (voir ci-dessous les commentaires de Norman Kent sur sa photo de ce saut).

Dans le ciel de Skydive Chicago, la plus grande formation verticale de l’histoire du freefly avec 187 parachutistes. Photo Ewan Cowie
La satisfaction est grande et nous sommes tous à nouveau motivés par cette discipline du big-way vertical qui pendant quelques années semblait être arrivée à son potentiel maximum. Il est clair qu’avec une meilleure météo, un entraînement et une sélection encore plus poussée, laissant de côté les querelles et les égos de chacun, il sera possible d’ici 2 à 3 ans de réécrire l’histoire du record vertical en réalisant ce 200 et sans doute plus encore.
D’un point de vue plus personnel, ce record est un accomplissement dans un sport qui me fait vivre et m’épanouit au quotidien. Après les grandes émotions, mais surtout l’échec de 2022, il m’était impensable de rater un tel événement, les émotions que procurent ce type de saut et les rencontres donnent une dimension autre au parachutisme du week-end entre amis. Je me serai maudit de ne pas y avoir été présent.
Ce nouveau record s’aligne avec celui établi fin novembre 2024 à Eloy en Arizona, avec 96 parachutistes tête en haut, une aventure dont je fais également partie avec 10 autres Français dont 5 qui ont le doublet "174 tête en bas" et "96 tête en haut".
Grâce à cette nouvelle formation, le chemin est désormais tout tracé pour agrandir le record de France établi en 2023 à 54 et peut être un nouveau record d’Europe qui stagne lui aussi depuis plusieurs années à moins de 100 participants. À suivre ! ◼︎

Cette photo d'Ewan Cowie donne une idée du défi technique que représente les prises de vue d'une grande formation tête en bas de cette taille. Il s'agit de la tentative à 188. Les 4 chuteurs solos à droite de la photo sont les cameraman. Le chuteur solo à gauche est celui qui a reçu un coup accidentel à la tête, ce qui l'a projeté en dehors de la formation (voire le témoignage de Norman Kent ci-dessous). Photo Ewan Cowie
Témoignage de Norman Kent
Voici le témoignage de Norman Kent, célèbre photographe et caméraman parachutiste américain, qui a vécu l'événement d'une façon particulière.
"Après avoir passé la majeure partie de la semaine à attendre de pouvoir participer aux sauts records, j'ai finalement eu ma chance vendredi, le dernier jour de l'événement. Et mon premier saut... a été celui du record du monde de freefly à 174 participants, boum !
Avec ça, mon expérience de cette semaine à Skydive Chicago était déjà extraordinaire, mais elle a été sublimée puisque j'y célébrais aussi mes 50 ans de parachutisme ainsi que mon anniversaire (à un jour d'intervalle).
Je tiens à remercier et à rendre hommage à mon fils Ramsey qui a été un élément incroyable et extrêmement important dans cette expérience. Je suis très reconnaissant et chanceux de l'avoir comme fils et de l'avoir eu à mes côtés pendant ce moment émouvant que nous avons partagé ensemble. Merci Ramsey !
Je lui dédie ma photo du record du monde de freefly à 174 participants. (N.D.L.R. Il s'agit de la photo d'introduction, la toute première photo qui illustre cet article, en haut de page)
Et pourtant, sur cet événement, c'est une autre image qui a ma préférence. Il s'agit de celle que j'ai prise lors du dernier saut (2 sauts après celui du record), alors que le groupe tentait de construire une formation à 188 en ajoutant des freeflyers qui n'avaient pas participé au saut record. Il y a plusieurs raisons pour lesquelles c'est ma préférée. Bien que la formation n'ait finalement compté que 187 personnes, l'image comporte de nombreux éléments esthétiques et captivants.
Alors que je volais pour me mettre en position, j'ai remarqué le magnifique horizon nuageux, semblable à de la soie, et j'ai décidé de l'utiliser comme arrière-plan. Une fois en position, j'ai vu quelqu'un être éjecté de la formation et j'ai compris à ce moment-là que ce saut ne serait pas un record. Apparemment, ce parachutiste très talentueux avait reçu un coup accidentel à la tête, ce qui l'avait projeté vers le haut, en dehors de la formation. C'était dommage, mais il y avait tout de même une certaine beauté à retenir. J'ai remarqué que la formation volait de manière fluide et avait une belle forme, faisant preuve de régularité dans les niveaux, et même si j'avais une vue assez plate, elle était magnifique. J'ai remarqué le parachutiste solitaire bien au-dessus de la formation, aligné avec les nuages en arrière-plan, et je l'ai inclus dans ma composition.
Pour moi, cette image représente à la fois l'échec et le succès, l'aboutissement d'une semaine extraordinaire, le temps que j'ai passé à regarder de l'extérieur en espérant avoir la chance de participer, la beauté du sport que nous pratiquons, l'énergie incroyable qui circule entre tous pendant ces efforts concentrés, la nature qui joue son rôle, le souvenir d'une expérience extraordinaire alors que je célébrais un double anniversaire et bien d'autres choses encore. En résumé, une image magnifique...
Merci Rook... Merci Matt, pour m'avoir donné l'occasion de participer à cet événement alors que je célébrais mes 50 ans de parachutisme !"
GALERIE PHOTO
Encore plus d'images du nouveau record de freefly à 174, avec les photos d'Ewan Cowie. (Cliquer sur une des photos pour l'agrandir et afficher la galerie en mode diaporama)
À lire également
● L'article "Le 164 a la peau dure", récit par Anthony Malié, paru en septembre 2022.
● L'article sur les tentatives à 200 d'août 2018 paru dans le ParaMag n°376 de septembre 2018.
● L'article sur le record à 164 de juillet 2015 paru dans le ParaMag n°340 de septembre 2015.
Ne manquez pas notre article "Tentatives à 250 en vol relatif", l'autre évènement organisé simultanément à celui-ci, à Skydive Chicago.