En avril et août 2023, nos deux articles "I.A. et para" faisaient le point sur la façon dont deux I.A. génératives, ChatGPT et Midjourney, interprétaient le parachutisme, en fonction de ce que l'humain leur demandait. En ce début d'année 2025, ce nouvel article n'est pas juste une énième suite qui se contenterait d'observer les progrès des I.A. génératives dans ce domaine. Car l'époque n'est plus à l'observation, mais à l'action.

Voici une autre façon de poser la question qui constitue le titre de cet article : "Est-ce que le milieu parachutiste va juste continuer à utiliser l'I.A. générative pour dessiner des pères Noël à l'approche des fêtes de fin d'année ?"

C'est un peu radical, mais cet article démontre pourquoi il est important de se poser ce genre de questions, tandis que le sujet de l’I.A. revient régulièrement dans les médias, et tout récemment encore autour du "sommet pour l’action sur l’Intelligence artificielle" qui s’est tenu les 10 et 11 février 2025 à Paris.

Tout en précisant que ces "pères Noël paras", dopés à l'I.A. dès 2023, montraient déjà le chemin du futur, un futur bien plus proche que ce que l'on croyait, il y a seulement quelques mois. Car il s’en est passé des choses depuis le lancement public de ChatGPT en novembre 2022.

"La réussite de ChatGPT, c’est le chat, une interface accessible facilement" explique Pascal Bizzari, pour Avisia, cabinet parisien de conseil en I.A. "Le public a pu l’essayer lui-même, faire des recherches et il a vu que ChapGPT répondait à tout et pouvait potentiellement faire des choses à sa place".

Du côté de la génération d’image, 2024 est considéré comme "l’année du deepfake", avec tous ses travers. Pour autant, les choses sérieuses ont continué, car moins de deux ans plus tard "75% des travailleurs de la connaissance utilisent l’I.A. au travail" et "46% d’entre eux ont commencé à le faire lors des six derniers mois" est-il écrit dans le rapport 2024 sur l’indice des tendances du travail de Microsoft.

 

Utiliser l’I.A., mais laquelle ?  Car les modèles d’I.A. génératives se développent. Autour du chat et de la génération de texte, il existe aussi Moshi (par Kyutai), Gemini (par Google), Llama (par Meta), Copilot (par Microsoft), Claude (par Anthropic), Le Chat (par Mistral), Bloom (par Big Science),… Et autour de la génération d’images : Dall-E (par OpenAI), Imagen3 (par Google), Leornardo AI, Flux (par Black Forest),… Cette liste n’est pas exhaustive.

Loin de là ! Tandis que l'on croyait avoir bouclé la rédaction de cet article, le paysage de l'I.A. était déjà bousculé par l'émergence de deux nouveaux acteurs chinois. Peu de temps après que le lancement de l'I.A. chinoise DeepSeek commençait à défrayer la chronique, en janvier dernier, Alibaba (géant chinois de la technologie) annonçait l'arrivée de la version Qwen 2.5 max de QwenML. C'est la partie visible de l'iceberg que représentent les I.A. chinoises, en compétition entre elles et avec le reste du monde.

Développé par Alibaba Cloud, QwenML propose une interface innovante via Qwen Chat, permettant aux utilisateurs d’interagir simultanément avec plusieurs versions de Qwen, pour répondre à plusieurs usages : recherche, image, codage, raisonnement... QwenML est considéré comme le concurrent direct de DeepSeek, et aussi de ChatGPT, de Mistral, de Llama et des I.A. génératives d'images également. Des I.A. chinoises qui replacent les questions de cybersécurité au centre des débats. Mais ceci est un autre sujet.

De l'intelligence artificielle à l'intelligence augmentée

Les I.A. génératives se spécialisent maintenant en I.A. artistique, statistique, symbolique,… Leurs domaines d’utilisation touchent la science, la recherche, la médecine, l’agriculture, l’industrie. Il n’est plus seulement question de l'intelligence artificielle, c’est la notion d'intelligence augmentée qui apparaît au premier plan, car elle redéfinit l’utilisation de l’I.A. dans son rôle d’assistance et d’aide à la prise de décision, rappelant au passage que cette technologie est conçue pour amplifier l’intelligence humaine et non pour la remplacer.

Et le parachutisme dans tout ça : peut-il être "augmenté" ? Continuons de démontrer pourquoi il est devenu important de se poser la question. Et pour bien démarrer cette démonstration, il faut tout de même reprendre l'observation et la comparaison, à partir de 2023.

La première observation à court terme montre que la situation a (un peu) évolué, en parachutisme, on est passé des pères Noël aux cartes de voeux pour la nouvelle année, jusqu’aux bons cadeaux tandem pour la fête de la Saint Valentin, aux convocations pour une assemblée générale et tout récemment... à la fête des grands-mères  !

Les exemples ne manquent pas, et de plus en plus d’entités parachutistes, qu’elles soient professionnelles ou associatives, utilisent l’I.A. pour leur publicité ou pour leurs annonces, sur les réseaux sociaux ou ailleurs. Même le célèbre centre américain Skydive Perris s’y est mis. Mais tout cela reste dans le domaine graphique. Et avec quel résultat ?

Comme nous l’avons vu ci-dessus, depuis la publication de nos derniers articles, d’autres modèles d’I.A. génératives ont été rendus accessibles au public. Mais afin d’être cohérents, nous avons continué nos comparaisons, dans les deux domaines "textes" et "images", en utilisant exclusivement ChatGPT et Midjourney, comme en 2023.

En 2023, nous avions constaté qu'en seulement quelques mois – entre avril et août - et même sur un sujet aussi spécifique que le parachutisme, ces deux I.A. génératives avaient évolué en compétence et en capacité de production.

Midjourney, toujours inspiré

Un an et demi plus tard, les utilisateurs de Midjourney sont toujours aussi inspirés par le parachutisme. Les grandes lignes décrites dans notre deuxième article "I.A. et para : Quoi de neuf sur Midjourney ?" sont toujours valables : la sangle du RSE tandem et la perche apparaissent beaucoup moins sur les parachutistes en solo (en début 2023, Midjourney avait tendance à en produire un peu partout), le système de libération "3 anneaux" est généralement plus rond (ou ovale !) et placé dans de meilleurs endroits (en début 2023, Midjourney avait tendance à le représentant en rectangle ou en carré, et à le mettre n’importe où). Pour autant, Midjourney fait toujours preuve de "beaucoup d’imagination" pour représenter ce célèbre sytème de libération dans des formes variées, mais surtout complexes.

La voile de parachute a davantage tendance à être une aile à caissons (plutôt qu’un parachute rond) ou encore parfois un mixte des deux. D’une façon plus générale, le problème du nombre des doigts est (presque) corrigé : l’I.A. sort généralement des mains à cinq doigts, ce qui n’était pas le cas au début. Midjourney répond pertinemment à la commande "skydive pose" avec une position de chute plutôt cohérente, mais il peut encore faire preuve de "beaucoup d’imagination" dans certains cas, et parfois d’incohérence. Voir par exemple (plus bas dans cet article) sa représentation d’une formation de vol relatif en forme de chiffres "1505".

Là où on observe un changement, c’est sur la censure (et oui !) appliquée aux demandes concernant Donald Trump et Joe Biden. Sur Midjourney, les deux hommes politiques ne peuvent plus être représentés que dans des postures standards. En dehors de cela, on peut (encore...) s’en donner à coeur joie et c’est ce que nous avons fait, d’Albert Einstein à Elon Musk, en passant par Daniel Craig, alias James Bond.

Nous avons même demandé à Midjourney d’imaginer la chute du tailleur Franz Reichelt, "comme si ça s’était bien passé lors de sa tentative à la tour Eiffel, le 4 février 1912». Et le résultat est… intéressant (voir ci-dessus) !

Rien qu’en explorant Midjourney, on trouve d’autres créations intéressantes, comme celle qui a assez bien répondu à un prompt court : "une photo couleur vintage d’une parachutiste dans les années 80." On y voit une relativeuse dans une position de légère "parachutale", sans casque et cheveux au vent, avec des lunettes de chute d’époque, et une combinaison genre "à fleurs".

Est-ce le hasard si la demande sur la représentation "rétro" d’un parachutiste des années 1900 (voir ci-dessous) montre un harnais sans cuissarde, façon Aviorex, avec une large sangle abdominale et quelque chose qui ressemble à la poignée d’ouverture d’époque ? Bon OK, la casquette qui résiste au vent relatif et la moustache qui ne se déforme pas, ça n’est pas très réaliste…

Concernant le choix d’Elon Musk, nous avions commencé à travailler (avec le sourire...) sur les illustrations de cet article avant les élections présidentielles américaines. Ensuite nous avons simplement demandé à Midjourney de changer l’expression du visage (voir ci-dessous) !

Ces exemples d'utilisation d'I.A. génératives sur le thème parachutiste concernent uniquement le domaine graphique, ils sont divertissants et démontrent aussi comment des gains de temps et d’argent peuvent être obtenus par les communicants du parachutisme dans ce domaine, avec des résultats très variables, allant du pire au meilleur.

Sept questions paras à ChatGPT

Qu’en est-il en ce qui concerne la production de texte et d’information, toujours avec ChatGPT ? Nous avons posé une série de questions à cette I.A. en nous basant sur celles qui avaient généré certaines fausses réponses en 2023, et qui concernaient les A.A.D., les Soul Flyers ou Patrick de Gayardon. Nous y avons ajouté des questions d’ordre plus général, le genre de questions que se posent les pratiquants ou les futurs pratiquants.

Si le milieu parachutiste n’utilise pas (encore) ouvertement l’I.A. générative dans ce domaine, les pratiquants et les futurs pratiquants le font sans doute déjà ! Que ce soit pour chercher un centre où aller sauter, "Quel est le meilleur centre de parachutisme près de Paris ?" ou pour se renseigner sur le parachutisme en général, ou sur des points plus spécifiques comme les tarifs ou l’accidentologie.

Nous avons posé toutes ces questions au même moment et au même endroit, mais en double et en utilisant deux ordinateurs et deux comptes différents, un sur ChatGPT 4o (version payante) et l’autre sur ChatGPT 4o mini (version gratuite). Afin de mieux mesurer la qualité des informations détenues par ChatGPT, dans un premier temps nous n’avons pas activé sa fonction de recherche systématique sur Internet.

● Quel est le meilleur centre de parachutisme près de Paris ?

● Où trouve-t-on les sauts en tandem les moins chers de France ?

● En parachutisme, quel le prix moyen d'un saut solo à 4000 mètres d'altitude, pour un parachutiste confirmé ? Où ce prix est-il le plus cher ? Où ce prix est-il le moins cher ?

● Qui était Patrick de Gayardon ?

● En parachutisme, qui sont les Soul Flyers ?

● En parachutisme, qu’est-ce qu’un A.A.D. et qui l'a inventé ?

● Cite un nom d'homme et un nom de femme parmi les présidents et/ou présidentes de la fédération française de parachutisme, association fondée en 1949.

Voici les liens qui vous permettent d’accéder à toutes les questions-réponses directement sur ChatGPT :

Lien vers la série de 7 questions-réponses

Lien vers la question posée indépendamment : En parachutisme, qu’est-ce qu’un A.A.D. et qui l'a inventé ? et vers la réponse de ChatGPT

Lien vers la question posée indépendamment, sans la fonction "recherche sur internet" : Qui était Patrick de Gayardon ? et vers la réponse de ChatGPT

Lien vers la question posée indépendamment, avec la fonction "recherche sur internet" : Qui était Patrick de Gayardon ? et vers la réponse de ChatGPT

Vous pouvez aussi consulter ces questions-réponses sans aller sur ChatGPT, car nous les avons archivées en pages suivantes (voir folios en bas de cette page). Afin de ne pas publier n’importe quoi, si une réponse ou un élément de réponse est faux, nous le mentionnons en rouge et [entre crochets].

Premier constat : les réponses sont systématiquement différentes. C’est généralement le cas avec ChatGPT. Et si les questions sont posées les unes après les autres dans la même conversation, cela influe également sur les réponses, par rapport aux questions posées indépendamment les unes des autres.

À la question "Quel est le meilleur centre de parachutisme près de Paris ?" la version gratuite de ChatGPT est la plus pertinente : elle renvoie directement vers certains des centres concernés, à savoir Frétoy-le-Château, Péronne, Saint-Florentin et de façon plus aléatoire vers Montargis, Blois, Mortagne-au-Perche,… En expliquant à chaque fois qu’il s’agit de sauts en tandem, nous n'avions pas précisé de type de sauts dans la question, mais cela semble naturel pour ChatGPT. Les sources sont variées, allant des propres sites internet des centres concernés jusqu’à Génération Voyage en passant par France Hôtel guide.

La version payante de ChatGPT n’est pas pertinente, car elle ne parle pas de Frétoy-le-Château, en revanche elle fait référence à la formation PAC. Ses sources proviennent presque toutes de Funbooker.

À la question "Où trouve-t-on les sauts en tandem les moins chers de France ?" la version gratuite de ChatGPT ne renvoie pratiquement que vers des portails : Adrenactive, 4000m.com, Jumpnow, Sensations Garanties. Sur ces six réponses, une seule envoie directement vers un centre de parachutisme (on vous laisse découvrir lequel !)

La version payante de ChatGPT est cette fois plus pertinente, pointant vers des centres de parachutisme, mais toujours à travers le filtre de Funbooker.

La question concernant le prix moyen d'un saut solo à 4000 mètres d'altitude (pour un parachutiste confirmé) et celles du plus cher et du moins cher était une sorte de question piège. ChatGPT n’est pas tombé dedans, se contentant de citer des exemples au hasard, donc forcément avec des réponses différentes entre la version gratuite et la payante. Les deux versions font tout de même référence au tandem comme exemple de "saut plus cher", ce qui est hors sujet. Cette fois encore, c’est la version payante de ChatGPT qui est plus performante, en donnant tout de même une fourchette de 25 à 35 euros, en indiquant des exemples de tarifs de location de parachute et des tarifs dégressifs.

À chaque fois, pour ce qui concerne les réponses évoquées ci-dessus, ChatGPT exprime les précautions d’usage "ces tarifs peuvent varier en fonction des politiques des centres, des saisons et des éventuelles promotions en cours". Et "il est recommandé de contacter directement les centres pour obtenir des informations à jour et précises."

Et chaque réponse concernant le tandem comporte des expressions du genre "expériences uniques", "amateurs de sensations fortes", stigmates des sources principales de ChatGPT que sont les portails et les sites marchands.

En reposant les mêmes questions, mais en activant la fonction "recherche sur Internet", on obtient des réponses mieux géolocalisées, c’est-à-dire que ChatGPT renvoie davantage vers les "vrais" sites des centres de parachutisme.

En activant la fonction de raisonnement sur la question des prix de saut à 4000 m en solo, la réponse met plus de temps à venir (8 secondes !), mais elle intègre les tarifs de Nouméa Skydive, en Nouvelle-Calédonie, avec des pris en CFP et un calcul de taux de conversion en euros. Bon, on adore la Nouvelle-Calédonie, mais ce n’est pas trop le sujet, en fait cela montre l’importance du "prompt" (autrement dit la question que l’on pose à l’I.A.) et de la façon dont on pose cette question.

En précisant "en France métropolitaine" dans la question, il faut 47 secondes de raisonnement à ChatGPT pour répondre ceci :
"En France métropolitaine, pour un parachutiste confirmé, le saut solo à 4000 mètres coûte en moyenne autour de 30 € par saut – ce tarif peut même descendre à environ 28 € si vous effectuez un volume important de sauts (tarifs dégressifs pour 30 sauts ou plus).
Où est-ce le plus cher ? Les centres situés dans des zones où les coûts d’exploitation sont plus élevés (notamment en région parisienne ou en Île-de-France) tendent à afficher des tarifs légèrement supérieurs.
Où est-ce le moins cher ?  Les clubs affiliés ou les centres dans des zones où la concurrence est forte – comme dans certaines régions du Sud-Ouest (par exemple, dans des drop zones proposant des tarifs adhérents) – offrent souvent des prix très compétitifs, autour de 28–30 € par saut."
Et en pointant vers ces deux sites :
parachutisme-tarbes.fr
sensations-garanties.com

ChatGPT à la limite

Arrivés à ce stade, dans notre quête de "parachutisme augmenté", il est important de constater, de savoir et de considérer (surtout pour les dirigeants de centre), que des I.A. comme ChatGPT n’accèdent pas aux informations qui se trouvent sur les réseaux sociaux. L’I.A. absorbe tout ce qu’elle peut sur Internet, mais sans accéder à Facebook (par exemple). Or nous constatons que beaucoup de centres utilisent ce réseau pour leur communication, parfois au détriment de leur site Internet. C’est bon à savoir, et dans les deux sens, qu’on veuille ou à l’inverse qu’on ne préfère pas voir ses informations être "ingérées" par l’I.A.

Passons maintenant aux questions de "culture générale parachutiste", concernant les Soul flyers, Patrick de Gayardon et les AAD. Sans activation de la fonction "recherche sur Internet" l’appréciation des réponses de ChatGPT est "peut mieux faire". Voici ci-dessous quelques exemples de ses erreurs.

Fred Fugen n’est pas cité dans le développement du projet Jetman Dubaï, alors qu'il y a largement contribué, même s'il n'était évidemment pas seul. Patrick de Gayardon, en plus d’être un parachutiste français serait aussi "un skieur de l’extrême", et le premier système d'activation automatique (AAD) aurait été "développé en 1940 par Ted Strong", tandis que Helmut Cloth aurait conçu "le premier dispositif fiable en 1958".

En ce qui concerne le parachutisme, la qualité des informations détenues par ChatGPT n’est donc pas beaucoup plus fiable qu’en 2023. C’est assez logique, car les demandes des utilisateurs de ChatGPT sur ce thème sont très certainement infimes par rapport à la masse globale. Sur ces sujets, il donc impératif d’utiliser la fonction de recherche systématique sur Internet intégrée à ChatGPT.

La prédiction des spécialistes qui consistait à prévenir que la "révolution I.A." serait comparable à celle d’Internet dans les années 1990, se révèle exacte. Et comme Internet à ses débuts (et encore maintenant !), l’I.A. est capable du pire comme du meilleur. C’est assez logique puisque les I.A. se "nourrissent" d’Internet, en tous les cas celles qui sont accessibles au public. Pour obtenir une I.A. plus fiable et plus précise, comme celles qui sont utilisées pour la médecine, pour la science ou par certaines entreprises privées, il faut l’éduquer soi-même.

L'inconnue du parachutisme augmenté

À quand une I.A. générative éduquée spécifiquement pour le parachutisme ? Ce n’est pas pour tout de suite et la réponse à notre question-titre "Le parachutisme peut-il être "augmenté" ? n’est sans doute pour le moment qu’un "unknow unknowns", en français une "inconnue inconnue". C’est-à-dire une inconnue que l’on ne soupçonne même pas. Elles sont potentiellement très nombreuses avec l’I.A.

Selon le professeur Bernard Sinclair-Desgagné : "Divers récits issus de toutes les sphères de l’activité humaine – tels que la science et la technologie, les arts, la stratégie d’entreprise et la politique publique) révèlent que des gains ou des pertes considérables auraient pu être obtenus ou évités si les "unknow unknowns" avaient été anticipés à temps".

Vous n’êtes pas convaincu(e) ? Tout cela ne serait que foutaise ? Pourtant des exemples existent déjà en parachutisme. Dans les années 1990, ceux qui n’ont pas compris et encore moins anticipé l’impact qu’allait avoir Internet l’ont parfois payé très cher.

C’est ainsi qu’un gros centre associatif et historique, proche de Paris, a subi un putsch qui l’a fait basculer progressivement vers un fonctionnement professionnel. L’instigateur du putsch avait utilisé la puissance d’un des premiers "forum" Internet pour rameuter du monde à venir voter en masse à l’assemblée générale et faire basculer l’équipe dirigeante en place. Une équipe qui était pourtant solidement ancrée sur ce centre qu’elle avait créé et développé, mais qui n’avait absolument rien vu venir.

Autre exemple cette fois sur l’aspect économique et administratif, avec ce qui était appelé "l’affaire Canal Plus". À cette époque, un partenariat doublé d’une opération promotionnelle avait été établi entre la chaine de télévision et la FFP. Cette opération avait généré une arrivée massive de candidats au saut en tandem, arrivée que certains centres ont eu bien du mal à gérer. Sauf ceux qui avaient déjà mis en place une interface d’accueil via Internet.

À la même époque, l'essor du tandem commercial chez les titulaires du brevet de parachutiste professionnel - les para-pros – s’est largement appuyé sur les ventes par Internet, pour ceux qui avaient déjà compris et mis en place le processus. C’est peu de temps après qu’est arrivé le phénomène des portails et des box, qui représente aujourd’hui un volume considérable des ventes de tandem par Internet.

À l’inverse, sur les terrains de sauts et dans la pratique courante, on peut se demander ce qu’il serait advenu aux 5200 parachutistes sauvés (à ce jour) par le Cypres si celui-ci n’avait pas été inventé ? Certains de ces parachutistes se seraient-ils comportés différemment sans "filet de sécurité" ou se seraient-ils impactés au sol ?

L'I.A., A.D.N. de l'A.A.D.

Ah, l’A.A.D.… Voilà une belle preuve que l’I.A., ici non générative, est présente depuis longtemps dans le parachutisme. Non générative l’I.A. contenue dans l’A.A.D. ? En tous les cas, elle "génère" la bonne décision à notre place et elle sauve des vies, ce n’est pas rien. Une "troisième main" pour ceux qui ont le cerveau égaré !

Il existe d’autres exemples d’utilisation de l’I.A. en parachutisme. Comme Skydive Designer, cette application qui permet de composer des sauts de séquences en vol relatif, dans toutes les tailles de figures, ou des sauts de grande formation dans diverses disciplines, et d’en produire une animation au format GIF. Skydive Designer gère également les placements des parachutistes dans le ou les avions, et bien d’autres choses. On est loin des figures représentées à la main au tampon encreur sur du papier…

Ci-dessus : Enchaînement d'une séquence de 4 points à 35 conçue avec Skydive Designer, durant le Klatovy Sequential Challenge 2024 (cliquer au centre de l'image pour l'animer). La séquence a été présentée sur écran aux participants, au début du briefing.

Le concept des "robots arbitres" appliqué au parachutisme est sorti de l’imagination d’Yves-Marie Guillaud, auteur de la rubrique éponyme "l’iconoclaste" dont un des sujets de réflexion s’intéressait aux difficultés de jugement dans les disciplines du vol relatif et du vol dynamique (cf. ParaMag n° 382 de mars 2019). Encore une "inconnue inconnue" ? Pas vraiment, car Yves-Marie Guillaud expliquait dans son article comment l’I.A. et l’électronique étaient déjà utilisées dans certains sports.

En dehors du parachutisme, on peut remonter jusqu’en 1956, à Dartmouth (États-Unis), pour attribuer la naissance officielle de l’I.A. à un groupe de chercheurs et d’ingénieurs, venus de divers environnements professionnels. Selon Pierre Mounier-Kuhn (historien, spécialiste de l’histoire de l’informatique et chercheur au CNRS), "c’est le Dartmouth Summer Research Project on Artificial Intelligence, un colloque réunissant 20 des plus brillants chercheurs en sciences cognitives et en informatique, durant l’été 1956, qui est considéré comme l’événement fondateur de l’intelligence artificielle".

En attendant qu’un ou plusieurs petit(s) malin(s), ou excellent(s) prompteur(s), découvre(nt) la ou les façon(s) dont il serait possible de tirer directement partie des I.A. génératives pour améliorer la pratique et/ou l’exploitation du parachutisme, en imaginant que cela soit possible, le mieux est d’appréhender la façon dont elles impactent déjà nos modes de vie personnelle, professionnelle, sportive ou de loisir. Car c’est de là que les I.A. génératives commencent à influencer la pratique du parachutisme, à travers nos pratiquants actuels et futurs..

En conclusion, vous êtes FOMO ou FOBO ?

Vous n’êtes pas convaincu(e) ? Peut-être que vous êtes coincé(e) dans vos peurs, entre l’effet FOMO et l’effet FOBO ? Selon Eneric Lopez, directeur du plan national sur l’I.A. chez Microsoft , deux craintes sont identifiables face à l’I.A. dans le monde l’entreprise : "Il y a d’abord l’effet FOMO, Fear of Missing Out, la peur de passer à côté de l’I.A., que ce soit à titre individuel ou au niveau des organisations ; il y a ensuite l’effet FOBO, Fear of Becoming Obsolète, qui correspond à la peur d’être remplacé, d’une façon ou d’une autre, par l’I.A."

Le "parachutisme augmenté" pourrait se définir dans la façon d’accueillir les pratiquants actuels et de démarcher les prochains, dans la façon de mieux gérer les innombrables images que le parachutisme produit et d’en gérer leur utilisation. Cela pourrait être aussi dans la façon d’augmenter encore la sécurité ou d’appréhender la complexité réglementaire et administrative à laquelle il faut faire face actuellement dans la mise en œuvre du parachutisme, en général.

Comme expliqué dès le début de cet article, le but ici n’est pas d’apporter des réponses, mais de soulever des questions, d’ouvrir une réflexion sur la façon dont le parachutisme va tirer partie (on non) du développement des I.A. génératives, voir même les considérer comme un outil pour pérenniser son avenir, et peut-être dans certain cas, pour assurer sa survie.

Bibliographie :
● Glimpse, édition n°3 d’octobre 2024 (magazine de Skema Business School)
● Sciences et Avenir n°935 de janvier 2025 (édition spéciale I.A.)

À lire également...
Sur le même sujet :
● Article "I.A. et PARA, Le parachutisme vu par l'intelligence artificielle", paru en avril 2023.
● Article "I.A. et PARA, Quoi de neuf sur Midjourney ?, paru en aout 2023.

(Suivre les folios des pages 2 et 3 ci-dessous pour accéder à la série de 7 questions posées à ChatGPT et aux différentes réponses.)

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