Même si le nom F-WESC s'en rapproche volontairement, il ne correspond pas à l'immatriculation d'un avion… Il désigne un type de rassemblement bien spécifique : "Freefly Week-End Skill Camp". Mis en place depuis 2017 sur des drop zones françaises - Amiens, Pujaut, Tallard (CERPS), Brienne, Charleville-Mézières - il s'est exporté cette année à Skydive Klatovy, en République tchèque (voir article "VR-40 et F-WESC à Klatovy" paru le 24août 2023). C'est là où nous avons rencontré Henri Bourrellis, dit "Riton", qui nous a expliqué comment le F-WESC a vu le jour, comment il s'est développé et pourquoi il dure depuis six ans.
Interview d'Henri Bourrellis, dit "Riton", par Bruno Passe
ParaMag : Comment est venue l'idée du concept F-WESC ?
Henri Bourrellis: L'idée de départ nous est venue avec mon pote Vincent Demongeot. On faisait pas mal de freefly et on avait envie de se retrouver avec d'autres copains, on voulait sauter beaucoup. Mais en étant parisien, c'était quasiment impossible en week-end, car, sur la plupart des grosses DZ alentour, c'était déjà chargé dans les avions. Alors on ne savait pas où aller. C'était fini l'époque du boogie de Vichy, des rassemblements à Lapalisse, etc.
C'était possible en semaine, mais ça voulait dire poser des jours de congés, sans flexibilité, et avec tout de même un risque de ne pas pouvoir sauter tant que ça.
En 2016/2017 on a commencé à aller aux États-Unis, en Floride, où on a participé aux Fly4Life. On a adoré leur format "skill camp". Parallèlement, on volait aussi beaucoup en soufflerie, avec Flex. (N.D.L.R. : "Flex" est le surnom d'Alexandre Gillard, ancien membre des équipes de France, coach freefly réputé en soufflerie et en parachutisme)
C'est à cette période que la DZ d'Amiens a été ouverte. Une fois par mois il y avait un week-end avec deux avions et Alex Lemaire (N.D.L.R. : un des dirigeants du centre) nous a proposé de mettre un événement freefly en place sur ce week-end-là.
Nous avions carte blanche et la garantie d'avoir un max de place dans les avions. Nous avons donc réfléchi à la façon de concrétiser notre projet d'événement freefly en week-end, et en nous inspirant du concept Fly4Life que nous avions découvert à Deland.
C'est à ce moment-là que vous avez trouvé ce nom bizarre, F-WESC, en acronyme qui se prononce "ouaisque" ?
Oui ! On est partis sur la base "week-end skill camp" et on a ajouté "freefly" pour que ce soit clair qu'il s'agit bien de freefly. Ça donnait "Freefly Week-End Skill Camp". C'était un peu long, alors on l'a écrit en initiales, sous la forme d'une immatriculation d'avion, pour que ça ait une consonance aéronautique.
OK, mais un nom, ça ne suffit pas…
F-WESC est né du constat d’une évolution du profil des freeflyers, évolution liée aussi à l’arrivée de la soufflerie. Avant la soufflerie, le meilleur freeflyer c'était celui qui passait le plus de temps sur la DZ et qui sautait le plus.
De nos jours, sans soufflerie, il devient presque impossible d’atteindre un niveau intermédiaire "plus". La "consommation" du parachutisme, et du freefly en particulier, a donc complètement évolué.
Quand j’ai commencé à pratiquer, en 2007/2010, j’allais retrouver les copains sur une DZ pour le week-end. Accessoirement, s’il faisait beau, on sautait. Aujourd’hui, tout va plus vite ! On change de DZ comme on swipe/scroll sur Facebook, Instagram ou Netflix. Personne ne veut se déplacer sans une "presque garantie" de faire des bons sauts. F-WESC a apporté une "solution" pour les freeflyers d’aujourd’hui: offrir un maximum de skills sur un minimum de temps !
Sur le plan technique, que contient le F-WESC ?
Je le répète, c'est une grande inspiration, voire une copie de ce qui se pratique dans les skill camp Fly4Life à Deland. On fait des sauts de freeflly : tête en haut, tête en bas, et angle. Chaque coach a carte blanche et décide de ce qu'il fait avec son groupe et à quel moment de la semaine il le fait.
Les principes de base sont : un coach par groupe (petit nombre, ajustable en fonction du type d'avion), une bonne cadence de sauts (objectif de six à huit sauts par jour et par groupe) et de la bonne humeur !
Comment ce sont passés les premiers F-WESC ? Qui étaient les premiers coachs ?
Les premiers coachs étaient Marco Mazzanti, Olivier Lambert, Christophe Sizorn, Ivan Phelippeau, Vincent "Vince" Demongeot et moi. Lorsque nous avons commencé à ouvrir les inscriptions, il y a tout de suite eu du monde qui voulait venir pour faire du freefly le week-end, entre 40 et 60 personnes ! Heureusement, nous avons été soutenus par Virginie Bouette, Pierre Wolnik, Domitille Kiger entre autres, qui ont sympathiquement et gracieusement eux aussi investi de leur temps pour nous aider à nous lancer ! Ça a été un succès. Alors nous avons donc décidé d'aller également sur Pujaut.
Pourquoi Pujaut ?
Depuis 2013, j'allais régulièrement sauter là-bas en début et en fin de saison. En partant de Paris, d'un coup de TGV, tu y es en quelques heures…et tu récupères une petite dizaine de degrés en plus, ce qui n'est pas négligeable. On connaissait bien le staff et on a eu l'idée d'essayer le F-WESC là-bas aussi. Leeloo et l’équipe nous ont toujours accueillis les bras ouverts et motivés pour aider à produire des bons et beaux sauts. Et ça a fonctionné aussi ! J'insiste sur le fait que le F-WESC n'existe que grâce aux drop zone qui aiment le skydive, les skydivers et les bonnes vibes, comme Amiens et Pujaut, qui nous ont fait confiance dès le début.
Dans le contexte du F-WESC, que veux-tu dire exactement par "faire confiance" ?
Ces événements, comme tous les événements paras, ça coûte de l'argent, il faut de l'investissement, des places avions pour les coachs, leur hébergement, leurs repas, des plieurs, etc.
Le F-WESC est une association, et elle ne peut pas prendre tout en charge. Au début les coachs étaient bénévoles, l'association prenait à sa charge leurs frais de mise en place et chaque participant cotisait à l'asso pour la faire vivre. Ensuite le niveau est monté, nous avons fait appel à des coach pros et nous faisons maintenant appel à des coachs de classe mondiale. L'inscription est de 500 euros, ce qui correspond à peu près à ce qui se pratique sur ce type d'événements à l'étranger. Cela permet de couvrir en partie le coût des coachs (déplacement, prestation, logement, nourriture…etc.). Et nous demandons aux DZ de contribuer en prenant des places avion et les pliages coach/vidéos à leur charge.
Peux-tu citer les DZ qui se sont impliquées dans le F-WESC ?
Amiens et Pujaut, les premières, il y a eu ensuite le CERPS à Tallard, Charleville-Mézières, Niort, La Réunion. Brienne-le-Château avait commencé aussi, avant le Covid et avec le "format" "Pigs", en amont des tentatives de record de France de freefly. Ce sont ces DZ qui nous ont fait confiance et qui ont investi dans les événements F-WESC, et nous les en remercions encore !
Dans ces DZ, il y a des dirigeant(e)s, et la confiance passe par eux, alors on ne peut les citer tous, mais ici nous remercions Alex Lemaire, Leeloo, Lionel Barret, Sylviane Jardel, Nedge,… J'ai découvert Tallard en 2013 et on sait que cette DZ offre tout simplement la meilleure "assurance météo" de France. À titre perso, j'y ai vu aussi une sorte de "soufflerie du swoop".
Une "soufflerie du swoop"…, qu'est-ce que tu veux dire exactement ?
Les conditions aérologiques sont très régulières à Tallard, surtout le vent. Tu sais que ton action dans ton swoop sera globalement la même tous les matins, c'est idéal pour avoir une progression constante en pilotage sous voile.
À l'époque où on a commencé les F-WESC, j'y venais déjà avec des copains pour des week-ends en groupe de 5 à 10. Et il y avait Flex aussi, avec qui on volait déjà en soufflerie à Paris etqui a commencé a organisé des "Flex Week" avec tous ses élèves. Du coup ça nous a donné l'idée d'organiser un F-WESC à Tallard.
Le CERPS nous a toujours accueillis de façon exceptionnelle et a mis des moyens énormes, en termes de confort, pour accueillir tous ces freeflyers du F-WESC, dont certains venaient de très loin.
Toujours dans le contexte du F-WESC, que veux-tu dire exactement par "confort" ?
Ça veut dire mettre en place des moyens : un nombre de plieurs adapté, un ou des avions supplémentaires, et nous laisser suffisamment de places dans ces avions, quitte à réduire de façon intense l'activité du centre, notamment le tandem, durant une semaine. Sylviane Jardel et toute l'équipe du CERPS ont travaillé à fond pour que ça marche. Et je pense, qu'en retour, ça a apporté une bonne vitalité au centre, avec une énorme semaine de skydive.
Ce n'était donc plus un événement de week-end, mais sur une semaine complète ?
C'est ça, Tallard c'est un super endroit pour passer des bonnes vacances, y compris pour ceux qui ont des enfants en bas âge, ce qui commençait à être le cas pour certains d'entre nous à cette époque. C'est "children friendly", car il y a tout ce qu'il faut à proximité. Et c'est à Tallard qu'a démarré la formule WESC’ome, sur 5 jours. Pour ça, j'adresse un grand remerciement de ma part et de la part de l'équipe F-WESC à Sylviane Jardel et toute l'équipe du CERPS, sans qui le WESC’ome, n’existerait pas, à la soufflerie On’air (Julien et Élisa), à l’hôtel Le Cap (William et Sarah), à la famille Tarade, à la famille Björklund. Et puis, avec toutes les éditions F-WESC, il y a tellement de monde à remercier !
Nous le ferons à la fin de l'interview… Tu parlais de l'importance de la soufflerie sur le plan technique. Quel est le rapport de F-WESC à la soufflerie ?
F-WESC c'est purement du skydive, mais le rapport à la soufflerie existe, et à la base il est lié à Flex, car certains d'entre nous faisaient partie de ses élèves freefly à Aérokart.
Il faut se remettre dans le contexte de 2010, la seule soufflerie sportive était alors Aerokart, et Flex y travaillait. Il fait partie de ceux qui ont largement contribué à augmenter le niveau du freefly français grâce au vol en soufflerie.
Il a été visionnaire, un des premiers à permettre d'envoyer du volume à des non-professionnels du tunnel comme nous. Et cela pour deux raisons. D'abord, comme il se rendait disponible en semaine, et aussi très flexible dans la gestion des créneaux horaires, il donnait l'opportunité à beaucoup de Parisiens de voler souvent et régulièrement. On allait faire notre cours de soufflerie comme on va faire un cours de squash ou de tennis. En fonction de nos progrès techniques, Flex a commencé à nous faire partager du temps de vol à 2, 3 ou 4, tout en sachant que notre objectif commun, c'était le freefly dans le ciel. Ça nous a permis de progresser en vertical et à des tarifs horaires plus abordables, ce qui était exceptionnel à l'époque, en France.
Sa méthode était très orientée vers le ciel, il a rapidement constitué un groupe d'une trentaine d'élèves réguliers. Et il a organisé des "Flex weeks", à Tallard, pour aller sauter avec ses élèves. Au début il y avait une vingtaine de participants, puis c'est monté à 40, voire 50. C'était plus orienté sur de la séquence, du vertical. On se retrouvait à l'Oasis, chez Philippe Tarade, pour les repas, et il y avait une superbe ambiance.
Et c'est vrai que ce set-up nous a aussi inspirés pour développer le WESC à Tallard, mais plutôt orienté angle et trace.
Et c'est à Tallard que vous devriez être pour ce WESC'ome, en cette première semaine d'août. Pourquoi avoir changé pour Klatovy ?
Cette édition 2023, c'est l'aboutissement de cinq années de skill camp et c'est la première fois qu'on arrive à mettre autant de monde en 6+1, 6 participants et 1 coach. Notre line-up de coachs est exceptionnel, neuf top coachs issus d'équipes réputées : Fly4Life, Soulflyers, Bro’s, Fly Warriors, Los Gringos et Joyriders. Même aux États-Unis, et suite à la crise sanitaire, c'est très rare d'avoir un tel line-up en skill camp. Ça se voit sur certains boogies, mais pas en skill camp.
Malheureusement un coach étranger, malgré ses 20.000 sauts, son track-record et sa qualité de fondateur d'un des camps les plus réputés au monde, où beaucoup de monde rêve d'aller, n'a pas le droit de venir coacher contre rémunération en France. Et c'est bien dommage. C'est un peu comme si on refusait à Lewis Hamilton de venir faire un cours de pilotage en France. Alors nous avons déplacé le WESC à l'étranger.
Il faut préciser un peu la situation pour nos lecteurs… Comme l'a écrit le président de la FFP dans un "Rappel des aspects réglementaires liés à l’animation, l’encadrement et l’enseignement" sous la forme d'un courrier officiel de quatre pages, adressé le 17 avril 2023, à toutes les structures affiliées : "Une erreur commune persiste depuis 30 ans : si la loi initiale sur le sport de 1984 ne comportait que le verbe "enseigner", la loi de 1992 a ajouté les verbes "animer ou encadrer", ce qui n’empêche pas qu’en 2023 certains prétendent faussement que cette obligation de diplôme ne concernerait que l’enseignement".
Oui, et pour ce qui nous concerne, tel que précisé dans le courrier FFP, pour les coachs qui animent ou encadrent les skill camps, le diplôme d'état c'est le BPJEPS, DEJEPS, DESJEPS, ou le BEES de parachutisme.
Comme expliqué ci-dessus, le freefly et son enseignement a énormément évolué ces dernières années. Aujourd'hui, il y a un décalage entre ce que la législation propose, ou autorise, car il n'y a que trois disciplines enseignées : la TRAD, la PAC et le tandem. Il faudrait donc qu'un coach spécialisé passe un de ces trois diplômes pour pouvoir enseigner le freefly, alors que les techniques n'ont pas grand-chose à voir entre elles.
C'est un peu comme si on comparait les compétences d'un moniteur d'auto-école avec celle d'un coach de pilotage sur circuit. Et en parachutisme, la comparaison est encore plus flagrante. Les vitesses, les mouvements, les inversions, sont devenus extrêmement rapides et techniques. Peu de flyers dans le monde ont les compétences techniques et l’expérience pour leader ces sauts en toute sécurité, tant le saut lui-même, que l’intégration de ces mouvements dans l’axe de largage, afin de faire séparer et ouvrir son groupe exactement où cela est prévu.
Car gardons en tête que ce sont 22 para répartis en 3 groupes de 6+1 et 1 vidéo dans l’avion qui partent sur chaque largage.
Nous ne sommes pas partisans des polémiques, nous sommes des hommes de solutions.
Il est nécessaire donc trouver une solution pour légaliser cette situation, validation des acquis ou autre, mais à ce jour notre seule solution est de partir à l'étranger.
Dans ces conditions, où allez-vous organiser les futures éditions du WESC ?
Pour le moment, je peux dire que nous avons vécu une très belle édition 2023 et que nous avons vraiment apprécié cette semaine à Klatovy. En plus, elle a rassemblé toutes les disciplines et beaucoup de groupes différents : vol relatif, swoop, militaires, bigways… Créer un évènement et une mixité sociale est tout aussi important pour nous que le skydive en lui-même !
Et on peut dire aussi que le WESC’ome 2024 se tiendra du lundi 29 juillet au vendredi 2 août, et que le lieu reste à confirmer. Mais il est clair pour nous "qu’il n’y a pas de moyen légal de contourner la loi", que nous n'irons pas contre la loi et il est donc probable que nous reviendrons à Skydive Klatovy. Nous ciblons désormais la première semaine d'août, plus facile à planifier pour ceux qui travaillent, et il n'y a plus qu'un seul événement WESC par an.
On comprend donc que l'on est passé de la formule F-WESC, initialement un événement de week-end, à celle du WESC’ome, initiée à Tallard sur 5 jours en semaine. Il existe aussi un autre événement, dont on entend parler depuis 2019 : le Los Wescos. Peux-tu nous en parler ?
C'est un co-évènement que nous avons développé depuis 2019 avec Jéremy Saint-Jean et Pierre Rénié, des Los Gringos. Los Wescos, ce nom provient de la contraction de Los Gringos et F-WESC et il représente la fusion du F-WESC avec les skill camp de Los Gringos.
Il y a eu quatre éditions, en week-end de trois jours en septembre ou octobre à Pujaut. Le Los Wescos contribue lui aussi à animer la scène freefly française et je tiens à souligner le travail et l’implication de Jéremy Saint-Jean dans l’organisation des WESC, depuis trois ans. Il a une vision très large et très technique sur la communauté des flyers français.
Et pour terminer, tu voulais exprimer des remerciements…
Oui, je remercie l'ensemble des participants aux WESC, les coachs, les DZ et l’ensemble de leurs staffs qui nous ont accueillis sur toutes les éditions.
Une grosse pensée affective pour Domi et Flex pour m’avoir fait progresser en freefly depuis plus de dix ans, pour Nicoach qui continue de nous surveiller !
Je tiens à remercier Luis Prinetto et Claudio Cagnasso, les leaders des Fly4Life, sur lesquels le format du WESC est clairement inspiré, pour ces exceptionnelles semaines de skydive vécues durant leurs camps à Deland, depuis 2016. Merci à tous les coachs avec qui j’ai eu la chance de voler et d’apprendre.
Enfin, last but not least, je tiens à remercier mon frère Julien, qui m’a toujours suivi et soutenu dans mes projets para.
Liens Internet
● Article sur la Team Los Gringos, paru dans le ParaMag n°397 de juin 2020
● Article sur le Los Wescos, paru dans le ParaMag n°390 de novembre 2019
● Article sur le WESC'ome to Tallard, paru dans le ParaMag n°407 de septembre 2021
GALERIE PHOTOS
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