E d i t o
A la conquête de linutile
En,1956, deux Français réalisaient une première : se passer un "bâton témoin" en chute libre. Par ce geste symbolique, Jacques Chalon et Jean-Louis Potron démontraient que lhomme était capable de contrôler ses déplacements en chute et dajuster sa vitesse à celle dun autre, le Vol relatif était en route vers le développement quon lui connaît aujourdhui.
Auraient-ils pu imaginer que, presque 50 ans plus tard, deux autres hommes effectueraient un geste similaire, mais sous un parachute ouvert pour le premier et en combinaison ailée pour le second ? Et plus besoin de "bâton phalloïde" pour témoigner de lacte réussi, de nos jours il existe les images numériques qui circulent sur Internet presque en direct.
Autant ce premier passage de bâton a dû passer inaperçu dans le désert médiatique de cette époque daprès-guerre, autant les premiers appontages "chuteur - parachutiste" risquent de passer inaperçus dans notre monde moderne qui dégorge dimages (belles ou moins belles...), de surinformation (bonne ou moins bonne) et où lon ne sétonne plus de rien.
Et pourtant le geste est tout aussi remarquable, tout aussi symbolique : non seulement lhomme est capable de contrôler son vol en pilotant un micro-parachute ou une combinaison ailée, mais en plus il peut voler en parallèle et ajuster les vitesses des deux engins.
Puisque Luigi Cani arrive à poser régulièrement une voile de 39 pieds carrés (3,5 mètres carrés) et que Loïc Jean-Albert (ou autres...) volent dans les mêmes plages de vitesse avec une wingsuit de 2 mètres carrés, latterrissage en wingsuit devient envisageable et il est même annoncé par Jeb Corliss pour cette année 2005.
Pour Loïc Jean-Albert, la vitesse verticale zéro est déjà acquise en ressource mais selon lui, il faudra attendre encore un ou deux ans pour le posé. Il veut continuer daméliorer les performances de sa wingsuit avant de tenter le contact à 60 km/h de vitesse horizontale et non pas à 120-130 km/h.
Ces pratiques extrêmes peuvent sembler bien futiles en regard de la prise de risque quelles engagent. Cette quête de linutile a-t-elle un sens, au delà de la gloire quelle pourrait apporter et de la beauté du geste ?
On peut y trouver rapidement quelques utilités... La wingsuit est devenue une discipline à part entière dans le parachutisme de loisirs... Il semble que les militaires sy intéressent en tant que moyen de transport ou plutôt dinfiltration... Si on se bouscule sur les sites de B.A.S.E. jump, cest certainement, aussi, parce que lutilisation de la wingsuit ouvre de nouvelles perspectives plus proches des 45° que de la verticalité absolue... Et puis combien de pratiquants sont venus au parachutisme en regardant les exploits de Patrick de Gayardon à la télévision ?
En repoussant les limites de lextrême, on modifie également la mesure des standards en terme daccessibilité et de sécurité. Cela ne se limite pas à la wingsuit, bien évidemment.
Quelle drôle didée a eu Olav Zipser, il y a une dizaine dannée, de se mettre à chuter sur la tête ! Aujourdhui que serait le parachutisme sans le freefly... ?
Si les voiles écoles ou intermédiaires sont aujourdhui aussi performantes, cest aussi grâce aux progrès réalisés par les constructeurs sur les modèles et les prototypes hautes performances.
On peut même extrapoler bien au-delà de notre sport : dans les années 60-70, les dirigeant américains et russes se sont fait critiquer pour avoir investi des sommes démesurées dans la conquête spatiale. Aujourdhui, on en mesure mieux limportance des retombées. Tout comme nos "petits" exploits parachutistes de lan 2000, la conquête de lespace avait un sens au-delà de la gloire et de la beauté du geste : elle faisait rêver les peuples et créait des héros.
En 2005, sachons reconnaître nos idoles et noublions pas de rêver, ça fait (encore) partie de la vie...
Toute léquipe de ParaMag
se joint à moi et vous présente
ses meilleurs voeux de nouvelle année.
Bruno Passe