Départ en tandem au-dessus de la banquise durant l'expédition de 1999. La photo (surtout en chute) reste un exercice très difficile sur le Pôle Nord... Celle-ci a été réalisée en relief par François Chopy avec un équipement spécial.

"Célébration de l'événement" avec une bouteille d'Armagnac, à l'intérieur de l'hélicoptère MI-8.
De gauche à droite : Victor Boev, Ivgini Bakalof et Mario Gervasi.



À Khatanga, ville située à l'extrême Nord de la Sibérie, les participants s'acclimatent à la vie arctique. Les Caribous sont utilisés pour le transport en traîneau.



Avec de faibles moyens, Mario réussit à organiser une forte symbolique : Les enfants de l'école de son village (Saizerais, près de Nancy) ont dessiné un "drapeau pour la paix" à déposer au Pôle Nord. Les enfants de l'école de Khatanga (extrême Nord de la Sibérie) se sont associés à l'école de Saizerais en apposant leurs mains sur le drapeau. Mario a amené le drapeau sur le Pôle Nord



Les messages de paix
sur le Pôle Nord

Kofi Annan, le Secrétaire général de l'O.N.U.
Boutros Boutors-Ghali, Secrétaire général de la Francophonie
Walter Schwimmer, Secrétaire général du conseil de l'Europe
Boris Trajkovski, Président de la république de Macédoine
Koïchiro Matuura, Directeur général de l'U.N.E.S.C.O.
Jean-Pierre Boyer, Secrétaire général de la Commission nationale française pour l'U.N.E.S.C.O.
Patrick Baudry (spationaute) et Vladimir Soloviev (cosmonaute).



Poste de pilotage du MI-8.



Vue d'ensemble de la base Bornéo avec les 2 hélicoptères MI-8.



Atterrissage difficile pour l'Antonov sur la piste de glace de la base Bornéo.



Thomas Trautmann équipé (engoncé !) dans sa combinaison ailée pour sauter sur le Pôle Nord : la boisson énergétique est bienvenue !



Le premier "homme-oiseau" a volé sur le Pôle Nord !



Thomas Trautmann

Trente cinq ans, débute le parachutisme en 1987, a plus de 1000 sauts, instructeur, 7 années de compétition en V.R.4, il réside actuellement en Irlande.
http://hometown.aol.com/npskyflyers


La Crèche de Bethlehem
Il faut 50 000 dollars pour reconstruire les écoles, les maisons détruites durant les récents évènements à Jérusalem et donner une chance aux enfants. C'est pour réunir une partie des fonds que Thomas a eu l'idée de ce vol en combinaison ailée.
http://www.multimania.com/creche


Depuis 1991, il ne se passe pas une année sans qu'une ou plusieurs expédition(s) russe(s) amènent des parachutistes au Pôle Nord et nous avons eu l'occasion de publier de nombreux reportages sur ce sujet (voir encadré Bibliographie). Le record d'affluence a sans doute été battu en 1995 avec 135 participants à l'expédition. Cela a bien changé depuis, deux expéditions ont été organisées cette année, mais l'une était exclusivement composée de sept parachutistes et l'autre comportait essentiellement des skieurs plus deux tandems et deux chuteurs, dont un équipé d'une combinaison ailée.

      Par Bruno Passe


e mois d'avril est le plus propice pour sauter sur le Pôle, c'est la période de l'année où les conditions météo deviennent plus favorables et où la banquise peut encore supporter la mise en place d'un petit aéroport de glace, à quelques heures de vol du pôle géographique. Plus tard dans l'année, la glace épaisse commence à se trouer dangereusement.

Mais avant d'être très froid, le Pôle Nord est surtout très loin : pour l'atteindre, il faut entreprendre un long voyage avec une logistique russe et tout ce que cela représente.

Tout commence par quelques jours à Moscou et ses incontournables visites touristiques. Puis, avec les moyens de l'armée de l'air russe, les participants quittent la capitale pour Khatanga, ville située à l'extrême Nord de la Sibérie, où ils peuvent s'acclimater à la vie arctique. L'expédition continue avec un vol pour Sredney Island où se trouve une base militaire implantée à 1 200 km au sud du Pôle Nord. La dernière étape est l'aéroport de glace du camp Bornéo, sorte de camp de base arctique où les Russes installent une piste. De là, des hélicoptères MI-8 emmènent les membres de l'expédition sur le point géographique du Pôle (déterminé par G.P.S.) pour une séance de sauts sur la banquise. Normalement, la durée intégrale du voyage est de deux semaines dont trois à cinq jours sur la banquise.


Mario Gervasi est porteur des premiers courriers parachutés à la fois sur le Pôle Sud (1er janvier 2000) et sur le Pôle Nord (20 avril 2002). Il en existe 500 exemplaires en tirage limité (forcément !) disponibles auprès de : Pierre Giroux - Verticale Pôle - 3 Bd Chanoine Kir - 21000 Dijon - France.

Il n'en fut pas ainsi cette année car le mauvais temps était de la partie et la fonte prématurée de la glace a rendu très difficile l'utilisation de la piste installée sur la base Bornéo. Les participants ont pu ainsi vérifier que le réchauffement de la planète n'est pas une invention de journalistes...

La première expédition à avoir sauté était composée de sept parachutistes : trois Russes, deux Indiens, un Macédonien et le Français Mario Gervasi. Ce dernier est bien connu de nos abonnés, il a déjà sauté trois fois sur le Pôle Nord (1995, 1996 et 1998) et une fois sur le Pôle Sud (janvier 2000), toujours en compagnie de Jean-Claude Lafaille qui n'a pas pu participer cette fois-ci.

Les deux parachutistes lorrains ont constamment cherché à donner une dimension symbolique à leurs exploits, Mario Gervasi nous explique le but de l'expédition 2002.

"Le Pôle Nord est l'endroit idéal pour expédier un message, car tous les fuseaux horaires y passent... Après avoir séjourné quatre mois en Macédoine dans le cadre d'une mission internationale de maintien de la paix, j'ai choisi de porter plusieurs messages de paix que les parachutistes ont lus au Pôle Nord. J'étais accompagné du Macédonien Victor Boev, porteur d'un message de paix du président de la république de Macédoine. Dans le cadre de la décennie internationale de la non-violence et d'une culture de la paix au profit de l'enfant, décidée par l'O.N.U., j'ai emmené moi-même d'autres messages (voir encadré), dont celui de Kofi Annan (secrétaire général de l'O.N.U.) et celui de Boutros Boutros-Ghali (secrétaire général de la Francophonie)."

Initialement prévu le 15 avril, le saut a été retardé au 20 en raison des mauvaises conditions météo. En fait, les parachutistes ont sauté dans une accalmie entre deux cyclones, alors que la température était exceptionnellement froide pour la saison : - 30 à - 36 degrés au "sol" (au niveau de la mer, sur la banquise...), sans vent. Il n'y a pas de contradiction avec le réchauffement de la planète évoqué plus haut, les conditions climatiques changent très rapidement sur les pôles. Dès que le vent se lève, ou dès que l'on monte en altitude, cela donne des températures bien plus négatives. Quelques minutes sans les gants et les doigts sont gelés.

"Cette expédition est devenu une vraie galère. D'habitude, une expédition comme celle-ci prend une dizaine de jours. Là, nous sommes partis plus de trois semaines, le voyage retour ne s'est pas déroulé comme prévu et mon visa a expiré. Les difficultés ont été nombreuses, principalement à cause des conditions climatiques. Par exemple, l'entretien de la piste Bornéo est très délicat, les Russes surveillent l'épaisseur de la glace sur les infos satellite. À cause d'une cassure dans la banquise, la longueur de la piste était réduite d'un tiers et l'Antonov s'y est repris à trois fois avant de pouvoir se poser... Mais l'expédition est un succès : je ramène plus de 14 heures de vidéo qui viendront compléter la réalisation du film 'L'Odyssée Blanche' réalisé par Ere Prod, qui retracera nos aventures polaires, du nord au sud. Durant le saut sur le Pôle, j'ai filmé mon collègue indien de Bombay qui, comme sur le Pôle Sud en 2000, a déployé sous voile un énorme drapeau, porteur lui aussi d'un message de paix sur le monde. Nous avons été largués à 3 000 mètres et malgré le froid nous avons ouvert haut pour faire voler le drapeau. Après l'atterrissage, la fenêtre météo n'était que de deux heures et demie avant l'arrivée de la deuxième grosse perturbation. Nous avons eu le temps de lire tous les messages de paix (voir encadré) puis de les enfouir dans la neige. J'ai également rendu hommage à notre ami Jean-Claude Pequet, qui avait participé à l'expédition de 1996 et qui est décédé l'an passé. J'ai largué une partie de ses cendres avant le saut et j'ai déposé une autre partie au point zéro du Pôle Nord. J'avais également emmené un drapeau pour la paix, réalisé par des écoliers de mon village de Saizerais (près de Nancy) afin qu'il soit déposé au Pôle Nord. Durant le voyage, je l'ai montré à des enfants Inuits de l'école de Khatanga et ils se sont associés à l'opération en dessinant leurs mains à côté de celles des jeunes Français."

Il faut préciser ici que même s'ils sont parfois soutenus par divers organismes, les deux parachutistes français financent eux-mêmes la majeure partie de leurs expéditions polaires, qu'ils préparent et effectuent sur leurs temps de loisirs.

Deuxième expédition

Quelques jours après cette première expédition parachutiste, un autre groupe composé essentiellement de skieurs et de 6 chuteurs allait également tenter l'aventure. Pour eux, les conditions météo furent également très difficiles et le saut a bien failli ne pas avoir lieu. Parmi eux se trouvaient quelques parachutistes dont Thomas Trautmann, un Allemand qui voulait tenter une première sur le Pôle avec un vol en combinaison ailée. Lui aussi comptait utiliser la symbolique des fuseaux horaires pour "faire le tour du monde" en volant quelques secondes sur une trajectoire circulaire, dans le but de collecter des fonds pour la crèche de Bethléem. Voici son récit.

"Départ de Dublin le 15 avril. Arrivée à Moscou le 15 au soir. Nous avons eu deux jours pour visiter Moscou et la Cité des Étoiles (grand moment d'émotion). Finalement nous avons pu partir le 18 par un vol commercial car notre avion-cargo a été pris par quelqu'un d'autre (les joies du trafic à la Russe...). Le vol nous a emmenés à Norilsk où nous avons dû passer une nuit (dans un dortoir juste en face de l'aéroport car nous n'avions pas le droit de pénétrer dans la ville fermée) avant de pouvoir rejoindre Khatanga, au sud de la presqu'île du Tamyr. Khatanga où nous devions rester quelques heures seulement et où nous avons finalement passé sept jours ! Sept jours à attendre une météo favorable, des avions disponibles et que la piste sur la banquise se rebouche après une déchirure dans la glace !"

"Toutes les conditions furent finalement réunies dans la nuit du 27 au 28 avril pour que les deux avions-cargos dont nous avions besoin puissent décoller en direction de l'île de Sredney pour un ravitaillement. 2h30 pour atteindre Sredney, 15 heures à attendre pour la logistique avion et encore 3 heures de vol et la base dérivante 'Bornéo' est en vue. Sur les 1 500 mètres originels, il ne restait plus que 1 000 mètres de piste ! L'atterrissage sur la glace sur une distance aussi courte est un grand moment ! A ne pas faire tous les jours ! Il suffit de laisser 'tomber' l'avion dès qu'il passe la cassure et ensuite c'est 'debout sur les freins', roues bloquées en dérapage. À peine arrivés sur la base, il a fallu embarquer dans les hélicoptères MI-8 pour rejoindre le Pôle Nord. Après une rapide préparation, il m'a fallu enfiler une première combinaison en polaire, un pull, une veste de ski, une balaclava, des sous-gants, des gants et enfin des lunettes de ski avant de pouvoir me glisser dans ma WingSuit. Au moment de décoller, les Russes ont demandé à mon cameraman de quitter l'hélico car il n'avait pas de parachute (on espérait des images depuis l'hélico !)."


Les 6 parachutistes de la deuxième expédition après l'atterrissage sur le Pôle Nord.

"Bien que fortement engoncé et gêné dans mes mouvements, je suis prêt à voler. L'hélicoptère prend son envol pour un premier largage à 1 800 mètres (un individuel et deux tandems), puis il monte à 2 500 mètres où je vais être le seul à sauter. La porte s'ouvre, il fait frais (dans les -30) mais c'est supportable. Tout en bas, je distingue vaguement les drapeaux qui indiquent le Pôle Nord géographique... Et c'est parti... Je déploie mes ailes, la combinaison commence son vol tout au sommet de la terre. Un long vol en cercle me permet de faire le tour du monde ! Pour la première fois, une WingSuit vole au-dessus du Pôle Nord. Le vol en combinaison a duré 44 secondes avec une vitesse de descente de 130 km/h (performance moyenne, mais avec les entrées d'air des bras bouchées et le look bibendum, c'est pas trop mal). Dessous moi s'offre un paysage grandiose, de la glace à perte de vue, des crêtes de compressions, et le Pôle Nord. De savoir que je suis seul là-haut me donne une sensation nouvelle et délicieuse. 1 000 mètres, il est temps de se préparer à ouvrir, en espérant que les gros gants de montagne vont me permettre de trouver le hand-deploy... Oui ! Ma Spectre 135 s'ouvre délicieusement bien et c'est le retour sur la glace, juste à côté du Pôle Nord. Le temps de faire des photos et des tas de pensées m'envahissent ! Ce saut fut fantastique, le plus beau de ma vie ! Je regarde le ciel et commence à pleurer de joie ! Je suis heureux et espère que ce saut apportera un peu de rêve aux enfants de la crèche ! Leur démontrant que si l'on s'en donne la peine, on peut tout réussir ! Et que les images vont leur donner du rêve !"

"Il m'a fallu une bonne heure pour me calmer !"

"Ensuite nous avons passé trois jours sur la base dérivante à attendre le retour d'autres expéditions. Retour avec notre avion-cargo surchargé (qui a bien failli ne jamais décoller et rester dans la glace du bout de piste). Encore quelques jours à Khatanga pour espérer trouver un avion de retour vers Moscou."

"Ce saut est dédié en premier aux enfants de la crèche de Bethlehem, et aux miens, à ceux que j'aime et sans qui je ne pourrai réussir, en espérant qu'ils me pardonnent mon aveuglement et veuillent bien continuer de rester à mes côtés."

"Je tiens à remercier mes partenaires : AOL (pour son soutien), Red Bull (pour sa boisson lors des entraînements et du saut) et Performance Design (pour sa participation). Je travaille déjà sur le prochain projet !"



Bibliographie

Articles déjà parus dans ParaMag sur le même thème :
L'enfer au paradis blanc (Pôle Sud) - Mars 2000 -n°154
Pôle Nord 99 - Juin 99 - n°145
Pôle Nord 98 - Juin 98 - n°133
Pôle Nord 96 - Juin 96 - n°109
Pôle Nord 93 - Juillet 93 - n°74
La découverte du Pôle Nord en tandem - Juillet 91 - n°50



181 juin 2002