Il faut savoir que la coupe du monde de skysurf, à l'inverse des autres disciplines comme le vol relatif et le freestyle, revêt peu d'importance pour les meilleurs surfeurs déjà concentrés sur le circuit pro. Qui était le meilleur skysurfeur du monde à Evora ? L'interrogation demeurera aussi lancinante que les voiles qui ont claqué pendant 10 jours au-dessus de nos têtes. Il fut un temps où les choses en skysurf étaient plus simples. Depuis la scission entre compétitions "amateurs" et "circuit pro", le diable rôde autour de la planche et il en veut à nos champions. Longtemps dominés par la France, les États-Unis étaient alors relégués à l'état de petit pays, comme la Suisse. En ces temps les meilleurs n'étaient pas contestables et pas contestés.
J'avais pensé du mal de ces compétitions qui n'en sont pas vraiment, sous l'égide de la F.A.I., vieux dinosaure aux règlements et jugements appartenant à la protohistoire du parachutisme, alors que tout comme dans la boxe apparaissent 2 autres organisations de compétitions professionnelles. Je me rétracte, car le tirage au sort entre les meilleurs skysurfeurs vivants est une façon de rendre la justice. La donne change ainsi tout le temps en compétition, selon avec qui vous faites "ami-ami".
Au Portugal, en l'absence des meilleurs surfeurs du monde pour cause d'un règlement détraqué, la partie s'est limitée à un banal conflit entre Européens : exit Troy Hartman, le préretraité de 25 ans, et surtout le surdoué Sean Mac Cormak, inventeur du "Free fly the board" qui représente Perris Valley, étaient présents Furrer pour Eloy, Klaus pour Elsinore et plusieurs couples pour Titusville. L'inflation des enjeux financiers a inauguré une ère de sponsoring dont profitent les meilleurs européens mais qui infiltrent aussi les jurys parfois. Aujourd'hui les juges s'en arrangent, le skysurf est une sorte de jeu de hasard où on transfère aux dieux la responsabilité de savoir qui avait tort ou raison. Si seulement les compétitions de skysurf de la F.A.I. restaient une loterie à laquelle on prend un ticket, mais le problème est qu'il faut montrer patte blanche auprès de sa propre fédération pour s'y inviter. À Evora la partie était d'autant plus tronquée que l'affrontement entre les meilleurs surfeurs était rude, rien n'a vraiment départagé les 4 meilleurs techniciens du moment parmi les 17 équipes présentes. La roue de la fortune a ainsi tourné pour Oliver Furrer qui tente de remonter une pente très savonneuse, celle qui suit l'après-gloire en Turquie (championnat du monde 1997) où il avait gagné un titre de champion du monde en l'absence de beaucoup. Il ne possède ni la classe ni le charisme d'un Rob Harris ou d'un Deug qui l'ont précédé et dont les trajectoires fracassées ont échappé à nos visions de terriens.
Quant à sa conception du "free surf", elle doit tout à l'incomparable Sean MacCormak, qui a révolutionné la discipline, et à l'apport évident de Knut Krecker. Pour le Suisse l'or s'est transformé en argent, les rires en pleurs, la gloire en doute, il n'a pas perdu la médaille d'or, il a gagné celle d'argent. Et pas le moindre compliment à offrir au vainqueur, il ne veut pas imaginer qu'il est déjà en train de passer le témoin.
Valery Rozov est médaillé de bronze à 33 ans, c'est un parcours atypique pour ce grimpeur de bon niveau arrivé tard au parachutisme. Le Russe incarne une certaine beauté raffinée du surf, il possède un physique longiligne, léger, puissant et d'énormes qualités gestuelles. Sans aucune imagination cependant, Valery s'est toujours contenté de reproduire ce que font les autres. Longtemps le "clone" de Bob Greiner, il ne se soucie pas d'innover puisque son style lui a suffit pour gagner les X Games cette année, en partie il est vrai grâce au vétéran Clif Burch qui avait déjà tout gagné avec Bob. Privé de Clif et de ses fameux tonneaux à 720 degrés ainsi que de son vol inversé, Valery choisit, pour des raisons "politiques", de représenter le para-club de Moscou et de sauter avec Oleg Kniajev qui le filme dans le style le plus académique possible, limité mais efficace dans le registre que l'on peut qualifier à présent de "classique", c'est-à-dire sans incorporer de freefly avec le surf. Stefan c'est le petit jeune qui monte. À 22 ans il était déjà vice-champion l'an dernier en Turquie, où il reconnaissait avoir trompé les juges pour sa première apparition en compétition internationale alors que sa vraie place sur le papier était quatrième ou cinquième. Il ne fait pas de fautes mentales, il est très brutal mais dégage une certaine force, il faut s'appeler Klaus pour aller si loin dans un tel désordre. Son vidéoman Christian Schmid n'a pas été un modèle de technique, en manque d'entraînement et de compétition. Il nous avait habitués l'an dernier avec Oliver à ne rien perdre en chemin, il avait toujours une position idéale dans l'air et cette année il a fait quelques fautes, notamment de réception, l'impression qu'il devait y avoir un arrêt sur image. Dommage, s'il avait été plus délié il aurait canalisé les sauts de Stefan. Au lieu de cela il a donné l'impression qu'il était parfois perdu dans les airs, juste par manque de symbiose. C'est la pire sensation que l'on puisse faire ressentir à l'image, celle de sortir du tambour de la machine à essorer les sensations ! Évidemment je ne suis pas arrivé au "presque" degré de fiabilité d'une machine en me frayant un chemin dans la foule des hasards. L'automatisme et la maîtrise de chaque saut viennent d'un entraînement à répétition, plus de 1 700 sauts en 10 mois, en m'entraînant plus que le plus stakhanoviste des surfeurs. En Floride, à Titusville, j'ai respiré, mangé, et vécu uniquement pour le skysurf. Mon monde s'est arrêté à l'espace clos d'un centre de parachutisme, dont les gens qui le peuplent vivent un skysurf sous le pied. J'ai pensé sauts 24 heures sur 24.
En compétition, je me suis juste débarrassé au
plus vite du fardeau que sont les imposés des compétitions
F.A.I., complètement dépassés et sans intérêt,
cela aurait pu me coûter la victoire. Sur les libres j'ai voulu montrer
que j'étais toujours là, en renversant la plupart de mes
sauts tête en bas, j'ai aussi renversé certains pronostics
avec je crois l'art et la manière, en truffant les sauts de difficultés
techniques et de combinaisons destinées à retenir la considération
de la tribu. Une bravade aux juges qui jusqu'ici ne m'avaient jamais reconnu
dans ce style, on peut aussi s'interroger sur le sérieux d'une discipline
où on peut être champion à 39 ans...! Selon moi, le
meilleur surfeur du monde était absent, il est Américain,
il s'appelle Sean Mac Cormak et il ne se déplace pas pour un telÉ
événement !!
Quant au clan français qui alignait 2 équipes, ils n'ont
pas pu complètement décoller de leur planche. Paul Coque,
look de Deschiens, l'anti-look étant encore une forme de look, dénote
tellement que pour les notes, c'était plutôt le tableau de
lamentation! Il n'empêche qu'il a eu le mérite de venir en
finissant devant certains représentants nationaux qui n'avaient
visiblement pas leur place dans un championnat régional !
Les scores de Marc Groleau en imposés sont dans le "moule" des tout bons. Évidemment en libre, contre les "pros", il est resté en retrait, mais pourtant il n'y a pas de raison de s'inquiéter de l'avenir de ce jeune prometteur. Il en est de même pour Steeve, son cameraman. Cette équipe démontre parfaitement que leur passion, l'un pour le surf et l'autre pour la vidéo, n'a rien d'artificiel. Il n'y a qu'à observer la lueur dans leurs regards lorsqu'ils en parlent pour comprendre que, plus qu'un loisir, plus qu'une passion, cette discipline est une profession de foi.
À la 7ème place on trouve le plus français des Belges, Cédric Dumont qui a la rude tâche de faire oublier Marc Sluzny. Cédric a progressé dans tous les domaines et il a la délicatesse de sauter avec le meilleur cameraman français ayant relevé le challenge de suivre du surf au pied levé : Sylvain Turina, ex-membre du VR-8 France, qui peut filmer dans toutes les positions. Résultat concret pour un début, plus que 6 équipes à battre ; en attendant pour vos vacances à Ampuria, je vous recommande l'école de freefly Babylone !
Il y avait plusieurs surfeurs chez les hommes à apprécier le classement féminin... La raison évidente étant que Viviane Wegrath est capable de battre n'importe lequel d'entre nous. À vaincre sans péril dans sa catégorie, elle triomphe sans gloire mais évite surtout les ennuis quand elle vole avec Markus Heggli qui allie le style classique et le freefly à juste dose. Cette femme n'est pas un homme comme les autres, mais grâce à son physique elle peut réaliser un skysurf musclé, avec des combinaisons de sauts interdites aux autres femmes.
En plus de son bagage technique, arrivé directement de Titusville, Viviane est incontestée chez les femmes depuis 3 ans. Elle ne s'est pas faite prier pour jouer les grandes du haut de ses 180 cm, à côté d'elle les 6 autres, avec leur format de poche, ressemblaient à de petites filles. Elle a empilé les doubles twists et les combinaisons vertigineuses tel le fameux "eagle" comme d'autres filles enfilent les perles. Elle a fait un bout de chemin depuis 93 où son style me faisait penser à celui d'une prof de snowboard qu'elle était à l'époque. Tanya Garcia, deuxième sur son balais, n'a de considération que pour ses libres. Du haut de ses 155 cm, elle est l'incarnation modèle du système américain qui délaisse les compétitions F.A.I., et son rêve tient éveillé à une rondelle d'argent autour du cou. Auparavant Tanya s'était élancée pour ses programmes libres avec un sourire style Hollywood, long et régulier comme un écran de pub de la chaîne C.B.S.. Elle a pensé à ajuster ses mains dans les loops twistés et n'a pas oublié de replacer son corps minuscule entre deux mouvements. Elle est complètement américaine dans sa manière de surfer.
L'Allemande Judith Graile termine troisième, en partie grâce à Christian Schmid, encore lui, et réalise un transfert technique qu'elle a emprunté à un niveau de freestyle déjà bien performant si on observe sa quatrième place dans cette discipline. Ce podium semblait correspondre à la vérité du terrain. À remarquer Marta Ferreira, quatrième au final, véritable "bout de chou" qui chausse du 34 fillettes dans son skysurf, avec ses retenues, ses pudeurs et sa grâce intérieure. Marta, princesse endormie qui est encore un peu indolente, a vécu un conte de fée pour adolescente, avec son sourire Colgate et son regard de Lolita. Elle était venue en touriste l'an dernier aux championnats du monde en Turquie, sa grâce était inexistante, ses sauts étriqués et ses pirouettes-cacahouettes plutôt toupie de poche. Depuis la fée Carabosse qui l'a entraînée à Titusville sous le nom de Bob Greiner l'a transformée, pas seulement d'un coup de baguette magique, mais aussi avec 300 sauts de plus.
Si Nicolas Arnaud échappe à toute définition pour finalement récolter, après 5 ans de compétitions internationales, les honneurs et les récompenses c'est parce qu'il possède sans doute ce qu'il y a de plus rare : la classe et un cameraman du nom de Tzifkansky. 5 ans, c'est long à l'échelle d'une vie de compétiteur, mais ça permet d'acquérir la maturité. Nicolas n'est plus le petit jeune de 15 ans qui monte, il est là tout simplement, là où tous l'attendaient, surtout ses parents et la fédération à qui il doit beaucoup, mais aussi Parachutes de France, qui lui a fait confiance depuis longtemps, le Centre d'Avignon et tous ses amis, ils sont nombreux. Dans cette guerre des étoiles entre Nico et Omar, rien n'était fait d'avance mais Nicolas était un adversaire provoquant et qui possédait dans son arsenal l'arme totale : le quadruple twist dans le loop. Mais une supériorité technique seule ne suffit pas face à un adversaire aussi talentueux et rodé que Omar. Depuis ses débuts en 94, Omar a presque toujours figuré au plus haut de la marche lors des championnats du monde de freestyle, il n'est pas seulement un excellent freeflyer. Le mélange des genres chez Omar est détonnant ! Nicolas 98 a rajouté le mouvement et l'expression artistique à l'aventure périlleuse des 3 rotations dans le loop qu'il maîtrisait déjà en 97. On était nombreux à se réjouir de sa victoire, à commencer par Omar lui-même, beau joueur devant ce crime de lèse-majesté ! En jouant comme toujours la carte de la séduction, du non-conformisme, sans parler de l'attachement aux valeurs nationales, en s'associant avec Claude pour une équipe franco-française, Nico n'est pas passé à côté d'une médaille méritée.
Omar m'a tué, moi et les autres, par sa compétence et sa décontraction, venu avec peu d'entraînement et doublant les sauts en filmant du skysurf dans un style impressionnant, cet homme-là sait tout faire ! Omar a montré qu'il avait l'omniprésence, qu'il était incontournable. Princier quand il gagnait, il a su être royal dans la défaite, cela c'est le véritable fair-play, la sportivité ce n'est pas seulement quand on gagne. Omar est un artiste, on l'a découvert dans l'espace, d'abord sa plage de vitesse, mais aussi le côté explosif des figures avec toujours une réception coulée, magie de ses sauts et illusion de plaisir. Co-inventeur du "free flight", Omar a démontré (s'il en était besoin) que cela fait longtemps qu'il n'est plus le faire-valoir d'Olav Zipser à qui on a toujours voulu l'associer, un joli monde au demeurant. Le style d'Omar aspire à être pur, il y a un désir évident d'éblouir, d'épater, d'accumuler. Il lui a manqué le sans-faute de Greg Gasson, en mal d'entraînement, car sa technique personnelle est bonne. Greg avait mis en valeur et modernisé Dale Stuart l'an dernier, malgré tout il peut être fier d'être au rendez-vous avec les maîtres de la caméra, donc parmi les siens.
La surprise est venue à la troisième place, de Chris Rimple, un jeune semi-retraité de Microsoft, millionnaire en dollars, entraîné à Eloy par sa Majesté Dale Stuart, et fort de ses 1 800 sauts en 12 mois. Il a brossé un tableau harmonieux, mature, sensible avant de se faire saquer par les juges. Pour une deuxième apparition il a montré qu'il n'était pas un froid calculateur, certes le style inspiré de Dale Stuart présente un genre un peu féminisé qui à priori n'est plus dans la tendance. À suivre quand on sait qu'il a la chance de maîtriser 3 facteurs capitaux : l'argent, l'engagement et la motivation, outre le gain (non financier celui-là) que lui apportera l'expérience des grands rendez-vous. Sa technique est perfectible car malgré son âge c'est un jeune free styliste. Son videoman Grant Heatherington a fait du presque parfait.
En quatrième place, l'Israélien Boaz Goren pointe parfaitement le bout des pieds sur les imposés mais manque de variations sur les libres.
À l'exemple de l'équipe joliment nommée "Inverted", la joie communicative de la suissesse Karin Shwab, rayonnante en l'air et encore plus en découvrant ses notes, et la magie de la première place. Cela restera l'un des moments précieux de la coupe du monde, moment qu'elle partagera avec Karsten Dieck, son partenaire allemand depuis 3 saisons. Elle s'est construite son monde, très proche de Lewis Caroll, elle pouvait dire après ce titre nouveau pour elle : "Cela m'a rappelé les anges, les nuages et le sentiment de voler".
Elle venait de planer haut avec des notes aériennes : 18/20 en artistique. C'est sûr, il y en a qui vont dire que Dale n'a pas encore été égalée, que ce n'est pas sérieux une compétition réduite à 6 représentantes. Pas crédible, mais que voulez-vous puisque c'est la meilleure. Elle a une telle décontraction en l'air, pureté des mouvements et harmonie du corps, elle a fondé essentiellement son travail sur l'artistique, et elle sait jouer subtilement sur toute la gamme de la séduction.
Derrière elle une toute jeune Italienne et déjà ancienne gymnaste en équipe nationale, d'une grande souplesse : Simona Minardi est un de ces produits comme seul le pays du cheval cabré nous en offre régulièrement. Elle ponctue plus qu'elle ne saute, ce n'est pas aussi coulé, un manque de technique encore avec seulement 600 sauts, elle a "freestylé" en nous faisant oublier que dans freestyle il y a artistique, en accord aussi avec la réalité qui parle performance, technique, vitesse, énergie, phénomèneÉ
Une mention plus qu'honorable à Emmanuelle Célicout et Arno Fletcher. Manu, seule représentante française, décroche une troisième place prometteuse, son incroyable puissance et sa tonicité sont 2 atouts pour appliquer le style de sauts qu'elle a choisi et que certains garçons ne parviendraient pas à enchaîner. Elle possède un physique au-dessus de la moyenne des autres filles et il ne lui manque que le nombre de sauts à venir. Elle peut aller loin dans la compétition, et donc aussi, attention, dans la "clochardisation".
L'équipe de France de freestyle K-Ramba, composée de Claude Tzifkansky et Nicolas Arnaud tient particulièrement à remercier :
- La Fédération Française de Parachutisme pour
sa confiance et son soutien
- Parachutes de France SA
- Rigging Innovation
- Performance Designs
- Duff Skydiving Service
- Arnette Optic Illusion( Yann Dieng)
- Les centres de : Pujaut, Pau, Gap, Ampuriabrava
- Ainsi que Ben Serrell, Laurent Bouquet, l'unique et irremplaçable
Antoine Belda
- nos plieurs : Gilles, Thibaut, Alex, Sam, Fred et Julien.
Et tous ceux que nous avons oubliés.