Même sur l’eau, une erreur de pilotage
peut se payer au prix fort.



Lorsque le trafic sous voile est important,
la sécurité est l’affaire de tous.



Jolie démonstration de pilotage extrême
par l’équipe américaine Xaos,
à Kapowsin Air Sports, état de Washington.



"Le but du Brevet C est de prouver qu'un brevet B est désormais capable de se poser en sécurité hors de son terrain habituel."





SURFACE MINIMUM
DE VOILE AUTORISEE
ATTENTION : Chaque changement de voile doit s'accompagner d'une information spécifique et être notée sur le livret de progression ou le carnet de saut
Masse du pratiquant
(non équipé)
Moins
de 60 Kg
De 60
à 69 Kg
De 70
à 79 Kg
De 80
à 89 Kg
De 90
à 99 Kg
Plus
de 100 Kg
Du 1er saut à
l’obtention du brevet B
210 230 260 290 290
titulaire du brevet B
(moins de 100 sauts)
190 210 230 260
brevet B (plus de 101 sauts) a l’obtention du brevet C 170 190 210 230 260
titulaire du brevet C (moins de 500 sauts) 150 170 170 190
titulaire du brevet C (plus de 500 sauts) Moins de 150 sauts par an* 130 150 210 230
titulaire du brevet C (plus de 500 sauts) Plus de 150 sauts par an* La diminution de surface de voile doit s’effectuer de manière progressive et être précédée d’une évaluation spécifique
Le directeur technique se réserve le droit d'interdire l'emploi de certaines tailles de voiles en fonction des spécificitées de sa plateforme et de la compétence du parachutiste ° 0n veillera à utiliser une voile de secours d'une surface compatible avec la voile principale.
*Nombre de sauts réclamé uniquement dans l'année précédant l'obtention de la qualification spécifique





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officiel de la FFP


                                            Par Guy Sauvage


a France est un pays paradoxal : on y prône volontiers tout autant la liberté individuelle d'agir que l'on agit de manière à créer des limitations à cette dernière. Une chose amenant l'autre, il n'est donc pas étonnant que les réformes voulues par les uns puissent titiller les gènes gaulois des autres, et rien qui ne serait donc hors de la norme si de possibles réactions naissaient. En effet, un avocat du Diable peut y voir là une nouvelle entaille faite à un espace de liberté dont le parachutisme se veut être un des plus prestigieux co-propriétaires parmi d'autres activités dites "à risques". Et puis après tout, se tuer pour avoir voulu flirter d'un peu trop près avec l'extrême, n'est-ce pas la conséquence éventuelle d'un choix personnel de vie ? Mouuais, on peut dire cela. Mais voilà : on ne se tue pas toujours seul lorsqu'on engage un 180° en plein trafic. Vu sous un autre angle encore, il n'est pas discutable que les DT se passeraient volontiers de la liberté d'accompagner les pompiers à chaque atterrissage dramatiquement raté. La liberté de mourir des uns s'arrête donc où commence la liberté de vivre des autres, et une telle réforme devait immanquablement s'inscrire un jour ou l'autre dans le PPF (*).

On peut tout de même se demander si cette stratégie de réforme nécessitait autant de tintouin, puisque les outils de la sécurité existent depuis longtemps en la personne des directeurs techniques. En amont, ces derniers ont en effet depuis la nuit des temps la compétence réglementaire pour exiger et vérifier l'enseignement dispensé aux débutants par les moniteurs placés sous leur autorité. En aval, ces directeurs techniques ont toujours eu la possibilité de sanctionner à leur première incartade ceux qui ne sont plus des débutants ou qui pensent ne plus l'être. Mais on peut voir les choses autrement : la création de ces nouvelles lois peut trouver sa justification dans le désir fédéral de renforcer, voire de recréer l'autorité de ceux que l'on nommait, à juste titre, les "chefs de centre", leur offrir un parapluie de haut niveau propre à les protéger des inévitables remous de la clientèle frondeuse. Tous sont-ils prêts à remettre en cause et de gaîté de coeur la qualité perfectible de leur école de début ? Leur gestion perfectible des comportements dangereux ? C'est à voir, car tout DT qu'ils soient, les DT sont parachutistes... et Français, et nous le verrons puisqu’ils s'exprimeront sur ce sujet lors de la prochaine Convention qui se tiendra à Vichy durant le dernier week-end de ce mois de janvier.

En attendant, Jean-Michel Maheu, membre de la Direction Technique Nationale et ci-devant responsable du projet, a bien voulu répondre aux questions de l'avocat du Diable. "JMM" a été Entraîneur National de 82 à 86, DTN-Adjoint de Christian Bernachot de 86 à 89, et DT du Centre de Nouméa en 94. Le Breton est un pur produit du Centre de Vannes (un lieu où le carreau à été élevé au rang de sainte auréole). Revenu à la surface après quatorze années de tour du monde, il s'avoue étonné de ce que "précision" et "atterrissage" soient presque devenus de "gros mots" (sic). Familier des focs et autres spinnakers, JMM a quelques idées à propos de la nécessité de larguer certaines amarres pour mettre les voiles de parachutes dans un vent nouveau.

(*) Paysage Parachutiste Français -NDLR-


Jean-Michel Maheu
INTERVIEW


ParaMag : Jean-Michel, tu es plongé jusqu'au cou dans cette réforme. Tu as engagé un service de protection rapprochée ?
Jean-Michel Maheu : Non non, je ne vois pas pourquoi je devrais acheter une cotte de mailles et une armure pour assurer une mission qu'on ma confiée, d'autant que cette réforme ne provoque pas la levée de boucliers qu'on dit !
PM : Eh bien allons-y, parlons d'abord de conduite de voile et de pilotage de voile. Quelle différence doit-on y voir dans le texte fédéral ?
JMM : Il suffit de penser à l'automobile pour situer les termes. La technique de la conduite, c'est ce qu'on est censé posséder après obtention du permis de conduire. Celle du pilotage, c'est celle qui est requise pour évoluer sur un circuit au volant d'une machine très rapide.
PM : OK. Passons à la philosophie de l'enseignement. Je lis qu'il faut "rétablir un cursus de formation spécifique à l’enseignement de la conduite et du pilotage de voile ". Rétablir : ça veut dire que ce cursus existait et qu'il est tombé en désuétude ?
JMM : Il faut bien constater que c'est le cas. Rappelle-toi, le milieu a vécu une véritable révolution à l'époque de l'arrivée des ailes, tout le monde avait plus ou moins la trouille de sauter avec les premières. Et pourtant, il n'y a pas eu beaucoup d'accidents, parce que la formation des moniteurs, puis celle des élèves était prise en haute considération. Alors, oui, on peut le dire, on a progressivement cessé de former sérieusement au vol sous voile. Il y a plusieurs raisons à ça, il y a eu une pression naturelle de la demande d'une formation rapide à la chute à laquelle on s'est empressé de répondre...
PM : ... Par intérêt purement commercial ?
JMM : ... en partie oui, et il y a aussi que former quelqu'un aux bases de la chute est infiniment plus rapide que de lui apprendre à conduire et piloter une voile. Là-dessus, les moniteurs qui n'avaient pas non plus été sérieusement formés à ce type d'école n'ont pas pu transmettre ce qu'ils ne savaient pas faire !
PM : Il y a donc un rapport avec ce que je lis plus loin là, on y parle de l'attitude et de "la maîtrise des moniteurs"...
JMM : Parfaitement, oui. Tous les moniteurs ne possèdent pas la maîtrise complète du maniement des voiles, c'est très inégal, et le fond de la réforme consiste aussi en une remise en question des enseignants qui ont parfois oublié qu'ils ont été des débutants. Dans l'immédiat, les nouveaux règlements sont surtout établis pour assurer un principe de précaution, c'est-à-dire éviter des accidents aux pratiquants qui n'ont pas été, ou mal formés.
PM : D'accord. Plus loin, à propos de la revalorisation des balises de progression, je lis que la formation au brevet A comportera des "notions sur l'utilisation de la voile de secours". Ce module peut paraître restrictif. Est-ce que l'acquisition de notions théoriques sur l'utilisation de la réserve est suffisante ? Pourquoi a-t-on depuis toujours fait l'impasse sur l'entraînement au maniement de sa propre voile de secours en situation réelle ?
JMM : C'est vrai qu'on évoque de temps en temps ce problème qui n'en est pas un. Les voiles de secours sont plus petites que les principales, et pourtant les statistiques montrent qu'on ne se blesse pas quand on les utilise. Ça tient à ce qu'on ne les utilise pas souvent, mais aussi, et surtout, qu'on est extrêmement prudent lorsqu'on est pendu dessous. Et c'est bien normal : une réserve n'est pas une voile de plaisir, donc on ne va pas s'y frotter !
PM : À ce même chapitre, mais cette fois pour la formation au brevet C, on parle d'une "information sur le posé en plané ". Est-ce que ça veut dire que l'enseignement du "flare" ne sera que théorique, alors que c'est précisément dans cette phase qu'une bonne technique est essentielle ?
JMM : Ne pas confondre : le but du Brevet C, c'est de prouver qu'un brevet B est désormais capable de se poser en sécurité hors de son terrain habituel, en démonstration par exemple, ou simplement sur un terrain de foot pour un Championnat de France. Techniquement parlant, on peut très bien se poser en plané sans "envoyer" dangereusement !
PM : Le programme d'évaluation annonce la mise en place réglementaire de la grille de choix pour le 1er février 2004, c'est-à-dire à la date de la prochaine Convention. Est-ce qu'on peut s'attendre à des demandes d'amendements de la part des participants ?
JMM : C'est possible que la nouvelle réglementation ne recueille pas que des approbations, et en avant-première, j'ai déjà reçu des coups de fil. Mais la plupart des questions des DT abordent surtout l'aspect relationnel, du genre "qu'est-ce que je fais avec Machin qui pèse son quintal et qui vient d'acheter une 110 ? ". Lorsque le processus de la réforme est expliqué tout va mieux, et cette clarification sera l'objectif principal des travaux de la Convention. Quant aux vendeurs de parachutes, ils vont être abrités derrière les nouvelles règles, ils n'auront plus à subir la pression des clients non encore aguerris qui veulent à toute force acheter une petite voile qui ne correspond plus à leur niveau.
PM : Au chapitre des dispositions particulières, je vois qu'une dérogation sera accordée à un maximum de 5 écoles, après dépôt des contenus de formation à la DTN, au plus tard le 1er février 2004. Cinq ? Pourquoi cinq écoles seulement ?
JMM : Parce qu'il s'agit d'une évaluation, parce qu'à l'évidence toutes les écoles ne sont pas matériellement et humainement équipées pour une telle évaluation, et parce qu'un trop grand nombre de contenus pédagogiques rendrait la synthèse difficile. N'oublions pas qu'au terme de cette évaluation c'est une seule méthode d'enseignement qui sera fixée et appliquée par l'ensemble des écoles.
PM : Bien. Admettons que le projet pédagogique de telle école soit validé. Dès lors, elle sera autorisée à permettre le "pilotage" d'un voile, dès le brevet B, et par conséquent autorisée à déroger à la grille de choix de surfaces de voiles. Qu'est-ce qui pourra justifier une telle dérogation ?
JMM : Rien d'autre que l'évaluation du DT par rapport à l'enseignement innovant que cette école aura été autorisée à dispenser.
PM : Finalement, pour parler concrètement, que doivent comprendre les titulaires des brevets C actuels ?
JMM : Ils conservent les avantages acquis. Ils doivent simplement faire valider leur compétence d'utilisation de leur voile actuelle sur leurs documents. Naturellement, s'ils veulent descendre en surface, ils doivent passer par la procédure.
PM : Brevets B ?
JMM : S'ils ont plus de deux cents sauts, ils peuvent postuler pour le Brevet C. Ils peuvent le faire jusqu'au 30 avril 2004 en bénéficiant de la phase de transition. Les DT vont donc devoir réfléchir à l'optimisation de leur responsabilité.

Comme on le voit, tout cela part d'un bon sentiment prévisiblement partagé, car personne ne peut raisonnablement contester l'urgente nécessité de "faire quelque chose". S'il y a débat, il aura lieu entre les partisans d'une réforme complète de l'enseignement et ceux qui pensent que les outils existaient déjà et que l'incitation à la rigueur de pratique (voire son imposition radicale) pouvait suffire à mettre un terme à l'hécatombe. À ces derniers, les premiers pourront répondre qu'il ne s'agit pas uniquement d'éviter les accidents, mais aussi d'offrir les moyens d'accéder aux plaisirs supérieurs autorisés par les voiles modernes avec une prise de risque minimale.

Mais y aura-t-il contestation déclarée ? Rien n'est moins sûr, sauf peut-être en provenance des petits centres qui n'auront pas les moyens d'offrir la gamme d'équipements nécessaires au respect d'un projet pédagogique très exigeant.

Qui vivra verra. Reste à savoir comment pourront être gérés les kilos acquis après un hiver riche en cassoulet, cette période où l'on frise parfois l'asphyxie en s'insérant dans la combinaison de l'an passé. Peut-être après tout sera-t-il judicieux de prévoir une voile de rentrée et une voile de pleine saison ?Peut-être ParaMag devra-t-il s'adapter à la réforme en publiant les recettes récurrentes des magazines féminins pour réduire vite fait l'horrible surcharge pondérale avant l'été ?

La dernière question que ParaMag n'a pas osé poser : la grille en question imposant la surveillance d'un bonne adéquation entre le poids du pratiquant et la surface des deux voiles, la puissance industrielle des fabricants de pèse-personne électroniques pourra-t-elle faire face à l'énorme demande prévisible ?



200 janvier 2004