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Hélicoptère équipé dune caméra wescam pour la prise d'image en chute.
Zone de pliage sur la plage d'Algeziras.
5h30, dernier contrôle avant le grand départ.
Dans lavion, c'est très long... On soccupe comme on peut !
Le grand saut approche, les visages silluminent.
Vol en direction de Gibraltar et de son célèbre rocher (dans le fond).
Les photos en vol ont été réalisées durant des sauts dentraînement à 25.000 pieds. Lors de la traversée, le vol était individuel et lemport dune caméra sur un casque nétait pas envisageable.
Les trois hommes volants tournent le dos à l'Afrique, après leur traversée réussie. De gauche à droite :
Toni Lopez, Alvaro Bulto et Santi Corella.
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Par Vincent Van Laethem
Différents stages ont été planifiés avec la force aérienne espagnole. La première étape fut une visite au caisson hyperbare du centre médical de Madrid, le but étant de vérifier laptitude des sauteurs à réaliser un vol à haute altitude et de montrer clairement à quoi ressemble une hypoxie. Il était primordial de bien cerner les risques encourus à une telle altitude. La seconde étape fut dédiée à laccoutumance aux procédures de saut à haute altitude et à la préparation du matériel spécifique qui sera utilisé. Lécole de parachutisme de la force aérienne nous a accueillis à Alcanteria dans son cours de formation pour chuteurs opérationnels. Pour la réalisation de ce projet, il ne suffit pas de monter haut et de se jeter de lavion ; à cette altitude, le moindre détail négligé peut devenir lourd de conséquences. Le manque doxygène et le froid augmentent les risques, il suffit de moins de 30 secondes pour tomber en hypoxie et ce à une température de -50 degrés, ce qui naide en rien. La préparation Les modifications nécessaires sont apportées au matériel, les harnais se voient dotés de poches latérales pour lemport des bi-bouteilles doxygène. Chaque jeu de bi-bouteilles fournit près de 20 minutes dautonomie, ce qui est suffisant pour le vol planifié. Les premiers sauts en configuration oxygène se font de Casa 209 à 18.000 pieds (environ 5500 mètres). Rien dextraordinaire, mais lemport du matériel oxygène provoque quelques doutes dans léquipe. Après une dizaine de sauts tests et autant de modifications, le matériel est enfin prêt pour laventure. Tout le monde est rassuré sur léquipement utilisé, les quelques doutes qui persistent seront dispersés avec lentraînement. Le rendez-vous suivant a pour but de monter plus haut en altitude, de développer les procédures avec les équipages des Hercules C-130 et de développer les procédures avec lunité qui sera responsable du largage à haute altitude. Cest avec la collaboration de lE.A.D.A. (Escadrille dAide au Déploiement Aérien) que nous réalisons les premiers sauts à 25.000 pieds. Ces professionnels du largage opérationnel ont pour mission de larguer de curieux colis. Durant ce stage, la météo nous fait des petits caprices, et nous devons nous contenter de quelques sauts à 25.000 pieds (environ 7500 mètres). Cest là que léquipe réalise que tous les détails ont leur importance, le matériel, léquipement, la météo, la condition physique, etc. Le premier saut à 25.000 pieds fut surprenant par sa durée, 4 minutes 30 secondes, cest long et la pression des ailes augmente au fil des secondes... Et le hand-deploy devient difficile à sortir de la pochette ! Lever les bras pour prendre les freins est aussi un vrai challenge. Nous arrivons au sol très essoufflés. Les sauts dentraînement continuent et heureusement lorganisme shabitue (un peu) à une telle contrainte. La coordination avec lE.A.D.A. devient facile, tout le monde parle le même langage. Cest avec un professionnalisme exemplaire que larmée mène sa mission de support quelque peu hors du commun : le largage dhommes volants... Nous quittons Empuriabrava le samedi au petit matin, direction le sud de lEspagne, avec pour but de reconnaître la zone de posé de Tarifa et ses alentours. À notre arrivée à Tarifa cest le "levante" qui nous accueille... Un gros vent local qui ne fait plaisir quaux kite-surfers. Les locaux nous annoncent que le vent est prévu jusquà jeudi, par contre les plages situées plus à lest ne sont pas venteuses. Le lundi, nous commençons par des vols de reconnaissance sur la zone de Tarifa. Rapidement cest la plage dAlgeziras qui est choisie, pas de vent et une zone de posé pour lhélicoptère, improvisée en bout de plage. Les sauts daccoutumance à la zone se font au départ dun Puma à une altitude de 10.000 pieds (environ 6000 mètres) ou dun C-130 à 20.000 pieds (environ 3000 mètres). Le départ au-dessus de la mer avec la côte comme axe de vol ajoute un peu de piment au saut. La réalisation Le 23 juin est le jour tant attendu et il commence à 5 heures du matin, léquipe est prête devant la tranche arrière du C-130. Un court briefing avec les pilotes et léquipage suffit, tout le monde connaît son travail, lentraînement et la collaboration portent leurs fruits, pas de questions superflues, cest la répétition de lentraînement, mais de plus haut et de plus loin. Nous entamons la dénitrogénation à 5h30. Pour ce type de saut, nous devons respirer de loxygène pur durant 75 minutes avant de passer laltitude de 10.000 pieds. Le vol doit durer plus ou moins deux heures avant darriver au point de largage. Cest un jeu de patience, impossible de bouger, de parler, et encore moins de dormir, ce serait interprété par le "technicien oxygène" comme une hypoxie ! Le temps passe et laltitude commence enfin à monter, six minutes sont annoncées par le chef largueur, le décompte final pour le grand saut est entamé. Cest à ce moment tant attendu par tout le monde que lalimentation du technicien oxygène se déconnecte intempestivement de la console centrale ! Les visages changent dexpression et un sentiment de déception nous envahit tous... Un échange de signes et de consignes entre les techniciens permet à lavion de redescendre seulement sous 10.000 pieds avant de recommencer une nouvelle dénitrogénation de 75 minutes, soit un total de 4 heures sous oxygène. Nous arrivons enfin aux deux minutes tant attendues, le technicien oxygène déconnecte avec précaution les hommes volants de la console centrale et active les bi-bouteilles individuelles. La concentration est à son maximum, croire en soi et en la préparation rigoureuse sont les bons alliés du moment. Enfin léquipe se dirige lentement vers la rampe du C-130, il fait froid (-50°C) et la visibilité est un peu brouillée par quelques nuages de haute altitude. Tout se passe dans le calme, à croire que cest un saut comme les autres. Léquipage est même un peu surpris de cette sérénité presque dérangeante.
Le chef largueur commence son décompte : "5, 4, 3, 2, 1, go !" Le point de sortie vertical le Maroc est à près de 15 km de la plage. Léquipe senvole vers lEspagne, dans la même direction que lavion. Le nuage daltitude et la condensation créée par les moteurs du C-130 donnent une image surréaliste. Le froid surprend tout le monde, une intensité jamais rencontrée auparavant. Cest après quelques secondes de vol que la terre espagnole apparaît au loin, le sentiment de vitesse horizontale est impressionnant, le temps passe et la pression dans les bras augmente à mesure de lentrée dans les couches plus denses et plus chaudes. La sensation dentrer dans un four est unanime. Le vol continue et cest à 7.000 pieds à la verticale dAlgeziras que les voiles souvrent, les bras sont hors service, mais leuphorie de la réussite inhibe la fatigue et la douleur. Sous voile, cest le bonheur dêtre parvenus au bout du projet un peu fou de voler au-dessus du détroit de Gibraltar, départ Maroc, arrivée Espagne...
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