Hélicoptère équipé d’une caméra wescam pour la prise d'image en chute.


Zone de pliage sur la plage d'Algeziras.


5h30, dernier contrôle avant le grand départ.


Dans l’avion, c'est très long... On s’occupe comme on peut !


Le grand saut approche, les visages s’illuminent.


Vol en direction de Gibraltar et de son célèbre rocher (dans le fond). Les photos en vol ont été réalisées durant des sauts d’entraînement à 25.000 pieds. Lors de la traversée, le vol était individuel et l’emport d’une caméra sur un casque n’était pas envisageable.


Les trois hommes volants tournent le dos à l'Afrique, après leur traversée réussie. De gauche à droite : Toni Lopez, Alvaro Bulto et Santi Corella.


                               Par Vincent Van Laethem



  Le 23 juin, Alvaro Bulto (présentateur TV, sportif multi-aventures, "le Nicolas Hulot" espagnol), Santi Corella et Toni Lopez (tous deux managers à Skydive Empuriabrava) ont réalisé leur voeu le plus cher : traverser le détroit de Gibraltar en wingsuit ! Cette idée un peu folle est née après un voyage à Kjerag, pour réaliser quelques sauts de B.A.S.E 


a préparation de ce projet a commencé par la recherche des meilleurs partenaires. L’armée, grâce aux moyens dont elle dispose, fait partie des collaborateurs potentiels. C’est la force aérienne espagnole qui fut la plus encline à soutenir le projet et c’est avec elle que cette aventure débuta. L’entraînement en wingsuit proprement dit s’est déroulé principalement à Empuriabrava, case départ du projet et lieu de travail de l’équipe.

Différents stages ont été planifiés avec la force aérienne espagnole. La première étape fut une visite au caisson hyperbare du centre médical de Madrid, le but étant de vérifier l’aptitude des sauteurs à réaliser un vol à haute altitude et de montrer clairement à quoi ressemble une hypoxie. Il était primordial de bien cerner les risques encourus à une telle altitude.

La seconde étape fut dédiée à l’accoutumance aux procédures de saut à haute altitude et à la préparation du matériel spécifique qui sera utilisé. L’école de parachutisme de la force aérienne nous a accueillis à Alcanteria dans son cours de formation pour chuteurs opérationnels.

Pour la réalisation de ce projet, il ne suffit pas de monter haut et de se jeter de l’avion ; à cette altitude, le moindre détail négligé peut devenir lourd de conséquences. Le manque d’oxygène et le froid augmentent les risques, il suffit de moins de 30 secondes pour tomber en hypoxie et ce à une température de -50 degrés, ce qui n’aide en rien.

La préparation

Les modifications nécessaires sont apportées au matériel, les harnais se voient dotés de poches latérales pour l’emport des bi-bouteilles d’oxygène. Chaque jeu de bi-bouteilles fournit près de 20 minutes d’autonomie, ce qui est suffisant pour le vol planifié. Les premiers sauts en configuration oxygène se font de Casa 209 à 18.000 pieds (environ 5500 mètres). Rien d’extraordinaire, mais l’emport du matériel oxygène provoque quelques doutes dans l’équipe. Après une dizaine de sauts tests et autant de modifications, le matériel est enfin prêt pour l’aventure. Tout le monde est rassuré sur l’équipement utilisé, les quelques doutes qui persistent seront dispersés avec l’entraînement.

Le rendez-vous suivant a pour but de monter plus haut en altitude, de développer les procédures avec les équipages des Hercules C-130 et de développer les procédures avec l’unité qui sera responsable du largage à haute altitude.

C’est avec la collaboration de l’E.A.D.A. (Escadrille d’Aide au Déploiement Aérien) que nous réalisons les premiers sauts à 25.000 pieds. Ces professionnels du largage opérationnel ont pour mission de larguer de curieux colis.

Durant ce stage, la météo nous fait des petits caprices, et nous devons nous contenter de quelques sauts à 25.000 pieds (environ 7500 mètres). C’est là que l’équipe réalise que tous les détails ont leur importance, le matériel, l’équipement, la météo, la condition physique, etc. Le premier saut à 25.000 pieds fut surprenant par sa durée, 4 minutes 30 secondes, c’est long et la pression des ailes augmente au fil des secondes... Et le hand-deploy devient difficile à sortir de la pochette ! Lever les bras pour prendre les freins est aussi un vrai challenge. Nous arrivons au sol très essoufflés.

Les sauts d’entraînement continuent et heureusement l’organisme s’habitue (un peu) à une telle contrainte. La coordination avec l’E.A.D.A. devient facile, tout le monde parle le même langage. C’est avec un professionnalisme exemplaire que l’armée mène sa mission de support quelque peu hors du commun : le largage d’hommes volants...

Nous quittons Empuriabrava le samedi au petit matin, direction le sud de l’Espagne, avec pour but de reconnaître la zone de posé de Tarifa et ses alentours. À notre arrivée à Tarifa c’est le "levante" qui nous accueille... Un gros vent local qui ne fait plaisir qu’aux kite-surfers. Les locaux nous annoncent que le vent est prévu jusqu’à jeudi, par contre les plages situées plus à l’est ne sont pas venteuses.

Le lundi, nous commençons par des vols de reconnaissance sur la zone de Tarifa. Rapidement c’est la plage d’Algeziras qui est choisie, pas de vent et une zone de posé pour l’hélicoptère, improvisée en bout de plage.

Les sauts d’accoutumance à la zone se font au départ d’un Puma à une altitude de 10.000 pieds (environ 6000 mètres) ou d’un C-130 à 20.000 pieds (environ 3000 mètres). Le départ au-dessus de la mer avec la côte comme axe de vol ajoute un peu de piment au saut.

La réalisation

Le 23 juin est le jour tant attendu et il commence à 5 heures du matin, l’équipe est prête devant la tranche arrière du C-130. Un court briefing avec les pilotes et l’équipage suffit, tout le monde connaît son travail, l’entraînement et la collaboration portent leurs fruits, pas de questions superflues, c’est la répétition de l’entraînement, mais de plus haut et de plus loin.

Nous entamons la dénitrogénation à 5h30. Pour ce type de saut, nous devons respirer de l’oxygène pur durant 75 minutes avant de passer l’altitude de 10.000 pieds. Le vol doit durer plus ou moins deux heures avant d’arriver au point de largage. C’est un jeu de patience, impossible de bouger, de parler, et encore moins de dormir, ce serait interprété par le "technicien oxygène" comme une hypoxie !

Le temps passe et l’altitude commence enfin à monter, six minutes sont annoncées par le chef largueur, le décompte final pour le grand saut est entamé. C’est à ce moment tant attendu par tout le monde que l’alimentation du technicien oxygène se déconnecte intempestivement de la console centrale ! Les visages changent d’expression et un sentiment de déception nous envahit tous... Un échange de signes et de consignes entre les techniciens permet à l’avion de redescendre seulement sous 10.000 pieds avant de recommencer une nouvelle dénitrogénation de 75 minutes, soit un total de 4 heures sous oxygène.

Nous arrivons enfin aux deux minutes tant attendues, le technicien oxygène déconnecte avec précaution les hommes volants de la console centrale et active les bi-bouteilles individuelles. La concentration est à son maximum, croire en soi et en la préparation rigoureuse sont les bons alliés du moment.

Enfin l’équipe se dirige lentement vers la rampe du C-130, il fait froid (-50°C) et la visibilité est un peu brouillée par quelques nuages de haute altitude. Tout se passe dans le calme, à croire que c’est un saut comme les autres. L’équipage est même un peu surpris de cette sérénité presque dérangeante.

Le chef largueur commence son décompte : "5, 4, 3, 2, 1, go !" Le point de sortie vertical le Maroc est à près de 15 km de la plage. L’équipe s’envole vers l’Espagne, dans la même direction que l’avion. Le nuage d’altitude et la condensation créée par les moteurs du C-130 donnent une image surréaliste. Le froid surprend tout le monde, une intensité jamais rencontrée auparavant. C’est après quelques secondes de vol que la terre espagnole apparaît au loin, le sentiment de vitesse horizontale est impressionnant, le temps passe et la pression dans les bras augmente à mesure de l’entrée dans les couches plus denses et plus chaudes. La sensation d’entrer dans un four est unanime. Le vol continue et c’est à 7.000 pieds à la verticale d’Algeziras que les voiles s’ouvrent, les bras sont hors service, mais l’euphorie de la réussite inhibe la fatigue et la douleur. Sous voile, c’est le bonheur d’être parvenus au bout du projet un peu fou de voler au-dessus du détroit de Gibraltar, départ Maroc, arrivée Espagne... 









Remerciements
Les participants remercient chaleureusement Skydive Empuriabrava, Media Pro, Red bull, Birdman, Breitling, Marmott, FRWD, Lacoste, Icarus, Parachutes de France, Sonic Flywear et bien sûr l’Armée de l’air espagnole sans qui le projet n’aurait jamais abouti.
Les chiffres
Altitude de sortie : 35.000 pied
Température a la sortie : -50°C
Distance mini à réaliser : 14.4 km
(distance mini entre le Maroc et l’Espagne).
Distance effectuée : 20.2 km
Temps de chute : 6 minutes
Les paramètres de chute ont été enregistrés par un système G.P.S. de marque FRWD (www.frwd.com)





219 août 2005