Les deux équipements utilisés pour les sauts tests : le parachute habituel de Luis Cani et le harnais qui reçoit la VX-39 en voile tertiaire.



Comparaison de la VX-39 avec une voile de volume plus standard.



La VX-39 offre une dimension de 1,50 mètre sur 2,40 mètres, on la voit ici étalée sur une voile école.



Gonflage de la VX-39 : elle est plus petite qu’une voile de kitesurf.



Départ de Luis en direct-bag depuis le Twin Otter de Perris Valley. On distingue le harnais jaune de la VX-39 ainsi que la poignée de libération, sous son équipement standard.



En vol, la question est de déterminer s’il est possible de se poser sous ce mouchoir de poche !


                                                  D’après Sean Gunn


En mai dernier, la société américaine Go Fast a organisé le "Icarus VX-39 Go Fast World Record Project" à Perris Valley, en Californie. Rappelons que Go Fast est fabriquant de la boisson énergétique du même nom, et qu’elle est organisatrice d’événements tel que le "Pro Swooping Tour". C’est en coopération avec le constructeur de voiles Icarus que Go Fast a financé ce record du monde d’atterrissage avec la plus petite voile au monde, une qualification officieuse qui n’enlève rien à l’excellence de l’exploit. Le héros de la manip, c’est le Brésilien Luis Cani, sponsorisé par Go Fast, pilote d’essai chez Icarus Canopies, champion de swoop sur différentes compétitions, instructeur de pilotage sous voile à Perris et membre de l’équipe de swoopers "Team Extreme"


lus précisément, l’événement consistait à construire la plus petite voile au monde et à trouver un pilote assez fou pour se poser avec. La voile utilisée pour cet exploit fut une Icarus Extreme-VX de 39 pieds carrés. Ce prototype fut construit sur le même concept que le modèle Extreme-VX, une voile elliptique multicellulaire qu’Icarus Canopies commercialise en onze tailles différentes, allant de 119 à 69 pieds carrés. Habituellement, la superficie préférée de Luis Cani est une 79 pieds carrés avec laquelle il gagne régulièrement différentes compétitions de swoop. Dernièrement, le Brésilien avait établi le même type de record en volant et en se posant avec une Extreme-VX de 46 pieds carrés. Cette fois, en descendant en dessous de 40 pieds carrés, le challenge devient pointu et Luis Cani l’entreprend avec beaucoup de réflexion, d’autant plus que le Brésilien n’est pas des plus légers. Tout équipé, la balance lui indique 73 kilos. La VX-39 offre une dimension de 1,50 mètre sur 2,40 mètres. Elle est plus petite qu’une voile de kitesurf et son cône de suspension présente une longueur de 1,50 mètre.

Sauts tests

Pour Luis, la phase d’ouverture est le premier point d’interrogation ; tout en étant sûr que, de toutes façons, une voile si petite ne pourrait pas avoir une séquence d’ouverture normale. Afin d’éviter les problèmes de choc à l’ouverture qu’une voile de surface si petite devrait certainement supporter, Luis décide de partir de l’avion en direct-bag. La VX-39 est donc montée sur un harnais par-dessus lequel Luis endossera son parachute habituel. La voile microscopique est monté sur des élévateurs munis du système de libération 3 anneaux. Ceux-ci seront bien dégagés vers l’extérieur des épaules afin de permettre la libération, malgré l’emport de son Javelin.

Pour le premier saut d’essai, Luis veut d’abord constater comment vole la VX-39, puis la libérer et utiliser son matériel habituel pour se poser. L’atterrissage avec la VX-39, ce n’est pas pour tout de suite. Avant de monter dans l’avion, il fait contrôler ses équipements plusieurs fois et répète le saut consciencieusement. Quelques instants avant la sortie, Luis est complètement absorbé par la concentration en effectuant des exercices respiratoires profonds et bien rythmés. Tom Parker est le rigger que Luis a choisi pour l’assister dans cette manip. Sur axe, Tom tient le direct-bag contenant la VX-39. Il se tient derrière Luis qui s’avance maintenant dans l’encadrement de la porte. Tom et Luis sont prêts. Le pilote d’essai s’élance dans le souffle de l’avion. Tom accompagne son mouvement en présentant le direct-bag à l’extérieur de la carlingue.

En un éclair, la VX-39 sort de sa poche. Son déploiement s’effectue instantanément et symétriquement dans le souffle de l’avion. La voile est immédiatement en pression et Tom dira qu’il n’a jamais rien vu d’aussi rapide : "Une fois ouverte, la VX-39 est partie comme une voiture de course !" Après avoir fait connaissance une première fois avec son nouveau petit bolide, Luis libère la voile à 1200 mètres, comme prévu. "Cette voile est très sensible, a t-il constaté. Elle peut tourner vigoureusement en balançant simplement le poids de mon corps à gauche ou à droite dans le harnais. Le point de décrochage est peu profond. Il faudra que je sois prudent au moment de la flarer."

Les sauts suivants consistent à maîtriser davantage encore le point de décrochage, la sensibilité de la voile, sa réaction aux commandes. Ils consistent aussi à analyser sa vitesse horizontale et verticale ainsi que sa finesse pour déterminer si elle est finalement "posable". Pour ce faire, deux autres parachutistes sautent juste avant Luis, avec des voiles normales. Puis ils volent en frein à 50 mètres l’un derrière l’autre afin d’être, pour le pilote d’essai, deux références définissant une ligne imaginaire entre eux, et par rapport à laquelle Luis simulera un swoop de manière à estimer son angle de plané et sa vitesse horizontale.

Réaliser un swoop sur un plan d’eau ou au ras de la surface du sol n’est pas chose facile, et ici, Luis tente de réaliser l’exercice par rapport à une ligne fictive tracée entre deux voiles qui descendent à environ 10 km/h et avancent approximativement à 20 km/h. Luis réalise ainsi une dizaine de sauts avec fumigène au pied. Lors de ses swoops fictifs réalisés par rapport à la ligne imaginaire "dessinée" entre les deux voiles, la trace de fumée est suffisamment horizontale pour imaginer que l’atterrissage avec la VX-39 est certainement possible.

Quelques autres sauts sont également réalisés avec deux parachutistes équipés de wingsuit, tentant de voler à côté de Luis et sa VX-39. Grâce à un équipement radio utilisé par chacun, les hommes furent rapidement capables de voler les uns à côté des autres sur une distance horizontale d’environ 2 000 mètres. L’implacable constatation fut faite : la VX-39 peut voler à la même vitesse horizontale et verticale qu’un "flyer" équipé d’une wingsuit.

Puis Luis Cani et les membres de l’équipe avec qui il travaille sur ce projet doivent maintenant répondre à une seule question : est-il possible de se poser avec la VX-39 sans risquer sa vie ni même ses os, alors que ce prototype avance à une vitesse horizontale de 120 km/h, et avec un taux de descente qui avoisine la vitesse verticale de la chute libre ? Toutefois, l’analyse des sauts-test est positive. Le plané que restituait la VX-39 fut à chaque fois bien horizontal. Luis décide de tenter le coup. Afin d’optimiser ce plané, il décide de changer le cône de suspension en Vectran de la voile, pour la monter sur un cône de suspentes plus fines fourni par Icarus Canopies. La finesse des suspentes de ce nouveau cône réduira le frottement sur l’air, et par conséquent, la VX-39 gardera toute son énergie issue du dernier virage pour ensuite la restituer durant le swoop.

Le posé en VX-39

Mercredi 12 mai. Après dix sauts-test, et en ayant monté ce nouveau cône de suspension, Luis décide maintenant de sauter pour atterrir avec la VX-39. Au sol, la tension est palpable au sein de l’équipe et chez les spectateurs. Luis se présente à la verticale du "pond" du centre de Perris, ce plan d’eau aménagé pour les compétitions de swoop. Suffisamment haut, il déclenche une rotation à 270 degrés par enfoncement du corps dans un côté du harnais. Puis tout va très vite. La VX-39 plonge vers la surface de l’eau. Le pilote garde les bras haut et la voile revient très progressivement à plat tout en gardant de l’enfoncement et une importante vitesse horizontale. Lorsqu’il se trouve à quelques mètres de la surface de l’eau, Luis descend légèrement les commandes pour aplanir le vol de la voile. Celle-ci est maintenant sur un angle de swoop parfaitement horizontal. Luis n’ose pas effleurer la surface de l’eau avec le pied. Il craint de créer une tension dissymétrique dans le harnais qui se répercuterait sur la voile et donc sur sa ligne de vol. Après un swoop de plus d’une soixantaine de mètres, Luis arrive à la berge du "pond". Il continue à flarer sur une quinzaine de mètres pour finalement s’arrêter en frottant les semelles dans la poussière. "A l’arrivée, précise Luis, j’ai eu la même impression qu’au cours du saut d’entraînement d’hier où j’ai fait un swoop avec 7 mètres/seconde de vent dans le dos sous ma VX-79."

Cet exploit réussi fut en quelque sorte une conquête de l’inutile qui toutefois confère une grande crédibilité à Icarus Canopies, constructeur de cette micro-voile, et qui apporta une large couverture médiatique pour Go Fast, puisque l’événement fut présenté sur cent chaînes locales dans différents États des U.S.A., ainsi que sur trois chaînes nationales du pays

Luis Cani, après son atterrissage réussi.

Présentation de la séquence d’atterrissage en vue panoramique. (Cliquez pour agrandir).



206 juillet 2004