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![]() Chorégraphie aérienne : un immense fil dAriane de 7 km de long relie une chaîne constituée par 7 parapentes.
Acrobaties en parapente.
Loïc Jean-Albert, Clacos et Eric Fradet "sautent" (?) fumigènes au pied depuis un hélicoptère pour venir évoluer en wingsuit à proximité du public.
Loïc Jean-Albert en wingsuit près du public.
Loiseau retourne vers le nid...
Béatrice Mathieu, parachutiste et spécialiste de la voile hybride Nervures CAP 15, en Reine de Coeur sur le décollage.
Envol de la Reine de Coeur.
Eric Fradet venu aider Francis Heilmann à monter sa Libellule géante.
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Vol en wingsuit au-dessus des crêtes et en bord de falaise
devant un public époustouflé.
Icare, voilà un nom salement mal choisi comme saint patron pour une coupe : cest le seul dont on est sûr quil se soit cassé la gueule en volant.
Pour éviter que lhistoire se renouvelle, lorganisation déconseille lusage de la cire dans la fabrication des déguisements, mais également de survoler le labyrinthe des constructeurs, celui où la foule se presse pour voir les stands et le Festival du film.
Chaque année, à mi-septembre, cest un évènement à ne pas rater. Compétition de delta à lorigine, Saint Hil pour ses 30 ans a atteint lâge de la maturité. Cest devenu un des grands moments du vol libre, cette manifestation est reconnue dans le monde entier par le public, les pilotes et les institutions.
Il faut savoir que toute réjouissance nécessite une bonne préparation. Pour obtenir un tel succès dans le milieu libériste, il fallait une organisation de bénévoles qui aille de lavant, progresse, passe du temps à polleniser les fleurs et les idées dautrui, rende tous ces ultra-indépendantistes heureux sur la base dun minimum de règles collectives. Ces règles sont indispensables quand on sait que le nombre de fous volants qui vont se côtoyer sous leurs drôles de machines devient phénoménal en quatre jours. Il faut communiquer un certain effort individuel au profit de la fête.
Voici ce que nous avons vu, de nos yeux vu, en quatre jours de grand beau temps, même endroit, mêmes heures, qui ont rameuté 30 000 personnes par jour.
À Saint Hil, on croise tout le petit monde du vol libre mais pas seulement celui-là. On y vole beaucoup parce que lon peut essayer ou voir voler de nouvelles ailes. On comptait parfois 200 voiles en lair. Du tout venant mais aussi des as de la cabriole, comme les frères Rodriguez, lun des frères Montant (parapentistes) ou Antoine Boisselier (deltiste). À voir les arabesques aux noms spacieux (hélicoptère, satellite, wing over, etc.) que dessinent ces champions, on se met à penser que le vol libre, cest formidable et illimité.
À Saint Hil, il y a juste derrière le décollage un véritable Salon du Vol libre avec un marché de loccasion vaste et coloré où était même convié le vol motorisé. Preuve que le vol libre, développé dans un monde parallèle, nest pas sectaire et que le clivage y est culturel. Preuve que Saint Hil ce nest plus seulement la compétition, lexploit médiatique et la course à laile la plus performante, cest aussi le rêve, lévasion et la découverte de nouveaux horizons. Saint Hil cest la cohue du décollage Sud, mais cest aussi quelques courageux comme Denis Verchère et Jean-Marc Caron. Dans la douceur de lair dété enfin calmé, ils vont faire une randonnée dune heure pour décoller de la Dent de Crolles, en compagnie de parachutistes qui vont prendre un raccourci et se larguer en chemin. Saint Hil cest la fête de tout ce qui vole, avec les figures engagées aux compétiteurs de haut niveau et aux autres vélivoles ordinaires qui nont rien à prouver, seulement le plaisir dêtre là et de vivre ou revivre lautre magie du vol libre, celle qui ne fait pas peur. Et cela fait 30 ans que la magie continue à Saint Hil. Quand on vient à Saint Hil, ce nest pas pour rencontrer des play-boys au corps de surfers racontant des grands exploits. Ceux que jai vus là nont rien dexceptionnel : des grands, des bedonnants, des branchés, des adolescents, des quinquagénaires, etc. Mais ils sont tous tombés dedans quand ils étaient petits : une marmite contenant un rêve bleu dair libre, et la force de vouloir voler, quils viennent du delta, du paramoteur, du parachutisme ou du ballon libre. Et pour la plupart, quand le moment est venu, quils sont prêts, ils iront au-delà de la peur de collision, pour étaler leur voile parmi tant dautres. Harnachés, attendant le top départ, tête en avant, ils vont courir, courir, lever les bras comme en signe de victoire avec les caissons qui se gonflent et, seuls avec le bruit de leur aile, heureux, loin du monde, ils vont revivre le rêve toujours renouvelé de lhomme-oiseau.
Avec lami Clacos (moins connu sous le nom de Pascal Decombe) et Caron (de léquipe de France de parapente), sous la houlette de Dens, le seul à y croire vraiment étant donné les conditions de vent violent, on sadjuge la montée sur la Dent de Crolles pour décoller en triplace. Ce pilote expert en cross-country nous a emmenés parce quune envie terrible le démangeait de nous voir sauter de son parapente avec nos chiffons. Pour Clacos et moi, cest le plaisir de marcher en montagne et les derniers lacets furent avalés au pas de charge. À cause du vent, le décollage sannonce sportif. Depuis certains endroits le triplace ne supporte pas limprovisation, ni là-peu-près ou la médiocrité. La course à trois est bien moins évidente que seul. Clacos et moi sommes agrippés à une barre, mais le pilote est le seul qui donne des ordres. Le scénario prévoyait un décollage en deux temps, mais la réalité nous surprendra par sa douceur. Aucune impression de se jeter dans le vide comme en B.A.S.E. où toute la difficulté réside justement à se jeter. Une fois en lair, on vit ensemble un moment intense, en se réjouissant des craintes du décollage évanouies. Mais pas de temps à perdre, il faut se retirer de son harnais sellette, et se libérer de toutes ces sangles qui gêneront le départ. On vole direction Saint Hilaire, et jobserve le sourire de gamin malicieux de Clacos qui fend complètement son visage. Je ne le quitterai pas des yeux car cest lui qui donne le décompte pour le saut. Nous voici déjà au-dessus du décollage Sud de Saint Hil, les parapentistes envahissent le ciel, impossible de les ignorer, ils sont partout et font partie du décor. Après une hésitation, on sélance en même temps et nous voici en chute passant de la position assise à la position cambrée. On entame un début de VR, mais nous chutons à présent à quelques dizaines de mètres à la verticale des parapentes. On ne peut pas oublier quà deux, il faut être plus prudent que seul, nous nous séparons pour tracker au-dessus de ce nid de voiles.
Le vendredi, je vais repérer, sur le décollage Nord, les lieux dévolution où nous devons faire les deux jours suivants une démonstration de combinaisons ailées au-dessus de la foule. Lendroit ne présente pas les pentes aux angles parfaits comme à Verbier mais juste un plateau avec ensuite la cassure qui fait la popularité de Saint Hil. Je reste dubitatif en prenant mes repères avec des membres de lorganisation lorsque je vois apparaître, comme un clin doeil ironique, juste au-dessus de ma tête, un parapente parti de la Dent de Crolles qui largue un parachutiste équipé de wingsuit et qui en quelque sorte me montre le chemin en attaquant le relief au-dessus du funiculaire. Je crois reconnaître Denis Verchère, lenfant du pays, mais renseignement pris, il massure que ça nest pas lui. La Police de lair, qui en cette année du trentenaire est plus à cheval sur les principes que dhabitude, recherche encore celui que jappellerai "le concombre masqué". Saint Hil cest aussi cette joyeuse anarchie et cest pour cela quon y va. Samedi, dans la voilure tournante (n.d.l.r. : un hélicoptère...) de Jean Roussot, Loïc Jean-Albert, Clacos et moi-même allons démontrer à la foule en délire que le seul vol humain se doit dêtre possible, réalisé à partir dailes telles que celles des oiseaux, et avec des finesses proches des premiers Super Scorpion (aile delta des années 80 à 2,5 de finesse)... 800 mètres au-dessus du plateau, nous attaquons notre vol plané, chacun selon ses capacités, pour ce qui restera selon la foule en délire, "un morceau danthologie du vol humain". Depuis les déboires célèbres de nombreux pionniers du milieu du siècle dernier, lidée de voler en battant dailes synthétiques a été reprise par De Gayardon, mais ses émules savent tous que cela reste aussi du domaine de limaginaire. En wingsuit, pour voler nous avons besoin de lair du ciel, et nous avons également besoin de la terre pour atterrir, voire décoller, mais pas pour sy impacter. Ne confondons pas si on veut conserver un avenir de terrien.
Traditionnel rendez-vous des gens de lair, Saint Hilaire cest aussi le Festival du film, qui a connu cette année une grande affluence. Acro-B.A.S.E., le film de Denis Verchère avec Bertrand Fontenoy comme acteur principal, est primé par deux fois, on narrête pas le Dens dans ses acrobaties, cest beau, cest fort mais à consommer avec modération, tandis que le public plébiscite Loïc Jean-Albert et ses acolytes de Soul Flyers pour des vols au ras des pâquerettes dans les montagnes de Verbier. Il sagit de Valéry Montant dans le rôle dun parachutiste, "Val" est surtout connu pour être un des meilleurs en parapente, Claud Remide et Stéphane Zunino dit "Zun", les plaisirs partagés sont bien meilleurs encore. Il est important que tous ces parachutistes de lextrême qui représentent la nouvelle génération simposent en montrant non pas ce que tout le monde fait mais surtout ce qui leur plaît. Coupe Icare des déguisements Cette fabuleuse Coupe Icare est un festival de vols déguisés qui se tient sur le décollage Nord, agrémenté de démonstrations aériennes en tout genre (sauts en parachute depuis des biplaces, voltige aérienne avec planeur, passage de speed gliding). Quand on en parle ou quon la découvre, cest souvent dans des articles de la presse à sensation, la Coupe Icare occupant la majorité de la couverture médiatique réservée au vol libre. Et il est curieux de voir que lamalgame se fait au détriment de ce sport aérien. Le festival de Saint Hilaire est montré sous les titres évocateurs de : "Tenue denfoiré obligatoire" ou "Les homo-volatus prêts à tout". On apprend alors que ces parapentistes font partie du Délirium Circus, quils sont barjots ou chtarbé..., pas moins. Il faut dire que limagination des pilotes est sans limite et leur bravoure dautant quand on sait quils essaieront leurs costumes lors de lenvol. À penser que les lois de laérodynamique sont suspendues durant ce week-end, traînée et charges alaires dérogeant aux règles. Francis Heilmann (dailleurs avec un nom pareil, ça ne sinvente pas...) remporte le Grand prix du Jury. On le savait fou, un fou en liberté, le même qui, les années précédentes, avait déjà construit et fait voler ce qui ne vole pas comme lEléphant rose, le Poisson rouge le plus haut du monde, un interminable Sous-marin Jaune, des manches à air géantes, et qui récidive en faisant décoller par deux fois une énorme Libellule. Lengin a fait la Une de quelques TV.
Au décollage, cest plein à craquer : des milliers de personnes pour voir senvoler daudacieux pilotes encombrés par des déguisements les plus hétéroclites. Essayez dimaginer ce que furent les décollages ô combien délicats de certains énormes engins accrochés sous de grandes voiles : de véritables exploits !
Finalement il nétait sans doute pas si fou, lami Icare, lillustre rêveur aux ailes de cire
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