Chorégraphie aérienne : un immense fil d’Ariane de 7 km de long relie une chaîne constituée par 7 parapentes.

Acrobaties en parapente.

Loïc Jean-Albert, Clacos et Eric Fradet "sautent" (?) fumigènes au pied depuis un hélicoptère pour venir évoluer en wingsuit à proximité du public.

Loïc Jean-Albert en wingsuit près du public.

L’oiseau retourne vers le nid...

Béatrice Mathieu, parachutiste et spécialiste de la voile hybride Nervures CAP 15, en Reine de Coeur sur le décollage.

Envol de la Reine de Coeur.

Eric Fradet venu aider Francis Heilmann à monter sa Libellule géante.


Réactions à chaud

Sophie Guibal, de la société de production Indasky basée à Gap-Tallard et venue filmer tout spécialement l'évènement, est franchement surprise :
"Je ne m'attendais pas à voir autant de gens, c'est une découverte pour moi, c'est énorme ! La Coupe Icare, c'est un show complètement visuel, une mise en scène permanente du vol sous toutes ses formes, par des démonstrations aériennes exceptionnelles, par les vols déguisés, par les films projetés et le salon. Il faut voir le monde que ça brasse, toutes générations confondues. Durant trois jours, le spectacle est permanent, hyperfascinant, en osmose avec le milieu. Le plus dur pour moi ça a été de poser la caméra et arrêter de filmer un peu, pour profiter aussi du moment."

Pierre Desmet de l'école parachutiste Diagonale a lui informé le public dix heures par jour durant tout le salon :
"On a eu beaucoup de monde au stand ParaMag/Diagonale, la présence des parachutistes à Saint Hilaire est inévitable, et pour nous, changer de milieu c'est très instructif, très intéressant. Les parapentistes sont réellement passionnés par le B.A.S.E. jump et la wingsuit. En vrais amateurs d'images fortes, ils ont beaucoup apprécié le film Crosswind et le livre Eyes in the Sky. Beaucoup d'anciens parachutistes, qui aujourd'hui volent en parapente, sont venus se renseigner sur l'état des lieux de notre sport. Et aussi des parapentistes, que l'on va retrouver un jour ou l'autre en P.A.C., c'est évident."

"A l’initiative des organisateurs de la coupe Icare et de la ligue Dauphiné Savoie, dix-sept parachutistes ont eu l’immense bonheur de réaliser un saut de meeting le dimanche 21 septembre au-dessus du site d’atterrissage de cette rencontre internationale d’objets volants. Une figure représentant le chiffre 30 a été réalisée pour les trente ans d’existence de cette manifestation. Nous étions venus d’Annemasse, Chambéry, Lyon, Monaco et Paris pour d’abord réaliser deux sauts d’entraînement à Grenoble Saint Geoirs et ensuite avoir le privilège de faire ce saut. Pour tous, cela restera un grand moment, largage au-dessus du relief, posé aux côtés des montgolfières, public énorme et chaleureux (30.000 personnes venues dans la journée), soleil couchant. Le spectacle parachutiste sera clôturé par un saut en wingsuit d’Eric Fradet et Loïc Jean-Albert avec des fumigènes au pied pour suivre la progression au-dessus des crêtes et en bord de falaise pour une ouverture au-dessus du public. Les voir évoluer à proximité des cimes des arbres en réel et non en vidéo, c’est tout simplement époustouflant. Merci à tous pour ces images et spécialement à Laurent Bron pour nous avoir proposé de participer."

Sandro d'Aloïa

Vol en wingsuit au-dessus des crêtes et en bord de falaise
devant un public époustouflé.


                                            Par Eric Fradet


Icare, voilà un nom salement mal choisi comme saint patron pour une coupe : c’est le seul dont on est sûr qu’il se soit cassé la gueule en volant.

Pour éviter que l’histoire se renouvelle, l’organisation déconseille l’usage de la cire dans la fabrication des déguisements, mais également de survoler le labyrinthe des constructeurs, celui où la foule se presse pour voir les stands et le Festival du film.

Chaque année, à mi-septembre, c’est un évènement à ne pas rater. Compétition de delta à l’origine, Saint Hil pour ses 30 ans a atteint l’âge de la maturité. C’est devenu un des grands moments du vol libre, cette manifestation est reconnue dans le monde entier par le public, les pilotes et les institutions.

Il faut savoir que toute réjouissance nécessite une bonne préparation. Pour obtenir un tel succès dans le milieu libériste, il fallait une organisation de bénévoles qui aille de l’avant, progresse, passe du temps à polleniser les fleurs et les idées d’autrui, rende tous ces ultra-indépendantistes heureux sur la base d’un minimum de règles collectives. Ces règles sont indispensables quand on sait que le nombre de fous volants qui vont se côtoyer sous leurs drôles de machines devient phénoménal en quatre jours. Il faut communiquer un certain effort individuel au profit de la fête.

Voici ce que nous avons vu, de nos yeux vu, en quatre jours de grand beau temps, même endroit, mêmes heures, qui ont rameuté 30 000 personnes par jour.

À Saint Hil, on croise tout le petit monde du vol libre mais pas seulement celui-là. On y vole beaucoup parce que l’on peut essayer ou voir voler de nouvelles ailes. On comptait parfois 200 voiles en l’air. Du tout venant mais aussi des as de la cabriole, comme les frères Rodriguez, l’un des frères Montant (parapentistes) ou Antoine Boisselier (deltiste). À voir les arabesques aux noms spacieux (hélicoptère, satellite, wing over, etc.) que dessinent ces champions, on se met à penser que le vol libre, c’est formidable et illimité.

- Salon du Vol libre -

À Saint Hil, il y a juste derrière le décollage un véritable Salon du Vol libre avec un marché de l’occasion vaste et coloré où était même convié le vol motorisé. Preuve que le vol libre, développé dans un monde parallèle, n’est pas sectaire et que le clivage y est culturel. Preuve que Saint Hil ce n’est plus seulement la compétition, l’exploit médiatique et la course à l’aile la plus performante, c’est aussi le rêve, l’évasion et la découverte de nouveaux horizons.

Saint Hil c’est la cohue du décollage Sud, mais c’est aussi quelques courageux comme Denis Verchère et Jean-Marc Caron. Dans la douceur de l’air d’été enfin calmé, ils vont faire une randonnée d’une heure pour décoller de la Dent de Crolles, en compagnie de parachutistes qui vont prendre un raccourci et se larguer en chemin.

Saint Hil c’est la fête de tout ce qui vole, avec les figures engagées aux compétiteurs de haut niveau et aux autres vélivoles ordinaires qui n’ont rien à prouver, seulement le plaisir d’être là et de vivre ou revivre l’autre magie du vol libre, celle qui ne fait pas peur. Et cela fait 30 ans que la magie continue à Saint Hil.

Quand on vient à Saint Hil, ce n’est pas pour rencontrer des play-boys au corps de surfers racontant des grands exploits. Ceux que j’ai vus là n’ont rien d’exceptionnel : des grands, des bedonnants, des branchés, des adolescents, des quinquagénaires, etc. Mais ils sont tous tombés dedans quand ils étaient petits : une marmite contenant un rêve bleu d’air libre, et la force de vouloir voler, qu’ils viennent du delta, du paramoteur, du parachutisme ou du ballon libre.

Et pour la plupart, quand le moment est venu, qu’ils sont prêts, ils iront au-delà de la peur de collision, pour étaler leur voile parmi tant d’autres. Harnachés, attendant le top départ, tête en avant, ils vont courir, courir, lever les bras comme en signe de victoire avec les caissons qui se gonflent et, seuls avec le bruit de leur aile, heureux, loin du monde, ils vont revivre le rêve toujours renouvelé de l’homme-oiseau.

- Largages de paras -

Avec l’ami Clacos (moins connu sous le nom de Pascal Decombe) et Caron (de l’équipe de France de parapente), sous la houlette de Den’s, le seul à y croire vraiment étant donné les conditions de vent violent, on s’adjuge la montée sur la Dent de Crolles pour décoller en triplace. Ce pilote expert en cross-country nous a emmenés parce qu’une envie terrible le démangeait de nous voir sauter de son parapente avec nos chiffons. Pour Clacos et moi, c’est le plaisir de marcher en montagne et les derniers lacets furent avalés au pas de charge.

À cause du vent, le décollage s’annonce sportif. Depuis certains endroits le triplace ne supporte pas l’improvisation, ni l’à-peu-près ou la médiocrité. La course à trois est bien moins évidente que seul. Clacos et moi sommes agrippés à une barre, mais le pilote est le seul qui donne des ordres. Le scénario prévoyait un décollage en deux temps, mais la réalité nous surprendra par sa douceur. Aucune impression de se jeter dans le vide comme en B.A.S.E. où toute la difficulté réside justement à se jeter.

Une fois en l’air, on vit ensemble un moment intense, en se réjouissant des craintes du décollage évanouies. Mais pas de temps à perdre, il faut se retirer de son harnais sellette, et se libérer de toutes ces sangles qui gêneront le départ. On vole direction Saint Hilaire, et j’observe le sourire de gamin malicieux de Clacos qui fend complètement son visage. Je ne le quitterai pas des yeux car c’est lui qui donne le décompte pour le saut. Nous voici déjà au-dessus du décollage Sud de Saint Hil, les parapentistes envahissent le ciel, impossible de les ignorer, ils sont partout et font partie du décor.

Après une hésitation, on s’élance en même temps et nous voici en chute passant de la position assise à la position cambrée. On entame un début de VR, mais nous chutons à présent à quelques dizaines de mètres à la verticale des parapentes. On ne peut pas oublier qu’à deux, il faut être plus prudent que seul, nous nous séparons pour tracker au-dessus de ce nid de voiles.

- Vols en wingsuit -

Le vendredi, je vais repérer, sur le décollage Nord, les lieux d’évolution où nous devons faire les deux jours suivants une démonstration de combinaisons ailées au-dessus de la foule. L’endroit ne présente pas les pentes aux angles parfaits comme à Verbier mais juste un plateau avec ensuite la cassure qui fait la popularité de Saint Hil.

Je reste dubitatif en prenant mes repères avec des membres de l’organisation lorsque je vois apparaître, comme un clin d’oeil ironique, juste au-dessus de ma tête, un parapente parti de la Dent de Crolles qui largue un parachutiste équipé de wingsuit et qui en quelque sorte me montre le chemin en attaquant le relief au-dessus du funiculaire. Je crois reconnaître Denis Verchère, l’enfant du pays, mais renseignement pris, il m’assure que ça n’est pas lui. La Police de l’air, qui en cette année du trentenaire est plus à cheval sur les principes que d’habitude, recherche encore celui que j’appellerai "le concombre masqué". Saint Hil c’est aussi cette joyeuse anarchie et c’est pour cela qu’on y va.

Samedi, dans la voilure tournante (n.d.l.r. : un hélicoptère...) de Jean Roussot, Loïc Jean-Albert, Clacos et moi-même allons démontrer à la foule en délire que le seul vol humain se doit d’être possible, réalisé à partir d’ailes telles que celles des oiseaux, et avec des finesses proches des premiers Super Scorpion (aile delta des années 80 à 2,5 de finesse)...

800 mètres au-dessus du plateau, nous attaquons notre vol plané, chacun selon ses capacités, pour ce qui restera selon la foule en délire, "un morceau d’anthologie du vol humain". Depuis les déboires célèbres de nombreux pionniers du milieu du siècle dernier, l’idée de voler en battant d’ailes synthétiques a été reprise par De Gayardon, mais ses émules savent tous que cela reste aussi du domaine de l’imaginaire.

En wingsuit, pour voler nous avons besoin de l’air du ciel, et nous avons également besoin de la terre pour atterrir, voire décoller, mais pas pour s’y impacter. Ne confondons pas si on veut conserver un avenir de terrien.

- Festival du film -

Traditionnel rendez-vous des gens de l’air, Saint Hilaire c’est aussi le Festival du film, qui a connu cette année une grande affluence. Acro-B.A.S.E., le film de Denis Verchère avec Bertrand Fontenoy comme acteur principal, est primé par deux fois, on n’arrête pas le Den’s dans ses acrobaties, c’est beau, c’est fort mais à consommer avec modération, tandis que le public plébiscite Loïc Jean-Albert et ses acolytes de Soul Flyers pour des vols au ras des pâquerettes dans les montagnes de Verbier. Il s’agit de Valéry Montant dans le rôle d’un parachutiste, "Val" est surtout connu pour être un des meilleurs en parapente, Claud Remide et Stéphane Zunino dit "Zun", les plaisirs partagés sont bien meilleurs encore. Il est important que tous ces parachutistes de l’extrême qui représentent la nouvelle génération s’imposent en montrant non pas ce que tout le monde fait mais surtout ce qui leur plaît. Coupe Icare des déguisements

Cette fabuleuse Coupe Icare est un festival de vols déguisés qui se tient sur le décollage Nord, agrémenté de démonstrations aériennes en tout genre (sauts en parachute depuis des biplaces, voltige aérienne avec planeur, passage de speed gliding).

Quand on en parle ou qu’on la découvre, c’est souvent dans des articles de la presse à sensation, la Coupe Icare occupant la majorité de la couverture médiatique réservée au vol libre. Et il est curieux de voir que l’amalgame se fait au détriment de ce sport aérien. Le festival de Saint Hilaire est montré sous les titres évocateurs de : "Tenue d’enfoiré obligatoire" ou "Les homo-volatus prêts à tout". On apprend alors que ces parapentistes font partie du Délirium Circus, qu’ils sont barjots ou chtarbé..., pas moins.

Il faut dire que l’imagination des pilotes est sans limite et leur bravoure d’autant quand on sait qu’ils essaieront leurs costumes lors de l’envol. À penser que les lois de l’aérodynamique sont suspendues durant ce week-end, traînée et charges alaires dérogeant aux règles.

Francis Heilmann (d’ailleurs avec un nom pareil, ça ne s’invente pas...) remporte le Grand prix du Jury. On le savait fou, un fou en liberté, le même qui, les années précédentes, avait déjà construit et fait voler ce qui ne vole pas comme l’Eléphant rose, le Poisson rouge le plus haut du monde, un interminable Sous-marin Jaune, des manches à air géantes, et qui récidive en faisant décoller par deux fois une énorme Libellule. L’engin a fait la Une de quelques TV.

Au décollage, c’est plein à craquer : des milliers de personnes pour voir s’envoler d’audacieux pilotes encombrés par des déguisements les plus hétéroclites. Essayez d’imaginer ce que furent les décollages ô combien délicats de certains énormes engins accrochés sous de grandes voiles : de véritables exploits ! Finalement il n’était sans doute pas si fou, l’ami Icare, l’illustre rêveur aux ailes de cire


La Libellule, reine de la Coupe Icare


Du côté des folies aériennes, c'est donc la majestueuse Libellule de Francis Heilmann qui a remporté le Grand prix du Jury, avec les félicitations appuyées de la chanteuse Enzo Enzo, présidente du jury. Cette Libellule est un monstre volant de 15 mètres d'envergure et 52 mètres de long pour 100 kg, le plus grand jamais réalisé, et un nouveau record. Car il s'agissait bien de battre celui du Suisse Philippe Bernard, alias "Supermax", établi il y a une dizaine d'années avec un superbe Dragon volant de 45 mètres présenté à Verbier et Saint Hilaire.

Une précision, et de taille, comme la bête : cette Libellule n'avait jamais été essayée, ni testée en vol, ni même montée entièrement une seule fois ! La veille du décollage, à une heure du matin, Francis était encore à la machine à coudre pour la terminer à temps. Le pari était un peu exagéré, mais qu'importe... Jetée dans le vide pour la première fois et avec conviction par une équipe Aircat 2003 composée pour moitié de parachutistes et parapentistes, dix assistants et pilotes dont trois filles, personne ne pouvait donc dire si ça allait vraiment voler ou non.

Francis Heilmann et Michel Destot, le député-maire de Grenoble, invité à ouvrir la Coupe Icare 2003 en vol parapente biplace.

Mais le miracle de la Coupe Icare a encore opéré, comme chaque année, et tout s'est passé à merveille dans les ascendances. Y compris l'atterrissage puisque la Libellule s'est posée comme une fleur pile sur la cible de trois mètres de diamètre, sous l'oeil de la caméra embarquée et devant les spectateurs et organisateurs incrédules.

Il ne faut pas se leurrer, ce type d'engin volant est aussi pointu à piloter qu'à concevoir, et avant de se lancer dans un projet ambitieux, il faut être certain de maîtriser les conditions marginales en vol. Question travail, un bon mois est nécessaire à la construction.

Le coût est à la hauteur du monstre, heureusement un partenariat solide avec la Région Rhône-Alpes et son dynamique représentant, Henri Toffoli, permet à Francis d'être présent chaque année sur le décollage. Francis est aussi président du club parapente de Sainte victoire, il a comme terrain de jeu le ciel de Provence et ses thermiques chargés de senteur de thym et de lavande. Parachutiste de formation, il est le metteur au point des voiles hybrides parachute-parapente Nervures. Aircat, l’association qu’anime Francis, a pour vocation de concevoir et mettre en vol des engins spectaculaires dans l’esprit de la coupe Icare.

Quant aux 150 autres participants au concours, ils n'ont pas démérité, et on a encore pu remarquer des coccinelles, une locomotive, la cage aux folles, sorcières et clowns en pagaille, un groupe d'Egyptiens aux déguisements somptueux, l'exhibition féerique des cinq continents, un pique-niqueur attablé, j'en oublie... Et bien sûr le gâteau d'anniversaire de la 30° Coupe Icare qui a décollé sous les applaudissements de milliers d'enfants éberlués par tout ce cirque volant !

Béatrice Mathieu



198 novembre 2003