Avertissement

Cet article ne constitue en aucun cas un mode d'emploi succinct du déclencheur Cypres. Il est impératif de se reporter au Manuel de l'utilisateur, fourni avec chaque appareil, pour en découvrir le fonctionnement précis.

 
Electronique, cristaux liquides, microprocesseurs et autres technologies de pointe sont bien présents dans l'environnement direct des parachutistes. On les retrouve dans les altimètres de poignet ou sonores, les enregistreurs de paramètres de sauts et les déclencheurs de sécurité. Dans cette dernière catégorie d'appareils, le Cypres est actuellement le modèle le plus répandu. Apparu sur le marché en janvier 1991 (il a fêté ses 10 ans cette année !), on peut dire aujourd'hui que le Cypres est un surdoué puisque rien n'a été changé dans son concept de base depuis tout ce temps et qu'il est toujours le leader dans sa catégorie. Ce déclencheur est si simple d'utilisation et si discret qu'il sait parfaitement se faire oublier. Un petit rappel sur ses principales caractéristiques de fonctionnement peut donc s'avérer utile pour les débutants comme les confirmés.

      Par Jérôme Rouault


a conception entièrement mécanique des anciens déclencheurs de sécurité, pour la plupart encombrants, difficiles à installer et réclamant un réglage avant chaque saut, limitait de ce fait leur emploi parmi les pratiquants civils et militaires. Ainsi, seuls les parachutistes débutants et ceux des unités opérationnelles en étaient équipés. Afin de généraliser un tel dispositif chez les autres parachutistes, un nouveau type de déclencheur "surdoué" est apparu en 1991, le Cypres. Le nom vient de : CYbernetic Parachute RElease System, en français : "système d'ouverture de parachute à réglage autonome". C'est un déclencheur automatique de sécurité conçu pour ouvrir le parachute de secours quand cela est nécessaire. Il est fabriqué par la société Airtec en Allemagne.

Le Cypres est facile d'utilisation, sa mise en service s'effectue pas 4 pressions sur la touche du boîtier de commande. Une procédure d'auto vérification défile durant 29 secondes sur le petit écran à quatre chiffres. Puis le chiffre 0 s'inscrit, indiquant que l'appareil est en service. Une fois en marche, il est opérationnel pendant 14 heures, puis passe en mode arrêt automatiquement. Ainsi, il n'y a pas à l'arrêter ou à le régler entre chaque saut, ni en fin de séance de sauts. Sa hauteur d'atterrissage peut être modifiée dans le cas d'un largage sur une zone de sauts située à une altitude différente de celle du décollage. Le Cypres ne pèse que 262 grammes pour un volume total de 165 cm3. Il se compose de 3 parties reliées entre elles par des câbles électriques :
- le boîtier de commande ;
- le boîtier de contrôle ;
- le sectionneur pyrotechnique.

Installé sur le parachute, il ne présente aucune gêne particulière. La hauteur à laquelle le Cypres ouvre le parachute de secours est fixe et non modifiable. Il existe 3 modèles afin de répondre aux différents types d'utilisation : "Expert (confirmé)", "Student (débutant)" et "Tandem". Ils sont reconnaissables à la couleur de la touche du boîtier de commande : rouge pour le modèle Expert, jaune pour le modèle Student et bleue pour le modèle Tandem. Ces 3 modèles sont autorisés d'emploi en France.

L'appareil agit dès que la vitesse de chute du parachutiste dépasse 35 m/s à partir de 225 mètres pour la version Expert et 580 mètres pour la version Tandem. Le modèle Student fonctionne un peu différemment. Il déclenche l'ouverture du parachute de secours à 2 hauteurs différentes selon la vitesse de chute : 225 mètres comme pour le modèle Expert si la vitesse de chute correspond à une chute libre et 300 mètres si la vitesse est plus lente qu'une chute libre mais plus rapide que 13 m/s, ce qui correspond à une voile ouverte mal déployée, par exemple. Avec le modèle élève, il faut donc arrêter le déclencheur lorsque le parachutiste redescend avec l'avion et proscrire tout manoeuvre violente sous voile en dessous de 500 mètres.

L'avion doit atteindre au minimum une hauteur de 450 mètres au-dessus du terrain d'atterrissage pour que les modèles Expert et Student fonctionnent correctement, 900 mètres pour le modèle Tandem.

Comment ça marche ?

À chaque mise en oeuvre, le Cypres se calibre au niveau du sol en effectuant plusieurs relevés de la pression ambiante pendant une courte période, puis en calculant la valeur moyenne. Ces informations sont enregistrées lors de l'auto-test qui vérifie également le dispositif de mesure de la pression atmosphérique, l'électronique interne, les piles, les câbles de liaison, l'unité de contrôle et le dispositif d'ouverture. Si le résultat des contrôles est correct, le Cypres passe en mode opérationnel en affichant "0" sur le boîtier de commande. Dans le cas contraire, il ne se met pas en marche et/ou affiche un code d'erreur sur le boîtier de commande.

L'unité de contrôle du Cypres fonctionne comme un ordinateur de vol, utilisant des technologies de pointe en matière de mesure et d'électronique. En permanence, elle analyse et enregistre différents paramètres comme la pression atmosphérique, l'altitude, l'alimentation électrique, l'état des connexions. Le Cypres s'ajuste automatiquement aux variations atmosphériques. Durant le fonctionnement, les unités de travail procèdent simultanément mais indépendamment l'une de l'autre. L'unité de contrôle surveille en permanence l'unité de commande et elle éteint l'appareil si elle détecte une erreur. Suivant la gravité de celle-ci, l'appareil pourra être remis en service ou non. En général, toute erreur est détectée dès la mise en route de l'appareil.

Comme un filet de sécurité, au ras du sol

En cas de défaillance du chuteur, l'unité de contrôle donnera l'ordre à l'unité de déclenchement d'ouvrir le parachute de secours. Cette dernière met en oeuvre le sectionneur pyrotechnique qui tranche la drisse de fermeture du conteneur, permettant ainsi l'épanouissement de la voilure.

L'unité de déclenchement est complètement indépendante du dispositif de mise en oeuvre du parachute de secours. En effet, celle-ci n'extrait pas l'aiguille en position de verrouillage du conteneur secours comme les autres déclencheurs de sécurité, mais elle coupe directement la drisse qui maintient l'aiguille en position verrouillée. Elle autorise ainsi 2 actions différentes et totalement indépendantes pour ouvrir le parachute de secours : l'une pour le parachutiste et l'autre pour le déclencheur. Ce principe permet au Cypres d'ouvrir le parachute de secours quelle que soit la situation, même en cas de blocage de l'un des éléments du dispositif de mise en oeuvre (poignée, câble de déclenchement ou aiguille de verrouillage). Pour faciliter son remplacement, le sectionneur pyrotechnique est muni d'une prise de connexion du type "jack". La drisse de fermeture, appelée aussi "loop", est spécifique au Cypres. Celle-ci est plus fine et plus résistante que les drisses courantes et limite les risques de blocage ou de rupture. De plus, elle réduit l'effort de traction nécessaire au retrait de l'aiguille de verrouillage lors de la mise en oeuvre manuelle du parachute de secours.

L'alimentation électrique du Cypres est assurée par 2 piles à haute énergie et de longue durée, conditionnées dans le boîtier de contrôle dont elles occupent environ 60% du volume interne. L'état de charge s'affiche sur l'écran du boîtier de commande à chaque mise en oeuvre. Une sécurité provoque le blocage du système en cas de mauvais fonctionnement ou de tension trop faible des piles.

La maintenance

Comme tout matériel aéronautique, le déclencheur automatique de sécurité Cypres fait l'objet de plusieurs opérations de maintenance :
- tous les 4 ans, l'appareil doit être renvoyé chez le constructeur ou l'un des ateliers agréés pour effectuer un contrôle technique;
- tous les 2 ans ou 500 sauts, les piles doivent être remplacées;
- en cas de déclenchement, il faut remplacer le sectionneur pyrotechnique et la drisse de verrouillage. Les 3 dernières opérations peuvent être réalisées par un technicien qualifié plieur-secours ou plieur-réparateur.

La durée de vie du Cypres, dont les tout premiers modèles viennent de dépasser les 10 ans de mise en service, est limitée à 12 ans et 3 mois par le constructeur.

En conclusion

La modernisation des déclencheurs de sécurité a révolutionné les mentalités des pratiquants qui pensaient que les accidents de parachutisme étaient une fatalité et que l'emploi de ce type d'appareil différenciait les chuteurs débutants des chuteurs confirmés. L'arrivée des nouveaux déclencheurs "surdoués" a permis de généraliser leur emploi. Le déclencheur automatique de sécurité Cypres en est un exemple, avec à ce jour et selon les données du fabricant, plus de 67 000 parachutes équipés dans le monde, dans 49 pays différents. Déjà plus de 500 parachutistes lui doivent la vie et il y a en moyenne 2 sauvetages par semaine.






 
Témoignage

Arnaud, 60 sauts, se souviendra probablement longtemps de son premier saut d'école de vol relatif. Tout se passe au cours d'une magnifique journée de sauts, à Dieuze, le lundi 2 juillet 2001. Saut école de vol relatif avec comme initiateur Jean-Marc Robin, départ de 3000 mètres, sortie accrochée, mise à niveau, petits déplacements horizontaux sans difficulté.

À 1 400 mètres, signe de séparation, demi-tour puis dérive quelques secondes qui part soudainement à 90* à gauche. Vers 1 200 mètres, Arnaud va chercher son hand deploy, et sans l'extraire, en gardant le bras droit le long du corps, il se met en rotation rapide. Le suivi de ce saut aux binoculaires me permet d'observer des rotations style vrille, de plus en plus rapides, sans aucune réaction de l'intéressé. Cette scène s'arrêtera vers 200 mètres du sol, hauteur à laquelle le secours s'épanouira grâce au déclenchement du Cypres. Compte tenu de la célérité des rotations pendant la chute, les suspentes de la voile de secours se torsaderont 2 à 3 fois. Inactif sous voile, le parachutiste subira l'atterrissage sans aucune manoeuvre de sa part. Un mouvement de terrain empêchera de voir l'atterrissage depuis la zone technique, éloignée de seulement quelques centaines de mètres, mais sa violence nous laisse présager le pire.

Une poignée de minutes plus tard, on découvre la victime inanimée, en position latérale sur le flanc gauche. La ventilation et le pouls sont corrects. On constate une plaie ouverte au menton ainsi qu'une épaule droite très gonflée.

Il faudra quelques minutes pour que la victime revienne à elle, et élucide d'elle-même le déroulement de ce saut mystérieux. Arnaud nous explique qu'au cours de sa dérive, il a ressenti une douleur importante dans l'épaule droite, et qu'au moment de l'ouverture, il était incapable d'exécuter le mouvement d'ouverture. Nous apprenons enfin que la victime avait déjà subi une intervention chirurgicale suite à un déboîtement de l'épaule droite et qu'à priori, celle-ci se serait déboîtée en chute.

Sans vouloir forcément relancer le débat de l'obligation d'emport du système de sécurité, nous pouvons une fois de plus constater son indéniable utilité. Le jeune Arnaud saute régulièrement, il est physiquement fort mais ne pouvait pas faire grand-chose par rapport à la situation.

Cela nous conforte dans l'idée de rendre obligatoire le système de sécurité quel que soit le niveau des parachutistes, et ces dernières années nous ont démontré que si cela avait été appliqué, nous aurions gardé en vie de précieux parachutistes, peu ou très expérimentés.

Osons espérer que cela puisse enfoncer le clou, persuader les derniers indécis, voire les quelques dinosaures réfractaires.

Olivier Metrot - Membre de la Commission technique permanente de la F.F.P.

 



171 août 2001

Poste de calibrage.



 
A propos de l'auteur

Au sein de l'état major de l'armée de l'air, l'adjudant-chef Jérôme Rouault est responsable de la sécurité des vols pour l'activité parachutiste sportive et militaire. Il a longtemps travaillé au Centre d'essai en vol de Brétigny lorsque celui-ci était en charge, par les ministères concernés, de tester les équipements sportifs et militaires. À noter que l'armée de l'air est en train de se doter de 200 Cypres Expert pour la réouverture des S.A.P.S.

 



 
La pièce maîtresse

La pièce maîtresse du déclencheur est sans nul doute le minuscule microprocesseur installé dans le boîtier de contrôle. Une quantité importante de données a été placée dans sa mémoire. Ces données ont été enregistrées durant les cinq années de recherches et dans toutes les configurations de chute possibles et imaginables (chute à plat, chute dos, loop, dérive, montée en avion ou position flotteur). Ainsi le Cypres est capable, en mesurant les variations de pressions à l'aide du capteur situé au coeur du boîtier de contrôle, de calculer la vitesse de chute du parachutiste et sa hauteur par rapport au sol quelque soit le déroulement du saut. A partir de toutes ces données, il est en mesure de détecter une situation dangereuse (chute libre à basse hauteur) et de déclencher l'ouverture du parachute de secours si nécessaire.

L'emplacement du capteur au beau milieu du boîtier de contrôle (donc enfoui au fond du parachute de secours) peut surpendre... Les tests ont démontré que la présence de tissu autour de l'appareil ne gêne absolument pas la mesure de pression. On pense ensuite au coup de l'altimètre dans la dépression : lorsque le parachutiste est en chute dos, l'indication d'un alti de poitrine est faussée, car il se trouve alors dans une zone de basse pression, ce qui a tendance à le rendre "optimiste". Dans le cas du Cypres il n'en est rien puisqu'il est tenu compte des variations de pression et non pas de la pression uniquement. Le Cypres est capable de mesurer une hauteur avec une résolution de 30 centimètres.

 



Les sectionneurs sont vérifiés aux rayons X.



 
Données communes
aux 3 modèles :

Boîtier de contrôle (L x l x h) :
88 x 57 x 28,5 mm
Boîtier de commande (L x l x h) :
65 x 18 x 6,5 mm
Longueur et diamètre du sectionneur :
43 x 8 mm
Longueur du câble du sectionneur :
500 mm
Température de stockage :
+71* à -25* Celsius
Température de fonctionnement
(il ne s'agit pas de la température ambiante, mais bien de celle de l'appareil qui, grâce à l'emplacement choisi dans le conteneur de secours, est bien isolé) :
+63* à -20* Celsius
Modification de la hauteur d'atterrissage :
+ ou - 500 m
Limites de fonctionnement :
- 500 m à + 8 000 m
Durée de fonctionnement après mise en marche :
14 heures

 



 
Les piles

Elles représentent la partie la plus volumineuse de l'appareil. Elles sont spécifiques au Cypres et distribuées exclusivement pour cet usage. Leur particularité consiste à pouvoir fournir beaucoup d'énergie dans un laps de temps très court tout en ayant une durée de vie très longue. Un procédé chimique met les piles en état de veille après un certain temps d'inutilisation, ce qui évite un déchargement trop rapide. Les piles sont réactivées lors de l'étalonnage du Cypres, juste avant la mise en service.

Leur durée de vie est de 2 ans ou 500 sauts. Elles sont fournies dans un emballage spécial (capitonnage des soudures, positionnement décalé afin qu'elles puissent rentrer dans le boîtier, il n'y a pas un demi-millimètre de trop !). Elles sont protégées par un fusible qui empêche la pile de se répandre dans le boîtier et dans le parachute en cas de mauvaise manipulation.

 



 
Sauts du soir, espoir...

Si vous commencez à sauter tard dans la journée ou pour un saut de nuit, attention au délai de 14 heures. En effet, en activant le Cypres en fin de journée ou en début de soirée, il sera encore en fonction le lendemain matin, mais il se coupera automatiquement et normalement dans le courant de la journée. Dans ces cas-là, il est préférable d'éteindre le Cypres et de le remettre en route.