Tout est dans la tête. La plupart des sports contiennent une part de mental, mais c'est encore plus vrai pour le parachutisme. Ainsi vous avez probablement fait votre premier saut parce que vous vouliez voir les réactions de votre cerveau face à la pression. Voici quelques indications pour pénétrer votre espace mental et le faire travailler à votre profit, quel que soit votre niveau parachutiste.

      Par Warren Slinsgby, psychologue du sport
       Traduction Jeff Ripoche.

L'imagerie mentale est le fait de se voir faire un geste, elle est utilisée pour s'entraîner ou pour répéter ce geste, par opposition à sa réalisation physique. Qu'il soit élève, confirmé ou compétiteur de haut niveau, elle ne dispense pas le sportif d'apprendre préalablement ce geste, bien au contraire . A droite : dernière répétition au sol pour Jean-Jacques Gourgeot avant d'embarquer pour un saut de finale du championnat de France à Agen, en 1995.

Jacques Baal répète physiquement
et mentalement sa voltige sur un petit simulateur.
Entraînement à Tallard en 1996.


Il n'est pas du tout question d'attendre d'être dans l'avion pour pratiquer l'imagerie mentale. Toutefois, ces longues minutes d'inactivité peuvent très bien être utilisées pour répéter une dernière fois les gestes tout en utilisant cette technique.
Record du monde de grande formation V.R. en Thailande - 1999.


Pour bien apprendre et répéter leurs gestes, les relativeurs utilisent des planches à roulettes.
Coupe de France 2000 à Bergerac.


En vol relatif de grande formation, ce sont surtout les couleurs et le positionnement dans la figure qu'il faut mémoriser. Ici pas de planche à roulettes, mais on se couche parfois dans l'herbe ou sur le béton...
Record du monde de grande formation V.R. en Thailande - 1999.


Les free-flyers, qui évoluent dans les 3 dimensions, doivent faire appel à leur imagination et à la simulation pour apprendre et répéter leurs gestes.
Coupe de France 2000 à Bergerac.

e parachutisme sportif a pour point commun avec de nombreux autres sports le fait que des gestes et des séquences sont appris et qu'ils doivent être restitués de façon correcte pour obtenir succès et sécurité. Le problème est qu'il n'est pas toujours facile de s'y entraîner. Par exemple, un footballeur de haut niveau peut tirer des penalties à l'entraînement. Cependant, il y a une grande différence entre le tir d'un penalty à l'entraînement et celui d'un match ! La plus grande différence provient des 40 000 spectateurs, dont 20 000 sont hostiles, huant, sifflant, raillant le tireur, et du fait que le futur de son club (promotion ou relégation) repose peut-être sur ses épaules.
Cet environnement différent produit des sentiments, des émotions et un niveau d'anxiété totalement autres. D'où la question : comment se prépare-t-on au tir d'un penalty ? La situation du tir pendant un match est la meilleure simulation mais également le pire moment pour essayer quelque chose !

De même, le meilleur moyen de s'entraîner au parachutisme est de sauter d'un avion puisque l'environnement est parfaitement recréé. Toutefois, quand on paye ses sauts, que le nombre de sauts par jour est limité par la taille de l'avion ou la météo, la possibilité de bien acquérir au sol les compétences requises est préférable.
C'est là que l'imagerie mentale apparaît comme une étape importante du processus d'apprentissage. Cela ne coûte rien, peut être mis en oeuvre pratiquement n'importe où et c'est facile à apprendre. De plus, la technique peut être adaptée à presque tous les sports et autres activités.

Imagerie mentale

L'image mentale est produite quand un geste est répété ou vu par l'esprit, par opposition à sa réalisation physique. L'imagerie mentale est le fait de se voir faire un geste, elle est utilisée pour s'entraîner ou pour répéter ce geste. Un faisceau d'études scientifiques tend à prouver que l'imagerie mentale augmente ou améliore les performances dans plusieurs sports.
Il existe deux types de représentation de soi : interne et externe. L'imagerie externe, c'est se voir mentalement comme si l'image provenait d'une caméra vidéo et ses deux principaux avantages sont : sa facilité de mise en oeuvre et la possibilité de se voir sous de nombreux angles différents. L'imagerie interne, c'est se voir agir de l'intérieur. Elle est généralement plus difficile à réaliser et peut être plus limitée que l'imagerie interne quant à ce qu'on peut visualiser. Par exemple, il n'est évidemment pas possible de visualiser les positions de la tête par imagerie interne.

Comment ça marche ?

Si le corps est détendu et l'esprit focalisé et vraiment concentré sur la tâche de visualisation d'un geste, le cerveau envoie réellement les bons signaux aux muscles afin qu'ils se contractent et fassent leur office. Seulement, ces signaux sont très peu intenses et en tout cas pas assez pour faire bouger les membres. Cependant, si on essaye, il se peut que l'on sente ses bras et jambes tressauter, comme "vouloir" bouger. Pendant ces instants, les muscles apprennent la bonne façon de se contracter.

Application au parachutisme

Sport mental par excellence, le parachutisme est une situation idéale pour utiliser l'imagerie mentale dans le but d'améliorer ses performances. Sur un terrain, on voit couramment des parachutistes expérimentés les yeux clos, imaginant chaque phase du saut à venir, souvent leurs mains bougent et prennent des prises imaginaires.

Préparation mentale

Le corps et l'esprit doivent être respectivement détendu et concentré. La meilleure façon d'y arriver est d'aller dans un endroit tranquille où l'on ne sera pas dérangé, de s'asseoir ou de s'allonger dans une position confortable.
Prenez quelques minutes pour vous détendre en vous concentrant sur la respiration. Pour respirer profondément de la bonne manière, il faut respirer avec le ventre plutôt qu'avec la poitrine. Lors de l'inspiration, il faut rentrer l'estomac et le relâcher lors de l'expiration. Faites ceci pendant quelques minutes, tout en vous assurant que les bras, les jambes, la tête et le cou sont lourds et semblent vouloir s'enfoncer dans ce sur quoi vous reposez.

Quand la détente est complète, vous pouvez commencer à répéter les gestes que vous souhaitez. Il est préférable de commencer par l'imagerie externe, commencez donc par visualiser un déroulement lent des actions comme si vous les regardiez au ralenti. Faites attention à vous concentrer sur les aspects importants de la technique. Visualisez cette séquence plusieurs fois. Enchaînez ensuite avec l'imagerie interne de cette même séquence. Ce qui est formidable, c'est que cet entraînement est gratuit. Vous vous rendrez également compte que votre confiance en vous augmentera grâce à une meilleure réussite des sauts. La visualisation deviendra elle aussi plus aisée, l'image mentale devenant de plus en plus précise avec les sauts.

Essayez !

Construisez-vous une séquence entière d'événements, en commençant par une imagerie externe puis en enchaînant sur l'imagerie interne de chacun des éléments. Commencez par le moment où vous prenez votre matériel, vous vous équipez et vous vous rendez à l'embarquement. Voyez-vous par les yeux de votre moniteur (ou partenaire de saut), voyez-le évaluer votre état de préparation pour le saut. Visualisez l'embarquement, votre sourire pendant le décollage et voyez comme vous êtes calme et détendu pendant la montée. Imaginez-vous sur axe aller à la porte et remarquez, comme le verraient d'autres yeux, à quel point vous êtes concentré.

Assistez au saut du point de vue de votre moniteur (ou partenaire) et notez que c'est un saut parfait. Continuez ainsi jusqu'à l'ouverture et même au sol, y compris le retour tout sourire à la salle de pliage.
Maintenant passez à l'imagerie interne. Concentrez-vous sur vos émotions à cet instant, il est probable que vous vous sentiez excité rien qu'à l'idée de vous équiper !

Voyez de vos propres yeux vos mains prendre le parachute et sentez comme vous devenez de plus en plus calme au fur et à mesure de la phase d'équipement. Déroulez la même séquence que celle visualisée en imagerie externe en voyant cette fois l'embarquement et la montée dans l'avion de l'intérieur. Imaginez comment ce sera à la porte et sentez que vous êtes parfaitement préparé.

Pensez à tous les sens ; le bruit de l'avion, le courant d'air frais, la vue du moniteur (du partenaire)... Passez en revue tout le saut, y compris votre parfaite exécution des exercices, au ralenti, et encore une fois, mobilisez tous vos sens pour obtenir une image la plus réelle possible. Terminez en voyant vos amis vous demander comment était le saut et en vous voyant leur répondre que c'était fantastique, le mieux qu'il soit. En attendant une éclaircie sur un terrain, essayez de répéter cet exercice toutes les demi-heures. Quand vous serez appelé à l'embarquement, vous trouverez le saut plus facile et vous serez plus calme parce que, dans un sens, vous vous êtes déjà entraîné à ce saut. Et nous savons tous que l'entraînement permet d'atteindre la perfection.

166 mars 2001