Près de 8 000 sauts effectués depuis ses débuts en 1979 sur le centre de Pau, des dizaines de titres nationaux et internationaux accumulés au cours de ces années, un record du monde civil de voltige à 5 secondes 40 inégalé depuis 1992... À 37 ans, Franck Bernachot n’est pas las de la compétition et espère maintenant accrocher à son impressionnant palmarès la médaille d’or du combiné individuel aux prochains championnats du monde ! Membre du Bataillon de Joinville depuis 1982, il est à présent le plus ancien compétiteur de l’équipe de France, mais son ambition et sa persévérance dans l’entraînement le situent toujours au top de la P.A./Voltige mondiale.


Propos recueillis par Christine Henaff le 10 janvier 2000.


Franck, tu es actuellement le vétéran de l’équipe de France masculine, comment gères-tu cette différence d’âge avec tes coéquipiers ?
L’état d’esprit est pour moi très simple, je n’ai pas affaire à des gens plus jeunes ou plus vieux que moi mais à des coéquipiers. Donc, il n’y a pas de barrière d’âge, même si parfois je les trouve un peu lourds !! Depuis 1990, un vent de changement souffle sur la P.A./Voltige et les anciens, avec qui tu faisais équipe, ont peu à peu fait place à des jeunes. Pour ma part j’ai très bien vécu ce changement dans l’équipe de France car je pense être resté très jeune dans l’esprit et je ne ressens pas de différence dans la mentalité, notre but à tous étant de progresser et de faire les meilleurs résultats possibles en compétition. On a ce fil conducteur qui fait que l’on s’accommode du reste sans même y penser.

Franck à ses débuts, en 1979.

Revenons à tes débuts. Un père militaire, une famille parachutiste, ton destin était-il tout tracé ?
Il est clair que je suis tombé dans la potion magique depuis tout petit. Je traînais sur les terrains de sauts car mes parents sautaient tous les deux, mon père s’occupait de l’équipe compétition de l’E.T.A.P. dès 1972 avant d’intégrer le Bataillon de Joinville comme chef de section. J’ai été baigné dans ce milieu depuis très jeune et ça a eu une influence certaine sur ma carrière sportive.

Tes choix en matière de sport ont-ils été influencés par la pratique future du parachutisme ?
Pas du tout, la natation était un bon développement sur le plan physique ainsi que le vélo que j’ai beaucoup pratiqué, mais ce n’était pas prévu pour le para. Par contre, on s’est aperçu qu’effectivement la natation est un excellent appui pour la voltige. Mais ce n’était pas le but initial.

Quelle personne ou raison a vraiment marqué tes choix dans la discipline P.A./Voltige ?
Plusieurs choses ont fait que j’ai choisi cette discipline. Tout d’abord le voile contact et le vol relatif n’en étaient qu’à leurs balbutiements et donc j’ai été orienté tout naturellement vers la P.A./Voltige. La deuxième raison est que j’ai débuté dans un centre où la voltige était fortement ancrée (Pau) puis j’ai basculé dans un autre centre où Jacky Devezeaud travaillait (Royan) et il m’a vraiment donné le goût de continuer. C’est bien La personne qui m’a transmis l’envie de faire de la voltige et de la précision d’atterrissage.

Qu’est-ce qui t’attire le plus dans la pratique de la voltige ?
C’est de contrôler mes gestes dans un environnement très différent du sol. En effet, au sol, engendrer un mouvement très rapide est relativement facile, mais en l’air il faut arriver à le contrôler et ce qui me plaît c’est justement la recherche technique de ce geste qui permet d’aller le plus vite possible.


Le carreau sous le talon...
Coupe d’Europe à Graz (Autriche) en 1985.

Le fait que ce soit une discipline individuelle n’a pas influencé tes choix ?
Il est vrai que j’ai plus un tempérament de compétiteur individuel, ce dont je n’avais pas conscience à mes débuts malgré le fait que je pratiquais la natation qui est plutôt un sport individuel. Mais bon, je faisais également du foot et si mon destin avait été différent, je me serais peut-être découvert une âme de collectif.

As-tu des regrets ?
Les J.O. ! Je pense qu’on avait moyen (F.F.P. et F.A.I.) en 1988 lors de la démonstration aux J.O. de Séoul (Franck et Sylvette Carjuzaa représentaient la France sur une compétition de P.A. qui se déroulait dans le stade olympique) d’enfoncer le clou pour notre participation aux Jeux futurs. Mais je crois sincèrement, d’après ce que je sais, que le dossier a été très mal défendu. C’est regrettable...

Championnat de France à Royan en 1994,
Franck gagne la voltige devant Olivier Seigner.

En 1998 tu gagnais la voltige aux championnats du monde, mais l’année suivante à Zagreb lors des jeux mondiaux militaires tu terminais troisième derrière un Philippe Valois inaccessible. As-tu analysé cette défaite ?
Tout d’abord Philippe a tourné comme une bête, de l’ordre de 5.75 de moyenne, et était difficilement accrochable. Pour ma part il est certain que j’ai tourné en dessous de mes possibilités mais beaucoup de facteurs entrent en jeu et font que mes premiers sauts n’étaient pas à la hauteur de mes capacités. De même il y a toujours plein de facteurs qui font que tu gagnes ! En fait les premiers jours de compétition à Zagreb ont été très durs. J’ai fait 4 re-sauts pour la première manche et j'ai donc passé 4 journées complètes sur le terrain avant d’officialiser mon premier saut. Tout cela dans des conditions assez dures vu qu’il faisait très chaud et que j’étais souvent seul sur le terrain pendant des heures, les autres compétiteurs étant au repos en chambre. Physiquement c’était très éprouvant, il m’a fallu quelques jours pour ré-entrer dans la compétition ; j’ai 37 ans et à cet âge on accuse plus le coup qu’à 24 ! Pendant ces jours difficiles, j’ai donc effectué deux sauts de voltige et un de PA qui ont été des contre-performances ; mais ensuite tout est rentré dans l’ordre et les sauts étaient plus de mon niveau actuel. Mais le retard était pris. Pour moi tout cela est un problème physique, en aucun cas technique. Je suis passé à côté de cette compétition.

Un grand champion tel que toi accepte-t-il facilement la critique ?
On a pu remarquer que Christian Lubbé, l’entraîneur national, te suivait d’un oeil mais n’était pas réellement un entraîneur pour toi.
Il est vrai que je n’ai besoin de personne. Je le dis sans prétention, je me suis fait tout seul. Au tout début de ma carrière, un Monsieur avec un grand M, m’a donné toutes les bases, que je travaille encore, et je suis toujours dans ce canevas-là, dans cette ligne de conduite. Un troisième oeil de temps en temps n’est pas néfaste, mais je reste sur ma ligne même si aux dires de certains je pourrais aller encore plus vite en changeant quelques trucs. Jusqu’à preuve du contraire, ma méthode fonctionne bien et je n’ai pas encore jugé utile de changer puisque les résultats suivent.

Championnat de France 1987 à Vichy :
La totale ! Franck est premier dans les 3 disciplines :
P.A., voltige et combiné.

Penses-tu encore continuer longtemps la compétition à haut niveau ou as-tu d’autres projets ?

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Ses 10 Résultats les plus importants

1 - Record du monde de voltige (5 " 40) «Un saut inoubliable, une journée complète de compétition pour effectuer un seul saut (beaucoup de “stand-by”), il s’est passé 8 heures environ entre mon 1er décollage et le saut réel, 3 décollages et 17 passages sur axe, au total un peu plus de 3 heures dans l’avion.»

2 - 2ème titre de champion du monde (1998) «Depuis quelques années, on me catalogue dans les “pré- retraités». Pour beaucoup de gens, lorsque l’on a été champion du monde, on n’a plus rien à prouver. Pour moi, il y a d’autres challenges : - Arriver à être parmi les meilleurs et champion du monde, c’est bien. - Rester au top niveau sur plusieurs années et être à nouveau champion du monde, c’est encore mieux ! Réussir ce challenge en 98 a été pour moi une grande satisfaction. Et puis j’ai prouvé à beaucoup de gens qu’en fait l’âge importe peu. Ce qui compte c’est la tête.»

3 - 1er titre de champion du monde (1990) «Au vu des résultats de la saison 89-90, personne n’aurait parié sur moi pour un titre mondial. Et puis coucou ! Me voilà... D’autre part, cela faisait 14 ans qu’un Français avait gagné (Jean Dermine en P.A. en 1976)».

4 - 1er titre de champion du monde militaire (1985) «Début de ma carrière sportive. Ce 1er titre m’a fait prendre confiance. Je pouvais battre les meilleurs.»

5 - 1er titre de champion du monde du combiné par nation (1990) «C’était historique !! Jamais la France ne l’avait gagné auparavant.»

6 - Ses différents titres en P.A. individuelle. «87-90 : Champion de France de P.A. 89 : Vainqueur coupe du Monde des champions en P.A. Bien que l’on me catalogue systématiquement comme excellent voltigeur et P.A.tiste “moyen”, j’ai pris plaisir à remporter aussi des titres en P.A.»

7 - Les J.O. de Séoul (1988) «Moment exceptionnel dans la carrière d’un athlète dont la discipline n’est pas olympique. Le saut dans le stade lors de l’ouverture des jeux devant 120 000 personnes : INOUBLIABLE ! !»

8 - Ses titres de champion du monde P.A./Equipe «1986 : Malgré “les magouilles” internationales et les bagarres sur “tapis vert”, on a gagné sur le terrain.» «1990 : Nous avons fait une compétition parfaite en P.A. en signant le meilleur score jamais réalisé : 5 cm sur 10 manches à 4 (40 sauts).»

9 - Médaille d’argent au Championnat du Monde (1994) «Beaucoup de problèmes dans l’année de préparation, beaucoup de problèmes relationnels avec l’entraîneur national de l'époque qui ne mise d’ailleurs pas “1 Kopek” sur moi. Malgré cela, je signe le meilleur résultat individuel de l’équipe homme.»

10 - Ses trois titres de champion de France 1987 «P.A. : 2 cm au 1er saut, ensuite 9 carreaux ! Voltige : Malgré les problèmes de règlement (système de jugement par points), je gagne avec 6" d’avance sur le 2. Combiné : Je gagne évidemment le combiné.»