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K.L.
en Chute
Depuis quelques temps, au hasard des terrains, on croise des fondus de la glisse absolue qui se la jouent verticale à «donf» et en solo, de 3 à 4000 mètres daltitude. Sils ont le sens du challenge perso, leur marginalité originale, avec un petit goût pour la compète, peut maintenant sorienter vers le Kilomètre Lancé en chute.
T e x t e s e t P h o t o s p a r M i c h e l P i s s o t t e  
Les 17-18-19 septembre, Didier Boignon et Mike Brooke ont organisé à Gap-Tallard ce qui est sans doute la première compétition européenne de K.L. en chute. 15 participants dont 3 jeunes femmes, cest peu et pourtant le thème est aussi attractif que technique.
On a en mémoire le très audacieux «objectif vitesse» de Bruno Gouvy (voir ParaMag n° 40 de 1989).
Alors tout jeune parachutiste, Bruno Gouvy sessaya à trouer lair, tiré par une ogive lestée de 50 kg de plomb. Il visait les 950 km/h, daprès ses rigoureux calculs que lui permettait sa formation dingénieur.
Après 4 essais entre 10 et 12 000 mètres, il fut crédité dune vitesse de 539 km/h par les radars de tir du Centre dessai des Landes.
Cest sans ces accessoires (ogive et oxygène) et dune altitude budgétairement raisonnable que Didier et Mike ont gambergé «vitesse» à partir des échos de concours organisés aux U.S.A.
Lhistorique est vite fait. Cest au printemps américain de 99 que des constructeurs davertisseurs sonores ont collaboré à lorganisation de courses. Leur matériel, par lextension de logiciel, offre la mesure et la mémorisation de nouveaux paramètres, dont les vitesses verticales.
A Sebastian (Floride), Cool & Groovy proposèrent lEvolution 2000 qui permit au gagnant, Chris Lynch, dêtre mesuré à 418 km/h. A Deland, Larsen & Brusgaard proposèrent le fameux Pro-Track, un petit bijou dinformatique avancée.
Cest John Arne Løken qui lemporta avec 439 km/h. La Norvège, qui a le goût du risque (voir la culture du saut à ski), a tenté trois compétitions de vitesse là-haut, au nord du Nord, en 1999. La météo empêcha la première, la deuxième, à Voss, regroupa 4 compétiteurs... Ce qui fit jeter léponge pour la troisième. Depuis les Norvégiens ont décidé daller rafler les prix ailleurs dans le monde. Pas en Angleterre où, en juillet 99, fut organisée avec des Evolutions 2000 une course verticale à Hibaldston, entre «brits» (home sweet home) avec la participation de 24 concurrents dont 2 femmes. Cest Jude Haig, une jeune étudiante en médecine sociale, qui gagne chez les femmes avec 226 miles de vitesse moyenne. Elle a en tout et pour tout 250 sauts, elle est passée de la P.A.C. au freefly et ne connaît pas le mot «relatif». Ian Chapman, dit Chapi, 3 200 sauts, instructeur A.F.F. et tandem, est crédité de 260 miles/heure, on laisse au lecteur le soin de faire la conversion en unités «normales». Pour nos compères gapençais, il fut évident que ce serait sur 1 000 mètres, un bon kilomètre républicain, que lidée vitesse pourrait être réimportée en France. Passer de ce kilomètre vitesse au K.L. en Chute, il fallait y penser ; cest médiatiquement bon.
Le grand public peut associer assez vite avec ces géants de la vitesse des cimes qui le font frissonner chaque hiver à la télévision. Les KListes des neiges sont une petite tribu de femmes et dhommes qui depuis une vingtaine dannées déboulent en position parfaitement contrôlée des pentes affolantes.
Cest aussi ce que pensait le Norvégien Ken Hansen lorsquil débuta la chute en 1985. Dix ans plus tard il tombe sur une brève dans le mensuel U.S. Skydiving où «Charles Brian aurait dépassé les 500 km/h, mesuré par un prototype du Skycorder».
Les Paranautes francophones savent quen Avignon des fanas du «à fond la caisse» ont flirté dans la zone des 400 km/h et que Geraud Tellier sest offert un 470 km/h de vitesse de pointe en juin 99. Le principe mis en place à Gap est de chronométrer la vitesse moyenne entre 2 600 mètres et 1 600 mètres, soit un vrai kilomètre lancé avec un départ de 4 000 mètres et un arrêt impératif du piqué à 1 200 mètres sous peine dexclusion sans retour. Cest là quintervient Niels Brusgaard et sa machinerie informatique top niveau. Portable, souris, imprimante couleur, logiciels, caméra numérique, connexions et un ProTrack que chaque compétiteur se velcrote à la cheville. Après le saut, Niels fait apparaître la courbe des vitesses mesurées par le ProTrack et lordinateur calcule la vitesse moyenne entre les 2 altitudes choisies. La compétition étant expérimentale, il y avait un maximum de souplesse pour la participation. Dès la fin du briefing du vendredi matin, les participants étaient engagés à sauter autant quils pouvaient, seule la meilleure performance étant retenue pour le classement le dimanche soir.
Cest ainsi que Philippe Valois a pu faire des sauts de K.L. le vendredi et partir pour Vincennes à la finale du championnat de France de P.A. le week-end. Alors que Philippe Tinet, Benoît Roussel et Pascal Passard nont pu jouer que sur 1 à 3 sauts le samedi après-midi, le dimanche baissant un rideau météo sans espoir.
On part de lavion à son aise, face moteur, piqueur queue, voire en boule comme Jude. La mise en verticalité (90° soit 200% !) passe par une dérive enivrante, enfin ce quon pense être à la verticale.
Là pas question de laisser traîner une jambe ou des appuis mains. Il faut assez rapidement tout rentrer pour offrir un CX (indice de pénétration) le plus faible possible. Il y a la barrière des 350 km/h, le cap des 450 km/h et le club très fermé des 500 km/h. Les premiers chronos peuvent être décevants : on se sent à la verticale, bien calé, alors que la cambrure parasite de lexpérience à plat entraîne une dérive ultra rapide. Curieusement, il est difficile dêtre constant dans ses performances, personne néchappe, un saut ou lautre, à la cambrure-freinage quil est délicat de rattraper quand on est installé dans une position. A priori les voltigeurs et les freeflyers sont les mieux placés pour entrer en verticalité. Ils piquent et volent aisément dans la zone des 300 (ProTrack dixit). Mais tenir, tout est là, dans une accélération constante. Les collectionneurs de ParaMag peuvent se donner une idée en regardant les très bons clichés des couvertures du numéro 40 de septembre 1990 où Maryvonne Simon est prise en piqué absolu par François Rickard et le numéro 84 daoût 1994 où Thierry Butzbach, en légère dérive dos, est photographié par Bruno Passe. Ce quon ressent à partir de 300 km/h dans cette situation est aussi difficile à exprimer que le vécu dun premier saut. Le mot commun qui circule de lun à lautre en diverses langues : «adrénaline». Tendu musculairement vers le sol qui envahit le regard, tous les repères pépères basculent, le pied ! Comment en sortir ? Les plus rapides, donc les plus exposés, expliquent quils repassent par une dérive frontale ou dos avant de sortir quoi que ce soit. Après il faut soffrir un temps de vraie parachutale pour décélérer et obtenir une transition douverture raisonnable. Ca sapprend vite, confort oblige. Ce vol vertical décoiffe en dedans, tout à lopposé dun contemplatif saut en combinaison ailée. Attention au-dessus de 500 km/h, les derniers 1 000 mètres savalent en à peine 7 secondes. Quel avenir ? Un effet de curiosité personnelle. Pourquoi pas, des revendeurs louent 10 fr. par saut le ProTrack. On peut savoir ce quon vaut. Mais prudence, un saut K.L. se prépare. Côté matériel, il faut soigner son équipement : élévateurs bien plaqués sous des rabats fiables, conteneurs bien tendus par des loops un peu fermes, système douverture et de secours bien rangés dans les logements, élastiques et velcro en bon état. Côté casque, alti sonore au plus près de loreille et flash si possible. Le déclencheur douverture de sécurité révisé et sur «on». Rien ne doit flotter, le harnais très ajusté et la sangle de poitrine serrée comme une contrainte. Une combinaison serrée au corps, ou les jambes nues, mais un pantalon qui frotte lair facilite lancrage vertical à lentraînement. Le saut se pense à lavance et non par opportunisme car on a glissé à la porte et perdu ses copains de relatif. A Gap, il y avait le passage à 4 000 mètres pour 2 concurrents qui partaient à 10, 12 secondes lun de lautre. Comme en freefly, gare à la dérive. Le premier était correctement suivi par le télé-vidéo du sol et, surprise, si la zone de sauts nest pas trop sonore on entend «comme le bruit dune formation à 100 avec un grondement de jet», selon des parachutistes sur place. Mais passée la curiosité, y aura-t-il effet de mode ou compétitions ? Mode, ça paraît trop technique pour, mais compétitions internationales de haut niveau... certainement. On parle déjà de création de ligue, comme le classement des joueurs de tennis, ou de linscription de la course de vitesse dans une espèce de pro-tour. Il y a matière à une innovation médiatique, même si pour linstant ça manque dimages en piqué. Alors, des sponsors, des champions, des records et surtout des prix ! Les annonceurs ou industriels vont sy intéresser car le genre est superbe de simplicité et dabsolu. Le style fait encore lhomme et lépoque justement manque dhommes qui vont sereinement, bien, vite et droit. Retrouver la suite de cet article...?
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