L'article du mois :

La Bataille de Vichy

 

Mauvaise surprise pour le dixième anniversaire du boogie de Vichy, organisé par Espace Boogie : l'Antonov 72 annoncé n'était pas là et la météo s'est montrée très capricieuse. Les organisateurs se sont véritablement battus pour permettre aux participants de s'exprimer dans toutes les disciplines présentes.


Par Bruno Passe  
Photo Wendy Smith

Vendredi 24 juillet au soir, bien en vue à l'entrée du manifest, une affiche attend les arrivants sur le boogie. On peut y lire les informations suivantes. "L'Antonov 72 est bloqué au Yemen depuis le lundi 20 juillet pour raisons politiques. L'Hercules prévu en remplacement est retenu au Tchad pour ravitaillement en eau d'urgence. Le jeudi 23 juillet, l'organisation Espace Boogie a contacté toutes les personnes joignables et inscrites au boogie. Nous nous excusons auprès des personnes n'ayant pu recevoir notre message afin de les informer de ce changement. Le boogie sera organisé avec 2 Casa, 1 Skyvan et 1 Super Twin Otter, altitude : 4200 mètres, prix du saut : 128 fr., organisation + vidéo : 18 fr."

Photo Jean-Pierre Roy

Quelques jours seulement avant le début du boogie, Joël Cruciani a donc eu à choisir entre l'annulation ou le maintien. Conscient que l'âme d'Espace Boogie ne se résume pas à la mise en place d'un avion performant, c'est le maintien qui a été choisi. Il aurait été dommage d'annuler une manifestation où sont effectués parmi les meilleurs sauts en Europe. Mais quelle chance pour tous que les avions de Boogie Performance aient pu se libérer durant cette période, faute de quoi le boogie n'aurait vraisemblablement pas eu lieu.

Une fois les avions mis en place, les problèmes étaient loins d'être résolus. Spécialisé depuis 10 ans dans la gestion d'avions gros porteurs, Espace Boogie doit faire face cette année au véritable casse tête d'un avionnage multiple : les 2 Casas et le Skyvan pour les 2 premiers jours, le Twin Otter n'arrivant que le dimanche soir. De plus les 2 Casa doivent parfois voler en formation pour ne pas diviser les plus grand groupes. De quoi faire perdre la tête à Pascal Favier et Claude Daviet, responsables techniques de ce boogie.

Ca coince sérieusement à l'avionnage et la cadence de sauts est lente. L'absence du jet se fait cruellement ressentir et ni la douce voix de Béa au manifest, ni les interminables aventures de "Melon et Melêche" (*) ne suffiront à effacer ce désagrément...

A l'embarquement, ça se complique aussi, il faudrait plutôt parler d'embarquements pluriels et simultanés, les avions se posant et décollant les uns après les autres. Franck et Marco, de l'équipe Boogie Performance sont venue habilement prêter main forte à celle d'Espace boogie, car le travail ne manque pas.

Grâce à la la persévérance de chacun(e)s, ce qui, depuis 10 ans, a fait du rassemblement de Vichy une fête et une réussite reste d'actualité. Un vaste chapiteau équipé d'un plancher accueille la restauration, le bar, les salles vidéo. Comme chaque année le système d'organisation de sauts se montre efficace ; il se décline maintenant dans toutes les disciplines : vol relatif, chute assis, skysurf et free fly (voir encadré "L'organisation de sauts au scanner). Chaque soir, un montage vidéo des sauts de la journée est présenté par le talentueux Stéphane Cruciani.

Tant bien que mal, la machine s'est mise en route. Après 2 jours de beau temps, une pluie diluvienne se met à tomber sur le village de la Chute, transformant le camping en véritable champ de bataille boueux. Un court répit qui permet aux organisateurs de se caller davantage et d'optimiser la cadence de sauts, le Super Twin Otter de "Train In Spain" étant maintenant arrivé.

Photo Willy Boeykens

La semaine va continuer à ce rythme, entrecoupée d'attentes dûes à la météo ou au trafic aérien : et oui, le ciel de Vichy n'échappe pas à la règle ! La moindre trouée de ciel bleu, et le boogie repart, dans des conditions parfois nuageuses qui freineront les sauts de grande formation, toujours dans les bonnes limites de la sécurité.

L'absence d'un gros porteur a malheureusement gâché ce qui aurait du être la grande fête des 10 années d'Espace Boogie. Alors que l'on aurait pu s'attendre à de nombreux dessistements, on constate que le nombre d'inscrits n'est que légèrement inférieur à celui des années précédentes. Il en est de même pour le nombre de sauts : sans les attentes dues à la météo et au trafic, on peut considérer que la cadence, qui s'est améliorée après les premiers jours, était d'un niveau correct pour un boogie de cette envergure. Comme pour le boogie de mai (voir ParaMag n°133, juin dernier) la complémentarité entre Espace boogie et Boogie Performance a porté ses fruits.

Pour finir, et comme si la fête n'avait pas été suffisament freinée, le mauvais temps s'est installé les 2 derniers jours : plafond bas et forte humidité. Les 2 derniers avions auront lieu le samedi soir, dans une éclaircie inattendue. Le lendemain, c'est dans un nouveau champ de boue que les participants remballent leurs affaires, avec un léger arrière goût de trop peu.

Le boogie s'est achevé sous la pluie mais sans amertume pour les plus patients. Comme chaque année, les sauts étaient généralement de qualité dans chaque discipline. À propos, vous voulez une bonne nouvelle ? Ce boogie de Vichy n'était pas le dernier : Joël Cruciani remet ça l'année prochaine. À titre de revanche, il garantit ne plus être victime de la fatalité. L'an prochain, pour son boogie de printemps et d'été, il y aura du "gaz" !....

 

(*) Longue série de gags exprimés au micro par quelques organisateurs de sauts, en fonction de leur imagination débordante ou de celle des participants. Le niveau étant situé le plus souvent en dessous de la ceinture, nous ne les publierons pas ici. Jeff Ronzevalle, initiateur de cette kyrielle, en possède la liste complète...

Quelques chiffres

560 inscrits (607 l'an passé)
8 840 sauts (12 420 l'an passé)
422 rotations
3 blessés à l'atterrissage, dont un qui doit la vie sauve à l'équipe médicale sur place.
1 collision sous voile, 2 en chute
1 déclenchement Cypres

Du coté des revendeurs...

Les boogies sont toujours une bonne opportunité de rencontrer les professionnels ou d'essayer du matériel. Parmi les nombreux revendeurs présents à Vichy, il était difficile de manquer Parafun, venu principalement pour présenter son nouveau sac-harnais Advance. Son stand était un fait un semi-remorque d'exposition confortablement aménagé pour la circonstance. Quelques sac-harnais y étaient à disposition pour essais au sol, la certification n'étant pas terminée il n'était pas possible de sauter avec l'Advance. Mais le clou de la présentation reste sans nul doute la grande tombola organisée lors de la soirée anniversaire des 10 ans du boogie : un numéro de bracelet devait être tiré au sort pour désigner le gagnant d'un sac-harnais Advance offert par Parafun. Seule condition pour que l'heureux élu puisse remporter le lot : être physiquement présent ce soir là sur le boogie. Il a fallu s'y reprendre à plusieurs fois, les premiers désignés étant absents, ce qui augmenta le suspens et le jeu. Finalement c'est un Allemand qui a gagné l'Advance.

L'organisation de sauts au scanner

Pour le dixième anniversaire Espace Boogie, Joël Cruciani, le grand manitou de "la tribu des hommes qui dansent dans le ciel", n'a pas été gâté. Il était à deux doigts de tout annuler. Pas d'Antonov 72 et moins d'altitude : cette perspective de ne pas assouvir la tribu offusquait sa motivation. "J'ai eu l'impression de faire machine arrière" confiait-il. "Mais il fallait mieux foncer que tout annuler". Effectivement, l'annulation n'aurait pas été recevable. Les problèmes de dernières minutes ont été compris et acceptés, très certainement parce que le label Espace Boogie fut mérité au fil des neuf années précédentes. Et puis le boogie de Vichy c'est aussi l'ambiance, les rencontres, la qualité et l'organisation des sauts avec une vidéo pour tous à chaque seconde de chute. Toute l'équipe Espace Boogie s'est donc serré les coudes pour qu'au moins cela ne manque au menu.

La nouveauté de cette année fut l'organisation des sauts en free fly. Certes, tant de choses sont à améliorer en la matière, mais en proposant une brochette de "maîtres" de free fly, Espace Boogie fut la première structure du genre à proposer une organisation de sauts pour cette discipline en effervescence. Même le Free Fly Festival annuel d'Eloy n'est pas encore allé aussi loin. A Vichy, en plus d'une bonne partie du gratin français : Sébastian Mérian, Sylvain Turina, Stéphane Fardel, il y avait une bonne partie du gratin américain : les Fly Boyz et l'ex trio des Free Fly Clowns : Olav, Omar et Charles Bryan.

Photo Wendy Smith

L'organisation des sauts en free fly est un nouveau challenge pour Espace Boogie. On organise pas du free fly comme on organise du vol relatif : les groupes de 20 à 40 ne sont pas encore viables et l'encadrement des free flyers débutants et intermédiaires ne se fait pas à plus d'un, deux ou trois postulants pour un instructeur. Il y a donc ici un problème de rentabilité à gérer selon les niveaux techniques et le nombre de personnes constituant les groupes de free fly. Les free flyers les plus exigeants ont reproché le manque de disponibilité des organisateurs. Certains étaient disponibles, d'autres moins ; mais tous n'étaient pas rémunérés, simplement défrayés. Tout travail mérite salaire...

Les participants les plus expérimentés ont pu jouer et partager les sauts insolites organisés par les "maîtres" présents à Vichy pour animer plutôt qu'organiser. Une fois prochaine, les organisateurs de free fly devraient être rémunérés, ils seront alors plus disponibles. Cette année il y eut donc davantage de démonstrations que d'organisation de free fly : démonstrations à l'image du boogie de Vichy, où se côtoient techniques, nouveautés et innovations. Le soir, on a pu savourer sur l'écran géant les "big ways" autour des manches à air géantes de Babylon (voir ParaMag n° 135), quelques sauts de dérives de Sébastien Mérian et autres délires de free flyers.

En chute assis, ils sont "champions du monde" comme l'a crié si fort Alain Cruteanski, alias "Skygod 1er" du temps où il ne savait pas encore que "la chute à plat, c'est pour les craignos". Les chuteurs assis, organisés par OJB, ont battu leur propre record de formation en s'accrochant à 14. Record sauvage et non officiel bien entendu, puisque tous les participants ont signés une sorte de charte afin que leur performance ne soit reconnue par aucune entité, en dehors de la leur ! C'est pour cette majestueuse raison qu'Alain, actuel recordman non officiel de formation en chute assis, s'est égosillé chaque soir durant à crier sous le chapiteau : " La chute assis.... champion du mooooonde !" Un grand bravo au groupe de chuteurs assis où régnait une ambiance formidable. Mais seul les amateurs de l'humour gras, caustique et redoutable d'Alain Cruteanski reconnaîtront qu'il a raison lorsqu'il écrit dans le cahier des suggestions disponible au manifest : "Sans moi , y'a pas d'ambiance, sans moi on serait pas champion du moooooonde ! ..."

Photos  Stéphane Doublet

En vol relatif, d'année en année les postulants aux sauts organisés respectent davantage les deux règles indispensables à la réussite de l'organisation : être capable d'apponter régulièrement sur une figure à 10 et respecter l'argent et le plaisir de ceux qui tiennent leur place dans le groupe.

Photo Willy Boeykens

Espace Boogie remercie particulièrement Yves Négrié et Titou Auvray pour avoir animé patiemment un groupe de débutants se faisant la main le plus souvent sur l'approche et l'appontage. Yves et Titou ont ravi, à force de pédagogie, une grosse poignée de jeunes relativeurs en herbe vivant le début de leur passion.

Didier Boignon, Mike Brooke, Dario Jotti, Dave Morris et Richie ont équilibré le vol de leur groupe dans la bonne humeur. Les points s'enchaînaient plus ou moins et selon les sauts à condition de ne pas grossir le groupe à plus de 20 personnes. L'anglais Darryl Moran aurait eu besoin de davantage d'altitude pour que son groupe à plus de 30 s'éclate autant que l'an passé. Groupe un peu chargé aussi pour Jeff Ronzevalle qui aurait enchaîné plus facilement la deuxième ou troisième figure s'ils avaient été moins de 30. Le groupe passe quelques jolis sauts de qualité.

Les 36 relativeurs qui constituent le groupe de Patrick Passe sentent la tendance d'entrée de jeu : "Il n'y a pas d'Antonov, on a pas 5 000 mètres, la météo sera très moyenne, hors de question d'avoir des sauts qui cafouillent. On ne s'amusera cette année à Vichy que si les sauts sont parfaits". Sur les 20 sauts réalisés par le groupe, une quinzaine de séquences à 36 à 3 points sans faute, dont 2 avec un jewel et un diamant pointu (tout le monde dans le même sens) en première figure. Le groupe évolue en laissant chaque année la porte entrouverte à de jeunes relativeurs perfectibles.

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