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FREE FLY FESTIVAL 97

Après le succès du Free Fly Festival 96 à Eloy, l'organisateur Charles Bryan réédite l'événement du 10 au 16 novembre dernier. Si l'an passé, le Festival concernait plutôt un groupe de 10 personnes, il souhaite cette fois organiser un boogie free fly qui accueillerait au moins une centaine de participants.


Texte par Patrick Passe- Photos par Adrian Nicholas et Patrick Passe

Rappelons que Charles Bryan était le talentueux vidéoman de l'équipe Free Fly Clowns, constituée d'Olav Zipser et Omar Alhegelan, les deux grands pionniers de la discipline. Revenons trois années auparavant, durant une journée comme les autres pour les Clowns. Ils sont assis près de la porte en plexiglas d'un des Twin Otter de Skydive Arizona. L'avion les monte à l'altitude pour leur énième saut d'entraînement de la journée. Ils partiront premiers du passage, juste avant le groupe de relativeurs organisé par George Jicha, jump master à Eloy. Comme dans de nombreux avions du monde entier à cette époque, celui-ci n'emporte pratiquement que des relativeurs. George regarde les trois Clowns dans leur baggy suit au design arlequin. Il se demande certainement si le freefly ne sera qu'un vent de folie, une mode, ou si au contraire...

"Tu es en train de regarder le futur !..." lui dit alors Olav ayant remarqué que le relativeur les examinait. Celui ci s'extirpe de ses pensées, acquiesce avec un léger sourire au coin des lèvres. Il doit se dire qu'après tout ce Zipser a peut être raison. Et il avait raison, puisque trois ans plus tard, au beau milieu de ce mois de novembre 97, 150 free flyers sont au rendez-vous de cette grande salsa du vol multidimensionnel. Impatiemment, ils ont attendu ce voyage vers le futur, billet d'avion en poche pour le désert d'Arizona.

Samedi et dimanche 8 et 9 novembre, les free flyers arrivent à Eloy. Charles est impatient de voir combien seront au rendez-vous. Ils viennent des quatre coins du monde. Beaucoup d'Américains bien sûr, quand à l'Europe elle est représentée principalement par les Allemands, les Français (une bonne dizaine) et les Italiens. Comme l'an passé, Charles Bryan a constitué un groupe de 8 à 10 free flyers parmi les meilleurs. On y retrouve les Fly Boyzs, John Alaska, Adrian Nicholas, Knut Krecker, Claude Tzifkansky, Mike Vail et bien sûr Olav Zipser, celui que tout le monde surnomme maintenant "le père du free fly". Ensemble ils feront une cinquantaine de sauts dans le but de pousser la discipline en avant, comme ce fut le cas pour le Free Fly Festival 96 dont les sauts magiques furent présentés dans la vidéo cassette "Chronicle II". Pour ce Festival 97, Charles Bryan procède de la même façon que l'année précédente : il paie les sauts aux membres de ce "top groupe", en échange desquels il gardera leurs images vidéo pour la réalisation de "Chronicle III".

Nous sommes lundi 10 novembre, premier jour officiel du Festival, la fête peut commencer. Une centaine de personnes sont déjà là, une autre cinquantaine arrivera au fil de la semaine. Dans la grande salle de pliage du centre d'Eloy, à regarder les combinaisons amples des free flyers, on croirait plutôt être à la fin des années 70. Mais il n'est guère besoin de beaucoup d'observation pour réaliser que nous sommes proche de l'an 2000 : de nombreuses personnalités s'affirment par des percings pincant le nombril ou le lobe de l'oreille, ou prenant racine dans la chair du cuir chevelu ou du sourcil. D'autres affichent de magnifiques tatouages et les cheveux longs poursuivent la mode. La musique techno rythme le pliage ainsi que les images de free fly fraîchement réalisées et présentées non stop sur un banc de montage équipé de plusieurs téléviseurs. L'ambiance diurne a une tendance "rave party" dont les boissons énergétiques sont remplacés par le rush free fly.

Le groupe à dix de Charles Bryan semble évoluer avec moins d'enthousiasme que l'an passé. Toutefois, parmi les quelques sauts remarquables, il y a le "tracking dive" orchestré par Olav Zipser : après une sortie accrochée rapidement verticalisée, chacun lâche et fait face à Olav. Celui ci amorce une dérive tête en bas avec forte incidence arrière qui s'accentue. Le groupe le suit en incidence avant. Avec une grande vitesse verticale, l'incidence devient sans délai une forte trajectoire oblique, dessinant de larges spirales dans le ciel selon le bon vouloir d'Olav Zipser, guide des "trackers" pour l'occasion. Le groupe conçoit aussi de jolis sauts plus statiques avec la construction de figures à deux étages. Des sauts de trajectoires sont réalisés où chacun se suit en dessinant un parcours en forme de huit balisé par Bill Beaver, le seul "belly flyer" (chuteur à plat) suivant du free fly, et Eli Thompson (Fly Boyzs) engagé dans une toupie verticale dont l'impressionnante vitesse de rotation provoque un effet stroboscopique important sur les images vidéo de sa caméra numérique.

Parallèlement au groupe de Charles Bryan, Omar Alhegelan a choisi d'être organisateur de sauts durant toute la durée du Festival. Il se partage entre plusieurs groupes, rassemblant successivement des personnes de différentes expériences et nationalités, mélangeant les uns aux autres, en tenant compte de leur niveau technique. Il organise aussi quelques sauts avec la Skyball, et il est disponible pour faire passer le test "Skyball" (voir encadré).

La semaine s'écoule sur ce rythme presque nonchalant, entrecoupée de trois jours de grisaille un peu frisquets, qui permettent toutefois de continuer à sauter mais qui ne correspondent pas au "mythe Arizona" où le soleil tiédit en rougissant derrière l'horizon. L'avant dernier jour du boogie, Olav organise avec succès un saut à 23 qui se déroule parfaitement. Le noyau central, constitué principalement des membres du "top groupe", reçoit en périphérie les free flyers parmi les plus expérimentés. C'était d'avantage ce type de sauts que ces derniers étaient venu chercher au Festival. Et ce fut le seul regret de l'événement.

Les free flyers ont pu sauter entre eux, apprendre à se connaître, se mélanger, être contents ou déçus selon la qualité des sauts, quitter un groupe pour retourner vers un autre ; mais jamais rien ne fut suivi en tentant de rassembler ceux de même niveau technique autour d'un leader reconnu pour réaliser des grands sauts, ne serait ce que pour 3 ou 4 jours. Nous sommes à l'aube des boogies free fly qui, tout comme en vol relatif, demanderont bientôt une solide organisation et un bon encadrement. Charles Bryan l'a constaté et il sait maintenant que c'est ce qu'il devra privilégier pour le succès et la chaude ambiance du Free Fly Festival 98.

Vu au Free Fly Festival

Objet non-volant identifié

A la fin du Free Fly Festival, Charles Bryan et Mike Vail se sont offert le luxe de larguer une jeep du Skyvan de Skydive Arizona, afin de réaliser quelques photos et images pour leur sponsor Red Bull. La voiture est d'abord dépouillée de toutes ses fonctions mécaniques (moteur, boite de vitesse, etc....) ainsi que du volant et du pare brise. Puis elle est installée à bord du Skyvan et solidement sanglée au plancher. Son frein à main est embrayé durant la montée. La jeep sera larguée à 4 000 mètres au dessus d'une zone complètement désertique, située à quelques kilomètres du centre d'Eloy. Charles et Mike sont assis en place chauffeur et passager. Wendy Smith se tient à califourchon sur le solide pare choc métallique de la jeep. Au top largage, le frein à main est débrayé et trois autres personnes poussent énergiquement la voiture en dehors de l'avion. Wendy lâche prise quand la voiture est à l'extérieur puis prend les photos en rafale. La voiture pique du nez et entame lentement une série de loops tournoyants. Charles et Mike restent dans la voiture une dizaine de secondes avant que celle ci se mette à vriller plus violemment. Mike quitte la jeep le premier, Charles se laisse éjecter quelques secondes plus tard. Le taux de chute de la voiture en perdition s'accélère. Elle continue à tournoyer et se met à déraper dans différentes directions, sans crier gare. Tout le monde a ouvert sa voile principale. La voiture n'a pas de parachute, elle s'écrase sans rebond dans un grand nuage de poussière. Elle se comprime sous l'effet du choc, déchirant de nombreuses parties métalliques. Elle sera ensuite hissée sur une remorque et livrée au ferrailleur.

Jeu de flares

Pour les amateurs de flares, un parcours délimité par des wind blades fut installé en retrait de la zone d'atterrissage du centre d'Eloy, afin de ne pas interférer avec ceux qui désiraient se poser normalement. Ce parcours d'une centaine de mètres de long et de huit mètres de large, représentait un couloir en arc de cercle. But du jeu : entrer dans le couloir à la première porte délimitée par deux wind blades et en sortir le plus loin possible. Le tracé du couloir en arc de cercle obligeait les pilotes à flarer en courbe et à serrer sur les wind blades se trouvant à l'intérieur de leur virage, afin de raccourcir leur distance et augmenter ainsi leur chance de sortir du parcours. Les mats des wind blades sont des cannes à pêche très flexibles. Elles peuvent donc apparemment être accrochées sans danger par les suspentes. Et bien, il ne faut pas si fier : au cours d'une courbe très serrée dans le couloir, Adrian Nicholas a accroché l'un des wind blades avec son cône de suspension, la voile s'est affaissée sur le côté, Adrian est mal tombé et s'est déboîté le coude, sans gravité.

Test Skyball

La Skyball est une sorte de gros volant de babington ayant un taux de chute rapide et confortable pour les free flyers. La boule blanche contient environ 700 grammes de plomb et son poids peut être modifié afin d'augmenter ou ralentir sa vitesse verticale. La Skyball est certainement le meilleur jouet des free flyers. Son taux de chute est constant, on peut se l'envoyer d'une personne à une autre et elle garde sa trajectoire horizontale ou oblique, selon la force et la direction du jet. Seul impératif : la rattraper avant la fin du saut. On image les dégâts que pourrait causer ce jouet une fois livré à lui même. La Skyball chute en effet à plus de 200 km/h... Le désert d'Arizona autorise une pratique réglementée des sauts de Skyball, sans grand risque de blesser quelqu'un. Pour avoir le droit de sauter à Eloy avec la Skyball (et à Eloy seulement), il faut passer un test assez strict. Au sein de son école de free fly, à Skydive Arizona, Omar Alhegelan est à la disposition de ceux qui souhaitent se perfectionner avec l'objet en vue de réussir le test. Un saut de Skyball accompagné d'un instructeur coûte environ 300 francs (prix incluant le saut de l'élève et de l'instructeur). L'instructeur rattrapera la Skyball si l'élève ne l'a pas fait et débrieffera le saut. Un saut test ne coûte que 200 francs environ (prix incluant le saut de l'élève et de l'instructeur). Toutefois, l'élève déposera une caution de 300 francs environ qu'il récupérera s'il rattrape la Skyball. Si c'est l'instructeur qui doit récupérer la Skyball, la caution est perdue. Voici le déroulement du saut tel qu'il doit être effectué pour réussir le test : l'élève est en position flotteur, il saute dès que l'instructeur jette la Skyball. L'élève s'avance vers celle-ci, la prend d'une main et la change de main. Puis il la lâche et fait un tour à 360 degrés sur axe et en face de la Skyball. Il la reprend à nouveau d'une main, puis changement de main, il la lâche et fait au choix un loop arrière ou avant. Il reprend la Skyball d'une main, puis changement de main, la lâche une fois encore, et exécute un loop latéral. Il doit finalement récupérer l'objet à la hauteur minimum de 1 500 mètres, avant qu'il ne se transforme en projectile... Les photos présentent Sébastien Merian réalisant le test Skyball en face d'Omar Alhegelan. Peter Unruh, concepteur de la Skyball, travaille actuellement sur un système qui déclenchera l'ouverture d'un parachute si le free flyer ne la rattrape pas. A suivre...



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