L'article du mois :

COUPE DU MONDE

DE VOILE CONTACT

Gilete, Wyoming, : le dépaysement était assuré pour cette coupe du monde de voile contact, organisée en début septembre au fin fond de l'ouest américain..


Texte et photos par Louis-Étienne du Reau

Gilete, ce n'est pas la marque de rasoirs (d'ailleurs il n'y a qu'un "l") mais plutôt une petite bourgade du Wyoming, dans l'ouest des États Unis, le grand ouest, le vrai ouest... Et en parlant de rasoir, pour vous donner une idée, là bas, ceux utilisés par les "barbers" sont plutôt du type "coupe-chou" que high-tech dernier cri... C'était donc là que tout le gotha mondial du voile contact avait rendez-vous. A vrai dire presque tout, car si le plateau était valable en 4 rotation et significatif à 8, il n'en allait pas de même en 4 séquence. Mais parcourons les spécialités une à une.

4 Rotation

Les ténors étaient là : Italie, Russie, USA... Et la France me direz-vous ! Bien sur elle est championne du monde en titre, mais la quasi totalité de l'équipe a été renouvelée, le seul "ancien" restant étant Christophe Balisky qui ne sautait pas puisque tout juste remis de son accident de début d'année : Galop d'essai donc pour cette équipe de "nouveaux" renforcée pour l'occasion de Vincent Ferrer, un vieux briscard. Cette équipe se classe cinquième, certainement pas à son niveau. Même s'il semble que le podium lui était inaccessible, elle aurait pu être quatrième. Les Italiens (vice champions du monde) gagnent assez sereinement, établissant à l'occasion un nouveau record du monde, dans une nouvelle définition de l'épreuve (1 minute 30 secondes au lieu de 2 minutes, sortie neutralisée pendant 30 secondes). Ils seront durs à battre l'an prochain aux championnats du monde, mais les Américains et les Russes ne sont pas loin... Ces derniers ayant encore apparemment une bonne marge de progression.

4 Séquence

Le désert n'était pas qu'en toile de fond... Participation plus que médiocre : parmi les "majors" seuls les Français étaient là, les équipes suisses, canadiennes et "l'équipe forte" américaine étant absentes. Deux équipes américaines étaient tout de même présentes, la meilleure des deux étant celle de rotation qui concourait aussi en séquence et qui finit à 19 points des Français, eux-mêmes n'étant pas à leur maximum (motivation et enjeu ?). Comme en rotation, le format de l'épreuve a changé (2 minutes 30 secondes au lieu de 3 minutes), ce qui permet à la France d'empocher un nouveau record du monde avec 11 points.

8 Vitesse

En l'absence de la France, qui avait délibérément choisi de ne pas participer pour des raisons de préparation (voir équipe Rotation) et de budget, la compétition s'est résumée à un match USA - Russie. Les Américains, toujours à un très bon niveau (ils ont failli à deux reprises battre le record du monde), battent les Russes, en constante progression et dont il faudra se méfier à l'avenir.

L'organisation

Un petit groupe bâti autour de Bob Suchor (une figure de l'équipe américaine et qui faisait aussi la compétition) et son épouse, ainsi que Brian Burke (chef de centre d'Eloy) a dû, en dépit de ses grandes compétences et gentillesse, se battre avec les éléments météo (vents et turbulences très forts) et techniques (1 Pilatus cassé à l'atterrissage, 1 autre turbine grillée). Ils ont tout de même réussi la prouesse de terminer la compétition, même si ce fut au prix d'interminables stand-by et de sauts jusqu'à la dernière heure du dernier jour.

Classements

Rotation
1 - Italie (équipe nationale)
2 - USA
3 - Russie
5 - France
Séquence
1 - France (équipe nationale)
2 - USA (équipe nationale mais rotation)
3 - USA (équipe Wild Humans)
Huit
1 - USA (équipe nationale)
2 - Russie (équipe nationale)
3 - USA (équipe Wild Humans)

JUGEMENT VIDÉO AIR

Ce mode de jugement, nouveau pour le voile contact, fut mis à l'épreuve lors de cette coupe du Monde, qui constituait un véritable "banc d'essai". En partant là bas les Français avaient la ferme intention de s'y opposer, estimant qu'il favoriserait le travail approximatif (prises en passant, etc.). Mais, lors de la réunion des responsables de chacun des pays (capitaines d'équipe, chefs de délégation, juges, etc.), cette position française se trouva bien isolée. A tel point que, malgré le poids de notre nation dans ce genre de discussions (n'oublions pas que la France est triple championne du monde en titre), on peut penser que ce mode de jugement sera adopté durant les futures compétitions. Du moins après le prochain championnat du monde (qui aura lieu en 1998 en Grande Bretagne), comme l'impose la FAI par son long délai de mise en place.

Finalement, une fois passées les difficultés de détail genre transcodage PAL-NTSC, l'expérience de cette coupe du monde montre que la méthode pardonne certaines erreurs, mais de manière équivalente pour tous, et sous certain autres aspects, elle est finalement plus sévère et plus pénalisante. A priori, les équipes qui "travaillent propre" devraient s'y retrouver. D'autant que l'adoption de ce système devrait s'adjoindre d'affinements de règles (validités de prise, etc.) qui exigeront des performances accrues de la part des collèges de juges. Ceux-ci devront à l'avenir comporter de plus en plus d'anciens compétiteurs ou de techniciens de la pratique du haut niveau (la France, en ce domaine aussi, a montré la voie avec Patrick Castella), plus à même certainement de "sentir" les choses sur des images réalisées en vol. Enfin et surtout il s'est dégagé que les arguments positifs en faveur du jugement vidéo air étaient plutôt d'ordre "pratique" : coût des vidéos sol (tous les pays n'en sont pas équipés), problèmes de largage, conditions d'utilisation (vents, distances, focales, objectifs, contre-jour), problèmes de météo, etc.) que "tactique". A suivre donc !

"LA TOUR DU DIABLE"

Saut au-dessus de "Devils Tower" (la Tour du Diable), premier monument national naturel américain. C'est une émergence d'origine volcanique, tout à fait originale, constituant une curiosité géologique de réputation mondiale. Ce site se trouvait à environ 80 km de la zone de la compétition et des sauts y furent proposés pour le "fun", le lendemain de la cérémonie de clôture. Du fait de la soirée (mémorable) de la veille et du coût (relativement élevé, le transfert s'effectuant en Pilatus), seuls 4 français y ont participé. A vous de deviner lesquels étaient suffisamment "valides" et/ou passionnés...

SWOOPING, LE FLARE AQUATIQUE

Sur le chemin du retour de la Coupe du Monde de voile contact (voir notre article dans cette édition), de passage à New York, je n'ai pu résister à aller rendre une petite visite à un des centres les plus proches de la grande mégapole : le centre de Blue Sky Ranch. Et grand bien m'en a pris : c'était le jour de la compétition annuelle de "swooping" (1), quel bonheur !

Sur ce tout petit terrain où la piste ne fait qu'à peine 1/2 mile de longueur (mais en dur, pour cause de marécage), ce ne furent ni les moyens aériens (2 Twin, 1 Pilatus) qui manquaient, ni les hommes pour les mettre en oeuvre et les remplir, mais une météo favorable. Car les Américains, que l'on taxe souvent de gentils fous-dingues, sont, au moins ici (proximité de New York et de ses 3 aéroports internationaux oblige ?), très respectueux de la réglementation : dès que le plafond bas de nuages a réellement commencer à se "souder", les largages à 4 000 m ont été interrompus. Ils ont laissé place aux 1 200 m automatiques, sauts rétros (2) et sauts de swooping .

C'est donc au bord du petit plan d'eau que j'ai pris place pour assister à, ce qu'il faut bien appeler, un régal pour les yeux. Car ce que d'aucuns assimilent à un exercice inutile et dangereux, peut être intéressant à plus d'un titre. En effet sur la trentaine de participants présents, dont certains étaient bien loin de maîtriser parfaitement "le flare", nombreux sont ceux qui ont "pris le bouillon", mais aucun ne s'est blessé, même légèrement. Je crois même pouvoir dire que l'exercice a des vertus pédagogiques : on entendait ici ou là les commentaires de compétiteurs et/ou pratiquants observateurs : "Celui là, heureusement qu'il était sur l'eau !" ou encore "oui, ça fait réfléchir !" Si bien que je m'interroge de savoir si, au lieu d'un exercice d'apparence débile et risqué, nous ne sommes pas au contraire en présence d'un outil qui pourrait nous aider, face à l'hécatombe des accidents d'atterrissage. Alors que les solutions nous semblent actuellement si difficiles à cerner, à trouver, voilà peut-être un axe de réflexion...

Bien évidemment cette pratique doit être pensée et encadrée. Par exemple sur ce cas américain, lors de la première manche, l'accès aux spectateurs (eux-mêmes parachutistes ou non) était libre sur tout le pourtour du bassin. C'était manifestement une erreur pour la mise en danger potentielle de ces spectateurs, mais aussi pour la gène que cela procurait aux compétiteurs dans les choix d'axes. Lors des manches suivantes, tout le public (averti ou non) et même les photographes, étaient cantonnés sur un secteur précis. Autre exemple : est-il raisonnable pour un compétiteur de repartir dans une nouvelle manche avec un matériel ayant été totalement immergé (harnais et secours compris) lors du saut précédent ? Et je ne parle pas de cet autre compétiteur (instructeur de surcroît), qui a fait prendre le grand bain à tout son matériel, Cypres inclus ! Peut-être n'envisageait-il pas le grand "plouf" ; ou bien a-t-il tout simplement oublié ! A méditer donc, sans occulter aucun aspect (surtout les négatifs).

En tout cas je peux vous assurer que, outre l'intérêt technique (et pédagogique), la lucidité était de mise. L'ambiance, la bonne humeur et la convivialité était au rendez-vous, et cela jusqu'au soir, à la remise des trophées, nombreux et variés pour tous. En effet, étaient récompensés : le vainqueur bien-sûr, mais aussi l'auteur du meilleur gag, le concurrent le plus original (un para nu avec cape et masque de Satan), le plus malchanceux ( un autre qui après la libération dû "flarer" sous son secours), etc. Le tout baigné dans une ambiance chaude, pour ne pas dire torride, accompagnée de concerts de vociférations, beuglements et autres hurlements, comme on les connaît bien chez les Américains.

(1) Swooping : Comme pour le "flare", le "swoop" consiste, avant l'atterrissage, à tangenter le sol sur une longue trajectoire. Mais il y a dans le "swoop" la notion de contact (contrôlé !) avec l'élément (eau ou obstacle).

(2) Un parachute ancienne génération (dorsal-ventral, voilure à tuyère), probablement d'origine russe, passait de "main en main" pour ces sauts rétros.


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