Wing Flight "L'homme oiseau"
"Wing pour "aile",
"flight" pour "vol", c'est le nom choisi par
la marque Sector pour illustrer les exploits de Patrick de Gayardon, équipé
de ses ailes d'homme oiseau. Rentrer dans un avion en vol, voler en rase
motte dans les montagnes et sauter dans un gouffre, voici autant d'images
qui sont maintenant largement diffusées par Sector sur les chaînes
TV et dans la presse du monde entier. "Notre Deug" national serait-il en
train d'entrer dans la nouvelle légende des hommes oiseaux, celle
de l'an 2000 ?
Interview par
Bruno Passe- Photos par Sector No Limits
Il y a quelques mois, Patrick de Gayardon nous expliquait
en détail comment il avait réussi à remonter dans
un avion en vol (voir ParaMag n° 124), mais nous ne disposions pas
des images, le sponsor Sector s'en réservant à l'époque
l'exclusivité. Elles sont maintenant disponibles et nous vous les
présentons ce mois-ci, avec un nouvel interview sur la suite des
exploits de cet "homme oiseau de la génération 2000". "Il
ne s'agit pas d'une cascade" précisait alors Patrick de Gayardon
en parlant de sa remontée dans le Pilatus, à Chambéry.
Mais déjà il évoquait ses sauts en rase motte dans
les montagnes, annonçant aujourd'hui des chiffres qui font froid
dans le dos : fin octobre, à l'Aiguille du Midi, il passe en chute
libre à une dizaine de mètres d'une terrasse où sont
rassemblés des journalistes italiens (dont certains titreront plus
tard : "Superman, tu es battu !") ; un mois plus tôt il réalisait
le même exploit, à 50 mètres des photographes et cameramen
de Sector, dans les reliefs du Grand Canyon. Quelques mètres du
sol... Là il s'agit bien de cascade et c'est peut être dans
ce sens, et dans ce sens seulement, que Patrick de Gayardon se rapproche
des premiers hommes oiseaux qui, pour la plupart, étaient obligés
de tirer bas pour satisfaire le public, leurs performances de vols étant
somme toute assez peu spectaculaires. A l'exception bien sur de Léo
Valentin qui, équipé de ses grandes ailes rigides, avait
effectué un déplacement (ou un vol ?) de 5 kilomètres,
(performance aujourd'hui battue par De Gayardon et ses ailes souples).
Malheureusement, la rigidité de ses ailes lui sera fatale : il ne
pourra pas sortir de la vrille infernale provoquée dès la
sortie d'avion par la fermeture de l'une d'entre elles. L'idée de
sauter avec des surfaces additionnelles n'est donc pas nouvelle et, dans
sa rubrique "rétro", René Roy avait déjà traité
en détail l'histoire de ces premiers hommes oiseaux (voir ParaMag
numéros 66, 67, 68, 69, 70, 71, 72). Ils se nommaient (entre autres)
Clem Sohn, Léo Valentin, Salvator Canarrozzo ou plus près
de nous Gil Delamare. Mais même en considérant que les techniques
de chute ont évolués depuis, que les parachutes sont aujourd'hui
moins encombrants et plus perfectionnés, on peut se demander comment
Patrick de Gayardon est parvenu a rouvrir cette nouvelle voie avec autant
de succès et surtout de sécurité. Nous essayons d'apporter
la réponse au moyen de l'interview ci-dessous.
Imaginez-tu tout ces exploits lorsque tu as commencé
à sauter avec tes ailes, il y a quelques années ?
J'ai toujours aimé travailler sur les dérives et j'expliquais
au gens : pour dériver, il faudrait un profil d'aile, avec une portance.
Un jour j'ai eu le déclic : pourquoi ne pas concevoir une aile en
pression avec un extrados et un intrados, épousant la forme du corps.
Et ça a marché ! Puis, chez Air Alpes, alors que je regardais
la photo d'un Pilatus en piqué dans les montagnes, je me suis dis
que je devais pouvoir faire la même chose avec les ailes : de grandes
dérives dans les reliefs. Suivre l'avion et remonter dedans, c'est
venu plus tard. Puis tout le reste s'est enchaîné progressivement.
Le Grand Canyon est plus large et donc à priori
plus facile que les Drus ou l'Aiguille du Midi. Quel intérêt
pour toi d'aller là bas ?
La production de Sector voulait un site exceptionnel pour ses images publicitaires.
Nous avons fait un repérage en septembre et nous avons trouvé
des endroits où le canyon était suffisamment serré
pour passer prés des rochers. On a trouvé un site de 1 800
m de long sur 700 m de profond où je pouvais longer le canyon en
rase motte puis sortir en passant par une faille, et ouvrir au-dessus de
l'eau ( le Colorado River). Le scénario est le suivant : départ
à 4 ou 5 km de distance horizontale sur le coté, à
environ 3 000 m de hauteur par rapport au point d'entrée sur le
plateau. De là je rentre dans le canyon et je vole sur 900 m de
long à moins de 200 mètres de hauteur sol. Je ressort sur
une petite falaise qui me permet de regagner un peu d'altitude et de tirer
en arrivant sur l'eau.
Il doit faire chaud ! A quelle distance minimum passes
tu des rochers ?
Il y a des endroits où je passe à 50 m du sol mais j'ai toujours
du dégagement latéral pour ouvrir en cas de fausse manoeuvre
ou de problème avec une aile.
Comment contrôles-tu tes manoeuvres ?
En chute, uniquement à vue sur les repères verticaux placés
au sol (barres de rocher, cameramen), pas question de consulter un instrument.
Tout est dans la préparation au sol. Auparavant, on effectue des
tas de mesures sur site avec l'hélicoptère, j'utilise un
inclinomètre, cet appareil de géomètre qui mesure
les angles et qui me permet d'estimer les pentes et de repérer mes
points de passage. J'utilise également un barographe, un badin et
un GPS. Ensuite, pour les premiers sauts, je garde de la marge de hauteur
et au fil des sauts je m'approche de plus en plus du relief. Il y a des
caméras un peu partout à tous les niveaux dans les rochers
et je leur dit bonjour au passage !
Ouvrir au-dessus de l'eau, c'est pour la sécurité
?
Non, c'est parce que c'est là où la faille est la plus profonde
bien souvent. En plus il y a des bancs de sables pour se poser.
Revenons sur ton saut dans l'aiguille du Midi fin
octobre. Passer en chute libre à une dizaine de mètres des
journalistes, on a tout de même un peu de mal à croire que
c'est vrai !
Et pourtant les images sur ma vidéo chute numérique sont
bien là ! On voit nettement que je passe un étage au dessus
du toit et sur le coté il y a la place de 3 étages, ça
fait 3 ou 4 étages de distance par rapport au sol... C'était
pour une conférence de presse mais la plupart des photographes on
manqué la photo !
Quel sensation ça fait ?
On voit les gens bien gros ! Un peu avant, quand tu sens que ça
se resserre, il y a beaucoup d'environnement, beaucoup de rochers et plus
beaucoup d'altitude ! Tu peux pas te permettre de faire la moindre erreur.
Encore un saut incroyable ! - Le schéma ci-dessus
montre l'endroit précis où Patrick de Gayardon est passé,
à quelques mètres de la terrasse du piton nord de l'aiguille
du Midi. Les proportions ne sont pas respectées pour une meilleure
compréhension.
C'est donc du quitte ou double ?
En fait, il reste tout de même de la marge sur le coté, je
peux me décaler sur la gauche pour récupérer de la
hauteur mais il ne faut pas se laisser coincer sur une barre de rocher,
sans marge de vitesse et sans dégagement. Dans cette configuration
j'ai 30 ou 40 km/h de survitesse par rapport à la normale, je peux
donc freiner mon taux de chute facilement pour "récupérer"
quelques mètres.
Là il n'est plus question d'ouvrir le parachute
?
Pendant 3 ou 4 secondes tu peux juste voler en changeant ta trajectoire,
si la vitesse le permet, ou dégager sur le coté, mais c'est
tout. Avis aux amateurs : je précise que tout cela n'est possible
qu'avec une combinaison efficace, équipée de libérateurs
d'ailes et un extracteur hand deploy. Pas question de jouer si près
du relief si on ne peux pas ouvrir instantanément (sans retard à
l'ouverture !) et attraper ses commandes rapidement.
Est-ce que tu fais un rapprochement avec les autres
"hommes oiseaux " des générations précédentes
?
Oui, j'y pense en me disant "surtout ne fait pas ce qu'ils ont fait " !
Beaucoup ont utilisé des parties rigides alors que dès mes
premiers sauts mes instructeurs m'ont enseigné "pas de parties rigides,
c'est dangereux, ça accroche". J'ai gardé ça bien
en tête. Ensuite la plupart n'avaient que des ailes monosurfaces
; or une aile de parachute (ou de parapente) doit avoir un intrados et
un extrados pour voler. C'est ce que j'ai mis en application sur les ailes
de ma combinaison. Le seul qui était arrivé aux ailes bi-surface
était Léo Valentin, mais c'était un modèle
rigide et cela lui fut malheureusement fatal.
En BASE jump, les ailes apportent-elles quelque chose
?
C'est un peu comme en parapente, l'augmentation de finesse rend des sites
"possibles" alors qu'ils ne le sont pas ou peu en configuration normale.
Par exemple en Italie j'ai fait 32 secondes de chute sur un départ
de 450 m en verticale, qui donne environ 600 m avec une bonne dérive.
Grâce aux ailes, j'y ai obtenu un dénivelé de 1 100
m. Mais cela demande encore une bonne préparation au sol avec les
instruments (angle d'inclinaison, hauteurs, etc.) et une augmentation progressive
des temps de chute : j'ai fait d'abord 12 secondes, puis 28, puis 30 et
enfin 32. En fait, il y a une sorte de talus a passer au milieu de la falaise
et ensuite on récupère 450 m d'un coup. Les derniers sauts,
je les ai fait avec une Stiletto 135, même plus besoin de mon parachute
de BASE jump !
Quelle est la prochaine étape prévue
au programme ?
J'ai déjà fait des départs de BASE jump en snowboard
(voir ParaMag n° 123), mais en fait je saute plus que je ne décolle,
ma vitesse n'étant pas suffisante. Il faudrait atteindre une vitesse
d'environ 160 km sur la neige pour espérer décoller. Actuellement,
nous travaillons avec un fabricant de combinaisons de moto sur une surface
de friction capable de me faire supporter cela dans le but de décoller
à plat ventre avec les ailes dans une pente enneigée.
Propos recueillis par Bruno Passe
En bref...
Patrick de Gayardon totalise : - 500 sauts avec les ailes, dont : -
7 en BASE jump, - 75 sauts dans différents endroits du Grand Canyon,
- dont 50 «très près» des rochers. Parachute
de BASE jump marque Vector avec système de SOA entre les voiles
principales (en gaine) et secours. Les voiles sont de marque Performance
Designs, et de grandes surfaces : 252 pieds carrés pour la principale
et 200 pieds pour le secours. Les modèles récents de combinaisons
sont fabriqués en collaboration avec ToutAzimut et Katerina Ollikainen.
Les photos en chute présentées dans cet article et créditées
Sector - No Limits sont de Charles Boons (qui totalise environ 100 sauts
avec les ailes) ou Adrian Nicholas (environ 40 sauts avec ailes). Certaines
photos ont été réalisées sous voiles par Gus
Wing, lorsqu'il était pris pour cible par «l'homme-oiseau»...
D'autres ont été prises du sol ou de l'avion par Philippe
Fragnol.
Carpe Diem
Appel du ciel
Mort d'un guide
Cérémonie à Tallard : français / english
Wing suit : english
Dernier vol : français / english
Livre d'or : signer / lire