Extrait de la circulaire de sécurité n°115 du 5 juillet 2006.
L’incident concernait le dispositif d’attache du glisseur rétracté par benji et boule plastique. Il est survenu sur l’équipement d’une athlète de haut niveau. À l’ouverture, il se crée une interférence entre l’excès de suspente de commandes de la voile principale et la boule. La séquence d’ouverture de la voilure principale a été interrompue. La parachutiste libère et ouvre son parachute de secours sans conséquence malgré la rétention de la voilure principale par la boule, une chance!



 Avec pas moins de 33 circulaires de sécurité, directives techniques ou fiches d’information éditées en 2006 par la F.F.P. (dont 6 concernant les déclencheurs de sécurité), c’est un record d’un nouveau genre qui a été battu. Record inquiétant lorsque l’on sait que le contenu de ces notes provient généralement d’un problème avéré ou potentiel sur tel ou tel type d’équipement parachutiste, provoquant parfois l’interdiction du matériel concerné. Principal rédacteur de ces notes : Eric Fradet, employé par le Ministère de la Jeunesse et des Sports et détaché à la F.F.P. où il a intégré la D.T.N. (Direction technique nationale) au poste de responsable matériel. Il travaille en étroite collaboration avec la C.T.P. (Commission technique et pédagogique de la F.F.P.) et nous avons souhaité l’interviewer sur ce sujet sensible qui concerne le matériel et la sécurité 


                                        Par Bruno Passe



Extrait de la circulaire de sécurité n°119 du 2 octobre 2006.
Des difficultés potentielles importantes de préhension et d’extraction sont mises en évidence lors de l’utilisation des poignées de libération de fabrication artisanale et les poignées de secours dite «low profile» (espace de préhension inférieur à un pouce), notamment durant les sauts en combinaison ailée ou tout type de sauts où l’utilisateur est équipé de gants épais. La F.F.P. a interdit l’installation de ces deux types de poignées.






Extrait de la circulaire de sécurité n°117 du 21 juillet 2006.
Une nouvelle mode consistait à utiliser les maillons de connexion souples PF comme anneau guide de la suspente de commande. Ces maillons souples ont été conçus pour être verrouillés par un anneau, bloqué ensuite dans une pression mâle maintenue centrée au milieu des élévateurs. La suppression de ce mode de montage provoque un manque de tenue du maillon de connexion à l’élévateur arrière. Le passage de la commande de manœuvre dans l’anneau du maillon souple PF provoque une usure prématurée du maillon souple, sollicité par les va-et-vient de la suspente de commande de manœuvre. La dégradation provoque une rupture de la liaison et l’ouverture en vol des maillons souples, la rupture peut se produire à n’importe quel moment au cours de la descente parachute ouvert. Cet incident aurait pu avoir des conséquences graves, voire mortelles, si la perte des suspentes s’était produite à une hauteur ne permettant plus la mise en œuvre du secours.






Carton rouge !
L’utilisation de maillons rapides pour connecter les suspentes aux élévateurs est encore fréquente, même si celle des maillons souples se généralise. Un des inconvénients majeurs de ces maillons en métal est qu’ils peuvent se desserrer, se dévisser et s’ouvrir. Ils nécessitent donc un contrôle régulier. La photo ci-dessus se passe de tout commentaire superflu et montre ce que l’on risque lorsque le contrôle n’est pas effectué suffisamment souvent. Il ne s’agit pas d’un photomontage, l’utilisateur a volé dans cette configuration et ne s’est aperçu de l’incident qu’une fois posé. Merci à lui d’avoir eu la franchise de se laisser photographier dans cette configuration tout en sachant que nous diffuserions la photo.






Eric Fradet, ex-compétiteur de haut niveau, multi-médaillé, multi-disciplines, il nous avait fallu 14 pages pour résumer le parcours parachutiste d’Eric Fradet dans notre édition n°175 de décembre 2001, il nous serait difficile de le faire ici en quelques lignes... Il est un des rares parachutistes titulaires du B.E.E.S. 3° degré et aussi un des rares à avoir dépassé les 25.000 sauts. Contraint d’arrêter la pratique en septembre 2003 suite à un accident et de multiples fractures (et donc opérations...), il est resté éloigné des terrains de sauts durant de longs mois. L’an dernier, Eric Fradet a rejoint la direction technique de la F.F.P. Il a été élu président de l'E.A.S.P. (European association for safety parachutes, voir également notre article «matériel» dans cette édition) en septembre dernier. Reconversion tardive mais efficace pour cet ex-champion du monde (quatre titres en vol relatif et un en skysurf) qui a su passer de l’action à la réflexion, à l’instar de certains de ses anciens coéquipiers – Jérôme David, Philippe Schorno et Franck Mahut (également membres de la D.T.N.), Jérôme Bunker (gérant de la société Basik Air Concept) et Patrick Saget (travaillant aussi pour la D.T.N. en tant qu’intervenant extérieur) - eux aussi ex-champions du monde.


ParaMag : Comment expliquer le nombre si important de ces notes, alors que le matériel est censé être testé et certifié ?
Eric Fradet : Parmi les évolutions qui marquent le développement de notre sport, il en est une qui est évidente, c’est le désintéressement des parachutistes pour les parachutes, sauf pour ce qui est de l’esthétique. Car l’attrait du matériel est dans le look, au point d’en oublier le plus important qui n’est pas seulement d’être beau avant le saut, mais également après le saut.
Les parachutistes pensent que parce qu’un équipement est certifié et commercialisé, il est aussi sûr qu’un autre. Ils choisissent souvent en fonction du prix, du volume de pliage et de l’esthétique. Corollaire de cet engouement : la variété et la multiplicité des équipements et des parachutiers. On constate que les parachutes se sont complexifiés et chaque innovation porte son lot de problèmes potentiels.
Les parachutistes doivent savoir qu’ils utilisent des matériels comme les déclencheurs et les voilures principales qui dérogent à toute certification (N.d.l.r. : voir aussi notre article «Certification des parachutes : le point» dans cette édition).

ParaMag : Tu veux dire que les parachutistes ne portent pas un réel intérêt à leur propre sécurité ?
Eric Fradet : Le marketing est séducteur et le fait de ramener la sophistication à quelque chose d’accessible à tout niveau de pratique attire un certain nombre de pratiquants.
La conception générale des parachutiers a été depuis quelques années dans le sens d’une «sécurisation générale», le point de vue est que le parachutiste doit évoluer sans se préoccuper de son équipement.
En dépit des améliorations destinées à garantir la sécurité, le parachute n’est pas une activité sans risque, même si on remet son parachute à un professionnel du pliage. Les défauts de conception et de construction existent et peuvent avoir des conséquences graves, lorsqu’ils sont ignorés.

ParaMag : As-tu des exemples concrets à nous donner ?
Eric Fradet : Je peux en citer plusieurs... Le sac-harnais Oméga de Performance Variable autorisé dans une conception à l’origine d’accident mortels (dont un survenu en France mais qui n’est pas encore officialisé par l’enquête), les sangles ajustables du sac-harnais Javelin élève responsables de deux fatalités en 2003 et 2004, les gaines souples de libération Sunpath et T.S.E. à l’origine d’accidents corporels graves (cf. la circulaire de sécurité n°123, diffusée dans cette édition, il s’agit d’équipements commercialisés jusqu’en fin des années 1990 et certains sont toujours en service), ainsi que les terminaux de gaine de libération de Mirage (note d’info n°17).
Le concept d’un équipement parfaitement sain et sans faille a échoué. Le processus de «sécurisation» n’a pas entraîné une diminution si radicale du nombre des accidents causés par le matériel et le problème s’est compliqué vers sa mauvaise utilisation. Le matériel est tout autant impliqué dans les enquêtes accidents que la mauvaise utilisation de ces matériels.

ParaMag : Là encore, as-tu des exemples concrets à nous donner ?
Eric Fradet : Les mauvais réglages des harnais passager du tandem, à l’origine de deux accidents mortels (à l’étranger), la bidouille des dispositifs de blocage du glisseur déventé (qui peuvent empêcher de libérer) à failli être fatale à deux athlètes de haut niveau français cette année (Cf.la circulaire de sécurité 115), les maillons de connexion souples P.F. détournés de leur usage (cf. la circulaire de sécurité 117), l’immersion des secours durant les épreuves de swoop expliquerait la mort, aux États-Unis, d’une compétitrice qui a effectué une procédure de secours durant l’épreuve.
Les constructeurs qui ont imaginé des dispositifs à l’épreuve des idiots ont sous-estimé les capacités de certains à détourner les systèmes, ce qui prouve que les idiots ont parfois du génie. Cette dérive existe mais son contraire également : faire tout bon et malgré tout mourir en parachute (exemple de l’accident d’Adrian Nicholas, survenu suite au déclenchement de son Cypres 2 durant des rotations à 360° sous sa voile principale, provoquant l’ouverture du secours et la mise en miroir des deux voiles, il libéra sa voile principale et dans le balancement qui l’aurait amené en position normale sous sa voile de secours, il impacta le sol avec le bas du dos. Cf. ParaMag n° 221 d’octobre 2005).
Les problèmes rencontrés avec les matériels sportifs en service sont de telle nature que parfois les parachutistes participent directement, et à leur insu, à l’expérimentation et à la mise au point des matériels.
Malgré cela, les actions trop nombreuses pour faire modifier les matériels en service déficients sont impopulaires... et mal acceptées des constructeurs, particulièrement si on travaille en amont des accidents.

ParaMag : Qu’en est-il du rôle des moniteurs dans tout cela ?
Eric Fradet : Pour les besoins de l’apprentissage, la majorité des moniteurs enseignent peu ou n’enseignent plus les rudiments techniques et technologiques qui peuvent éveiller l’intérêt au matériel, et certains moniteurs en sont incapables car ils n’en ont pas les compétences.
On peut se demander si l’espérance de sécurité absolue prétendue par les professionnels du parachutisme ne crée pas un effet d’illusion propre à entretenir une diminution du contrôle et de l’attention des pratiquants.
Cette orientation où le pratiquant apprend à peine à plier son parachute est nouvelle, et aujourd’hui on peut progresser dans le sport jusqu’au plus haut niveau, en étant inculte sur son propre matériel, ce qui n’était pas le cas auparavant où tout un chacun se devait de plier son propre secours.
Dans la généralisation de cette logique sécuritaire, je vois un handicap important dans la mesure où il entraîne une incapacité du pratiquant à être autonome. Le recours systématique au plieur et au réparateur pour aseptiser son matériel rend dépendant et limite automatiquement le pratiquant qui n’est plus à même de juger de la qualité de son parachute comparé à un sac tyrolien.
Vigilance et réflexions autrefois enseignées restent d’abord les meilleurs facteurs de la vraie «sécurité» dans l’emploi du matériel.

ParaMag : En théorie, si les parachutes sont davantage pliés et entretenus par des professionnels, c’est tout de même plus sécurisant.
Eric Fradet : Le parachutiste doit s’éduquer et sauter uniquement ce qui est désigné pour lui et pour les sauts qu’il envisage. Une éducation est à faire, le souhait de sauter avec du matériel non recommandé pour lui et l’intérêt commercial que suscite la demande de voiles toujours plus performantes doit s’arrêter là où commence l’insécurité des parachutistes.
J’en donne pour preuve 4 exemples de non-respect des consignes élémentaires:
- l’utilisation de voilures de secours de tailles sous-dimensionnées
- l’absence de conditionnement de l’excès de commandes de freins de voilures principales tue chaque année (3 morts aux U.S.A. en 2005) et a probablement causé la mort de Laurent Bouquet.
- le mauvais état de la pochette hand-deploy (qui a causé la mort de Tom Piras en 1992) continue à être impliqué chaque année dans des incidents, en France comme à l’étranger.
- la poignée qui se sépare des commandes de freins au moment de l’atterrissage.
D’une manière générale, les parachutistes, et plus particulièrement les moniteurs tandem, changent les composants uniquement quand ils ont provoqué un incident, pas avant, alors que leur durée de vie est limitée et que ces incidents (qui peuvent se transformer en accidents) peuvent être évités par la maintenance en bon état général de l’équipement.
Les incidents sont le terreau d’accidents potentiels, le danger dans ce sport est soit d’être incompétent ou négligent et risquer de mourir, soit d’être meilleur et vivre assez longtemps pour voir les autres mourir par ignorance.

ParaMag : Que préconises-tu aux parachutistes qui n’ont pas une connaissance poussée de leur matériel ?
Eric Fradet : Les accidents et les incidents se produisent avec tous les systèmes de parachute. Ceux-ci s'appellent des malheurs. Quelques malheurs sont mineurs, certains peuvent être fatals.
Chaque parachutiste devrait être impliqué à connaître de son parachute :
• l’identification des risques
• assigner des niveaux de risque et de danger
• assigner des critères de risque en identifiant des mesures ou des recommandations préventives afin de réduire ou éliminer un risque, au lieu de suivre la mode. Beaucoup de risques peuvent être identifiés pour n'importe quel système. Chaque risque a une sévérité et une probabilité d'occurrence. Prenez le temps de connaître votre équipement et la manière dont il fonctionne, contrôlez-)le avant chaque saut, un jour, il vous sauvera la vie, c’est la raison pour laquelle les parachutes ont été fabriqués. L’aspect ludique du sport reste une dérive à la fonctionnalité.
L’entretien du parachute est un problème complexe de surveillance régulière, surtout depuis le passage du cycle de pliage de secours à un an. La durée de vie des composants est beaucoup plus courte que les utilisateurs ne le voudraient. La sécurité en parachutisme est l’affaire de tous, mais plus particulièrement en premier de celui qui est sous son parachute, ce pratiquant doit se sentir responsable. Beaucoup d’accidents arrivent parce que les parachutistes ont décidé AVANT le saut du choix d’un équipement en suivant un phénomène de mode.
À ceux qui se demandent ce que fait Eric Fradet, responsable du dossier matériel, employé par le M.J.S. et payé avec l’argent de vos impôts, je réponds que les problèmes avec les parachutes existent, les problèmes avec les parachutistes aussi.
Cette réflexion émane d’un Conseiller Technique qui, comme le nom de celui-ci l’indique, a pour fonction de conseiller, qui n’a pas le pouvoir de décision et qui ne le revendique pas au nom du vieil adage : «Les conseilleurs sont tous des emm........» 


236 janvier 2007