La figure à 62 qu’il était prévu de faire voler au-dessus du Mont Saint-Michel fut construite
au-dessus de l’aérodrome de Bréville à la toute première tentative grâce à un plateau de relativeurs de qualité.




 










Eclaircie du soir pour un pur saut de séquence à 22 avec les habitués de la compète qui étaient présents à ce rendez-vous en Normandie










Maryvonne Simon au-dessus de la baie du Mont Saint-Michel. Avec une météo capricieuse, quelques sauts ont pu être réalisés par petits groupes à la verticale du site, au lieu de la grande formation à 62 prévue pour ce rendez-vous en Normandie.










Entre un front de grisaille et le vent qui se lève, il fut encore temps de passer un joli "3 points à 38" pour conclure le week-end.


                                                  Par Bruno Passe



Pour la cinquième fois consécutive, sur la côte normande, Nicolas Gillet a organisé son rendez-vous annuel sous les couleurs Boogie Performance flottant sur l’aérodrome de Granville/Bréville et en baie du Mont-Saint-Michel.
Ce rassemblement réunit chaque année un bon nombre de relativeurs, de parachutistes de loisirs et de passagers tandem qui viennent sauter à la verticale du bord de mer de Bréville et au-dessus du célèbre site le plus visité au monde
 

Cette année, l’événement s’étirait du 25 septembre au 3 octobre alors qu’auparavant il était concentré sur un long week-end de quatre jours. D’après une idée originale de Nicolas Gillet, cette première semaine de l’automne 2004 devait se conclure par une figure à 60 volant au-dessus du Mont-Saint-Michel, histoire de couronner avec panache cette série de cinq épisodes qui devrait s’arrêter là, suite aux travaux d’isolement du site prévus dans un futur proche et qui empêchera tous posés sur les parkings amenés à disparaître à proximité du Mont. Patrick Passe était en charge de concocter un joli groupe capable de réaliser en un claquement de doigts une figure à 60 au-dessus de l’Abbaye.

Dès le début de l’été, les invitations étaient lancées et plus de 70 personnes ont manifesté le désir de participer à ce rendez-vous hors du commun. 62 d’entre elles furent sélectionnées afin de remplir à bloc toutes les places avion disponibles dans le Casa de Boogie Performance, le Skyvan de Lapalisse et le Twin Otter italien de Marco Carrara prévus pour les largages en formation. Jean-Pierre Roy, Willy Boeykens et Théo Monteiro étaient présents pour couvrir l’événement en images. Le grand rendez-vous était prévu pour les 1, 2 et 3 octobre. Mais dès le week-end du 25 et 26 septembre, les trois avions étaient en place pour larguer un bon nombre de parachutistes de loisir, de nombreux passagers tandem sous la direction de Pierre Lhopitallier, ainsi que le groupe de Patrick Passe constitué d’une vingtaine de relativeurs, puis d’une trentaine en milieu de semaine avant le rendez-vous ponctuel à plus de 60. Pour certains, ce premier week-end fut l’occasion de "s’échauffer". Il octroya à d’autres l’opportunité de se faire connaître auprès de l’organisateur de sauts qui avait endossé la responsabilité d’organiser un groupe où chacun se devait de tenir sa place.

Durant les premiers jours de la manip, aucun saut de 16 à 20 ne fut gâché, le groupe réalisant des séquences de quatre à cinq figures. Au cours du premier week-end, deux sauts au-dessus du Mont-Saint-Michel purent être réalisés dans des conditions acceptables, sans pour autant bénéficier du total "blue sky". Au milieu de la semaine, davantage de participants aux sauts à 62 arrivèrent en avance et ce fut l’occasion de mettre deux avions en l’air pour parfaire le vol en formation avec le Twin italien dans le sillage du Skyvan. Ce fut également l’occasion de construire à deux reprises et avec succès la figure à 30 qui allait être le coeur de la formation à 62.

Vendredi 1er octobre à 8 h 30, tous les relativeurs invités étaient présents. Le groupe comptait des habitués du boogie de Vichy, d’excellents compétiteurs du circuit français en National 1, ainsi que vingt participants au dernier record du monde à 357. Avec un tel plateau de relativeurs, le briefing du saut se passe d’exposé technique. Seuls les points clés de la construction de la figure sont expliqués et l’équipe est prête à partir pour la première tentative au-dessus de l’aérodrome de Bréville, en attendant que la marée soit basse dans la baie du Mont-Saint-Michel. Le groupe, principalement français, est également constitué de douze Belges, trois Suisses, deux Italiens, une Anglaise et une Hollandaise. "C’est engageant de constater qu’un groupe de cette qualité peut encore se constituer spontanément quand l’occasion en vaut la peine, confie Patrick Passe. Il y a bien quelques années que cela ne c’était pas produit et il fallait que ce soit au moins une manip de l’envergure du boogie de Vichy pour rassembler plus de soixante relativeurs afin de réaliser des sauts de qualité. On dit que le vol relatif cède le pas au freefly, mais il est encore l’unique discipline qui draine autant de participants sur des manips particulières ou dans le monde de la compétition. Les Français sont venus des quatre coins de l’hexagone, mais ce fut particulièrement un plaisir d’accueillir les relativeurs expérimentés de Brienne le Château ainsi que les compétiteurs en N1 toujours très occupés durant leur saison et que j’ai rarement l’occasion de recevoir au sein de tels groupes."

La seule ombre au tableau se dessine malheureusement sous les nuages d’une carte météo capricieuse pour ce premier week-end d’octobre. Rien de vraiment étonnant aux portes de l’automne en Normandie, mais tout espoir est permis. En regardant le ciel se charger et avant de partir vers l’embarquement, les relativeurs briefent un saut à 20 par avion respectif au cas où une chape nuageuse viendrait entraver le déroulement de cette grande formation en toute sécurité. Le Skyvan, le Twin et le Casa s’alignent sur la piste, décollent un à un sur la mer pour grimper en patrouille vers l’altitude de largage. C’est toujours étonnant de contempler des machines volantes évoluant côte à côte dans la masse d’air. Ça l’est d’autant plus quand le décor offre des jeux de lumière sur la Manche où se dessinent les Iles Chausey ainsi que la côte rocheuse et escarpée de Granville. Comme envisagé, la couche de nuages s’épaissit. Pas question de partir à 62 dans ces conditions. Sécurité oblige. Les biturbines quittent le vol en patrouille pour prendre l’axe de largage un à un et libérer leur groupe de 20.

En fin de matinée, le ciel s’éclaircit à nouveau. Seule une fine dentelle de strato-cumulus glisse doucement au-dessus des terres, laissant passer les rayons du soleil sur la côte. Au-dessus de la mer, le ciel bleu présage un joli saut à 62 sur le Mont-Saint-Michel quand la marée sera basse en début d’après-midi. Pour le moment, il est encore temps de réaliser une première tentative à Bréville pour voir ce que donne ce groupe qualitatif. À 4500 mètres, les trois avions prennent l’axe en longeant la plage. Sans prévenir des brusques changements, le cycle des marées et les vents de mer ou de terre peignent les cieux de la côte normande de tons bleus ou gris. À la verticale du point de largage, seule une fine couche semi-opaque laisse voir le sol en demi-teinte, mais au loin un temps chargé entre à nouveau. À 40 km d’ici, vers la baie du Mont-Saint-Michel, ce sont maintenant des nuances grises qui semblent dominer.

Profitons de ce saut qui s’annonce bien avec, pour commencer, un vol en formation précis dessiné par le Skyvan, le Casa et le Twin. Les lumières passent au vert. La base quitte l’avion leader, le Casa et le Twin Otter se vident simultanément de leurs piqueurs. Bon taux de chute au centre. Les premières lignes construisent le coeur de la figure. Quelques problèmes d’inertie pour deux ou trois personnes en approche sont vite corrigés. La figure à 62 se complète rapidement pour voler plate et sans tension durant six à sept secondes. Les têtes levées présentent des visages illuminés à travers les visières des casques intégraux. Le grand rendez-vous a fonctionné !

Il ne reste plus qu’à faire de même à la verticale du Mont-Saint-Michel, mais le responsable de la sécurité en place sur l’aire de posé à proximité du Mont confirme que le ciel est chargé. Merci à Marc Herbert et Christophe Couly, équipé de sa "station météo" ambulante, pour avoir assuré cette tâche durant la semaine. La première tentative au-dessus du site est donc annulée. L’après-midi s’étiole sous la grisaille. On se consolera devant les excellents fruits de mer qu’offrent les nombreux restaurants du port de Granville investis, le soir tombé, par un grand nombre de relativeurs. Certains locaux s’intéressent à la présence d’autant de parachutistes leur expliquant le but de ce rendez-vous en Normandie. Bien que les travaux d’isolation du Mont-Saint-Michel aient été décidés par les instances régionales afin d’éviter l’ensablement de l’Abbaye, les autochtones ne semblent pas convaincus qu’un projet d’une telle envergure puisse être entrepris en 2005. Transformer le site en île avec un pont à la place de la digue, contrarier les marées pour que le Mont soit à tout jamais entouré d’eau, certains marins de Granville disent que c’est impossible. Et quand bien même, si cela était réalisable, un tel chantier serait si coûteux que les organismes susceptibles de payer les travaux ne seraient actuellement pas suffisamment fortunés. "On pourra alors revenir sauter sur le Mont l’an prochain, pensent en choeur les parachutistes ayant eu vent de cette rumeur locale."

Ça tombe bien car, contrairement aux années précédentes, ce mois d’octobre 2004 ne semble pas vouloir offrir la clémence du ciel. La journée du samedi commence par un stand-by météo alors que les 62 relativeurs sont présents sur l’aérodrome de Bréville, combinaison sur le dos. Vers midi, avec la marée qui descend, les nuages semblent également se retirer. Le groupe s’équipe, briefe et embarque dans les avions, direction le Mont-Saint-Michel au-dessus duquel le plafond offre une large ouverture vers le ciel bleu. La patrouille vole tout droit vers la baie en prenant de l’altitude. Dans le cockpit du Skyvan, l’organisateur du groupe fouille l’horizon pour malheureusement constater que les nuages s’épaississent là où tout le monde a tellement envie de dessiner cette figure à 62. Trop dangereux de lâcher une grande formation avec tant de nuages. La grande formation est annulée. Le Skyvan, le Casa et le Twin larguent séparément leurs parachutistes au-dessus du Mont-Saint-Michel. Les posés s’enchaînent face à un vent soutenu refermant le plafond au-dessus de la baie. Parmi les 62 relativeurs, une vingtaine d’entre eux n’avaient encore jamais sauté là. Ils sont enthousiastes de l’avoir fait même si aujourd’hui l’Abbaye n’offre pas son plus beau manteau de lumière.

Suite à des retours désynchronisés à Bréville et une météo hasardeuse , la journée se termine par quelques sauts à 20 offrant des secondes de chute particulièrement délicieuses pour l’un des groupes constitués de relativeurs habitués à la séquence de compétition. Dimanche matin, la barre nuageuse qui stagne au-dessus de la côte engendre l’hésitation quasi générale au sein du groupe à 62. Au moment de partir à l’embarquement, le front apporte sa bruine. Retour au hangar. Le week-end semble prématurément toucher à sa fin. Le Twin Otter repart vers l’Italie provoquant le départ d’une vingtaine de personnes. Le vent se lève et purifie le ciel offrant à ceux qui sont restés l’opportunité de réaliser une jolie séquence de trois points à 38. Comme prévu, la bise souffle encore davantage, annonçant définitivement la fin de ce week-end en Normandie. Malgré une météo défavorable, les participants invités à la manip furent satisfaits des quelques sauts réalisés. La réussite d’un 62 "à sec" fut très prometteur. Tous les relativeurs présents furent conscients du potentiel de ce groupe en regrettant simplement que le ciel ne leur ait que trop peu souvent ouvert son espace de jeu. Mais en écoutant les marins du port de Granville et d’autres locaux, ce n’est peut-être que partie remise. L’an prochain, la manip du Mont-Saint-Michel connaîtra éventuellement sa sixième édition 



210 novembre 2004