Retour sur l’île de la Réunion, où nous avions laissé Loïc Jean-Albert, à la fin de l’hiver dernier, au cours d’une série de sauts extrêmes (Cf. ParaMag n°177 de février 2002, rubrique Séquence Folie intitulée "Fallait l’flare"). L’automne étant déjà revenu en métropole, il est temps de se trouver de chaudes destinations... Loïc sera notre guide.

      Par Loïc Jean-Albert

Remerciements à Imaz Press Réunion pour les photos.

Retrouvez un superbe site sur l’île Intense : www.ipreunion.com


i vous avez vu Crosswind, le film de Patrick Passe, vous connaissez ces images de vol en combinaison ailée à proximité des falaises. Très occupés par le tournage, nous n’avions pas eu la possibilité de réaliser des photos. Un an après, j’ai renouvelé le même genre de vols. La proximité avec le relief est à peu près la même, mais le site est différent.

Ici nous sommes à la sortie du cirque de Mafate. Le lieu exact est le "Dos d'âne", c'est également l'endroit duquel on a décollé avec Val pour les largages avec la Ninja présentés dans l’article précédent (Séquence Folie intitulée "Fallait l’flare"). Nous utilisons les U.L.M. de Félix Ulm pour le largage et le photographe suiveur.

Au pied de cette falaise se trouve une petite piste de décollage. Il y a en gros 1 200 mètres de quasi verticalité. Dès mon départ, l’U.L.M. suiveur m’accompagne en descente (forcément !). On arrive à maintenir la proximité sur une dizaine de secondes, puis ma vitesse devient trop importante. Je me rapproche alors de la falaise. Sur ma trajectoire de vol, je vois un petit chemin de randonnée assez pratiqué. Juste de quoi faire une petite attaque aux touristes un peu surpris... Le posé se situe au fond, sur le lit de la ravine.

Ce site est l’un de ceux que nous avons choisis pour vous faire découvrir l’île au travers de sauts " montagne" que nous proposons dans nos séjours intenses.   




Raf part le premier...


Loïc ferme le bal.


Loïc en phase d’ouverture sur fond de cascade.

...Il est suivi de Val.

as facile d’être BASE jumper quand on habite à la Réunion, d’autant plus si on est parapentiste et canyoneur. Beaucoup de très belles falaises vous excitent, mais elles manquent toujours de verticalité. La tentation est donc forte mais pas moyen de se défouler.

En puis dès que vous parlez de votre sport, on vous pose la question : "Et le Trou de Fer, t’y as déjà pensé ?". Un petit cirque de 400 mètres de diamètre, dans lequel se jettent plusieurs cascades. Au milieu, une falaise de 300 mètres coiffée d’une puissante chute d’eau.

Oh que oui, on y a déjà pensé, mais pas évident d’accès ce fameux trou... La verticalité est-elle bonne ? La hauteur suffisante ? Et le posé...? Plutôt la jungle dans le coin ! Au passage de mes potes - Val Montant, Raf Charmot et Piaz - on a bien essayé d’y aller en hélico, mais il faut rouler sur l’or et pas moyen de trouver quelqu’un pour vous poser en haut. On a donc décidé d’y aller dans le genre "sanglier puriste". On canyone jusqu’au point de sortie du saut, on saute et on ressort le bras de caverne avec les parachutes en sac étanche.

Un sacré canyon de deux à trois jours à se taper tout de même. Et on n’ose même pas penser à la taille des sacs avec les parachutes, les cordes, le bivouac, etc... Il nous faut donc des canyoneurs sur le plan. On décide de contacter Emeric Baucheron de Ric à Ric. On sait qu’il a ré-équipé la voie et qu’il la sort dans la journée. On décide aussi de faire le canyon une fois à vide avant d’aller y sauter, ça nous permettra de vérifier la paroi et le posé et de découvrir le canyon pour gagner du temps quand on sera plus chargés. Nous voilà donc le soir au gîte pour la reconnaissance. Demain départ à trois heures, la journée sera longue. Il pleut sans discontinuer, ça glisse plein pot et on se met gamelle sur gamelle.

Par contre c’est beau, super beau. On passe les deux premiers cassés. Il y a déjà un saut possible dans la deuxième verticalité. Cent mètres bien clean. Par contre, arrivé en bas, c’est vraiment pas du délire pour se poser. Des blocs deux fois comme nous. On découvre "La" falaise en fin de matinée. Le trou est énorme, des cascades de partout, on voit une autre paroi qui peut se sauter sur notre droite, sous nos pieds c’est "plein gaz", ça déverse à fond au début, puis une grosse marche dans les 200 mètres et la lagune à 240 mètres.

Par contre le posé pose toujours un sacré doute. La seule zone sans galet est un peu en contre-haut par rapport au fond, pas certain qu’on puisse l’atteindre. La descente en fil d’araignée ne laisse aucun doute quant à la verticalité. La zone de posé n’est pas gigantesque et plutôt touffue, mais ça ira. Si on ne l’atteint pas, la lagune nous laisse une bonne issue de secours. La sortie dans la gorge du bras de caverne est superbe. Très resserrée et aquatique au début, puis beaucoup de marche dans ces foutus galets qui glissent. On ressort à la nuit. Le saut est donc bon, le posé ça ira et le canyon bien long. Il ne va pas falloir chômer avec les parachutes en plus.

L’équipe s’agrandit un peu, Emeric emmène un de ses apprentis pour l’aider dans les manips de corde et un caméraman. Mathieu un pote canyoneur, para, médecin (ça peut toujours servir...) nous rejoint. Piaz ne pourra pas faire le canyon avec nous. Dommage, ce ne sera que partie remise. La météo est meilleure, on est un peu plus lourds, mais c’est tout à fait supportable.

"Gaaaz"

On est à l’heure en haut de la paroi. Une petite vérification du vent et on enlève notre matos canyon. Emeric met les rappels en place. On place du monde un peu partout le long de la falaise afin d’avoir le maximum d’angles de prise de vue. Tout est en place, on peut y aller. L’éternelle question se pose : "Qui saute en premier ?" J’y serais bien allé, mais j’ai caméra et appareil photo, je reste donc faire de l’image sur les sauts de Raf et Val. Raf tranche. Un petit coup d’oeil en bas, on prévient les vidéos et il part avec un gros "gaaaz" bien grave ! Val ne tarde pas à le suivre. Je laisse le dernier canyonneur en haut et y vais à mon tour.

La vision est magnifique, le cirque, la cascade, la lagune, la végétation partout, c’est du délire ! Le poser est nickel. Le temps de ramener les cordes, casser une petite croûte et on est dans le bras de caverne. C’est un peu plus sec et vraiment moins glissant.

La remontée sur Salazie sera difficile par contre avec le poids qu’on transporte. C’est peut-être aussi la difficulté qui fait le charme de ce saut. Notre revanche sur la Réunion est prise et il nous reste de superbes images dans la tête. Ah que votre automne est doux dans notre Réunion, quand même.    



185 octobre 2002