Les grands organisateurs de boogie n'ont pas peur des grands paris.
Ils sont même indispensables à l'élan qu'ils donneront
à leur manip. Dans les starting blocks on retrouve Joël Cruciani
et son équipe Espace Boogie, Nicolas Gillet et son équipe
Boogie Performance, Didier Boignon et le désir d'établir
un nouveau record de France (ou record de Français) en grande formation.
Les deux premiers, désireux d'organiser un bon boogie, accueillent
avec plaisir le délire du troisième. Plus on est de fous
plus on rigole... Surtout pour le temps d'un boogie.
Les esprits non aguerris peuvent y voir une grande opération
commerciale gérée ici par un triumvirat. Qu'on ne s'y trompe
pas, c'est d'abord par pure passion que les compères ont agi. L'amour
du parachutisme, et rien d'autre, flottait au-dessus du trio durant toute
la durée du boogie. Le désir de satisfaire régnait
souvent au prix de quelques cheveux blancs cachés sous la casquette.
Selon sa spécialité, chacun apportait l'eau au moulin de
notre passion.
Commençons par Joël Cruciani, parce qu'il est le plus colossal
: "Je ne conçois pas un boogie sans la fête", affirme-t-il,
"si en plus on peut avoir de l'altitude, c'est encore mieux. Ce qui est
important, c'est le plaisir en chute quelques soit la discipline et toute
la fête autour, de 8 heures du matin jusqu'à tard le soir
pour ceux qui veulent. C'est la recette d'un vrai boogie, avec bien sûr
d'autres ingrédients indispensables pour la saveur, tels que l'organisation
de sauts, l'encadrement, la sécurité et l'union des compétences
de chacun. C'est dans ces conditions qu'un boogie gagne son âme et
qu'il devient chaleureux. J'aime arrivé sur un terrain vide et en
monter chaque pièce. Trop souvent sur certains centres, on vend
du boogie et ce genre de manip n'en porte que le nom. Un avion 20 places
ne transforme pas une séance de sauts en boogie. Il y a encore tant
de choses à échafauder autour pour créer l'ambiance
que les parachutistes aiment retrouver au sein d'un vrai boogie digne de
ce nom. A chaque fois, l'équipe Espace Boogie s'efforce de gagner
ce pari".
Et c'est ainsi que ce rendez-vous de printemps prit les allures d'un
mini boogie de Vichy du mois d'août. Autour de la célèbre
cible, il y avait l'ère de pliage s'animant davantage après
chaque atterrissage, les stands organisés par Parachutes de France
et Parafun, le camping où tentes et vans voisinent par affinité
et bien sûr le "boogie club" avec son bar, sa musique s'infiltrant
en périphérie, les projections vidéos des sauts de
la journée montés sur le pouce et avec beaucoup de talent
par Stéphane Cruciani, véritable chef d'orchestre de l'ambiance
diurne et surtout nocturne.
Avec Espace Boogie se joignait l'indispensable équipe Boogie Performance. Certes leurs deux Casa et leur Super Skyvan ont bien évidemment contribué au succès de la manip. Mais on a pu aussi apprécier la participation de Nicolas Gillet, se collant au manifest, encadré par ses régisseurs efficaces Franck et Marco. Merci aussi à Béatrice et Sylvie pour leur présence à l'accueil, au manifest ou au bar. Toute cette fine équipe a su travailler, sourire, s'amuser et se mélanger à l'ambiance qui se prolongeait tard le soir. Si Espace Boogie et Boogie Performance ont mis de gros moyens en place pour ce boogie de printemps, c'est aussi pour soutenir en toute confiance le projet et pari de Didier Boignon accueillant 120 Français en vue d'établir un nouveau record de France de grande formation ou record de Français.
Le challenge était doublé par le choix d'une figure technique
: un diamant à 100 dessinant notre drapeau bleu-blanc-rouge grâce
aux couleurs des combinaisons. Didier Boignon a voulu donner à tous
la chance de participer aux tentatives pour ce record. Aucune présélection
ne fut établie et chaque personne se jugeant au niveau était
bienvenue. Didier demandait simplement aux personnes dressant sa liste
de venir avec une combinaison à la couleur attribuée. Jeff
Ronzevalle épaulera Didier dans l'aventure, et plus particulièrement
pour le côté administratif et l'avionnage.
La base, en combinaison blanche, commençait l'entraînement
dès le samedi 16, premier jour du boogie. Parallèlement,
les autres participants pouvaient intégrer des groupes organisés
en vol relatif. Les free flyers furent gâtés puisque l'américain
Charles Bryan (ex Free Fly Clown) encadrait tout type de sauts pour tout
niveau, assisté de Sébastien Mérian ainsi que de Stéphane
Fardel et Sylvain Turina, instructeurs de la discipline à Ampuriabrava.
Olivier Jean-Baptiste n'a bien sûr pas manqué le rendez-vous
afin d'animer son groupe de fidèles chuteurs assis.
Quelque soit la façon de s'exprimer dans le ciel, tous les participants
avaient un oeil plus ou moins ouvert sur les sauts de base du diamant à
100. Didier a connu un premier week end et un début de semaine difficile.
En effet, la base à 20 n'avait rien de solide, ni de rapide : combinaisons
trop grandes, positions molles, bras tendus, pas de taux de chute, trop
de personnes trop souvent dessous. Les blancs inquiètent et doivent
se ressaisir s'ils veulent recevoir 80 personnes de plus. Quelques sauts
ne seront qu'occasionnellement acceptables. A côté du purgatoire
de la base, on s'éclate en free fly, skysurf, chute assis et vol
relatif. Pour sa première participation à Vichy, Mike Brooke
est reconnu à l'unanimité comme un excellent organisateur
de saut de VR. Sa tâche n'est pas des plus faciles puisqu'il encadre
un groupe de débutants/intermédiaires de 12 à 20 personnes.
Malgré des niveaux techniques différents, il obtient de ses
ouailles le déroulement de jolis sauts. Il crée un groupe
idéal pour les débutants perfectibles qui veulent éviter
les galères. Mike aura du succès au prochain boogie de Vichy.
Chez les free flyers, chuteurs assis et skysurfers, on s'amuse bien. Quelques sauts mixtes sont organisés, toutes disciplines confondues, et comptant pour la première fois du vol à plat. Pour chaque sunset, Sébastien Mérian propose et organise des sauts de dérives où lui seul sur le dos est suivi d'une vingtaine de "trackers" fléchant à plat. Sa vision n'a rien d'ordinaire, les dériveurs se délectent de sa vidéo ainsi que celle de Stéphane Fardel, entourant l'action dans un large tonneau vrillé avec souplesse. Seb, sur le dos, sillonne le ciel dans le sens de la piste de Vichy. L'essaim de dériveurs le suit à sa botte. Les premiers conservent une bonne proximité durant toute la durée du saut, les derniers ont davantage d'écart. L'ensemble couvre une importante distance avant d'éclater dans différentes directions pour le break final. Au sol on lève les yeux au ciel pour ne pas manquer le spectacle. Avec son sunset load, Seb crée au quotidien un divertissement qui ravit chaque soir free flyers et relativeurs. Pour l'un de ces sauts, 40 dériveurs le suivent sur sa trajectoire. Ils furent largués des deux Casa volant en formation.
Mardi, quatrième jour du boogie, Didier avait demandé aux moins expérimentés des candidats au diamant de venir se faire la main. Les largages se font des trois avions Boogie Performance. La figure grossit de 40 à 60 mais elle semble toujours aussi fragile et vulnérable. Les mêmes problèmes se perpétuent laissant un trop grand nombre de personnes dessous ou à côté de l'action. Quelques jeunes relativeurs semblent se réjouir de deux sauts à plus de 60 mais se complétant difficilement avec une cinquantaine de personnes. Les connaisseurs ne s'y trompent pas : cette qualité de sauts ne suffira pas à la réalisation du grand diamant.
Néanmoins, Didier décide de lancer les tentatives à 100. Pourquoi pas, il faut bien voir ce que çà donne et de plus les derniers arrivants sont tous des parachutistes expérimentés. Avec de la chance, çà pourrait passer....Mais la chance a décidé de ne pas s'en mêler. Il ne faudra compter que sur la valeur technique des participants. Jeudi 21, les sauts se feront désormais à 5 000 mètres d'altitude, oxygène à bord. Un Skyvan Danois et celui de Lapalisse se joignent à la patrouille des trois avions Boogie Performance. Trois tentatives infructueuses, dont deux grosses galères, mettent le moral des troupes au plus bas. Trop de personnes insuffisamment expérimentées sont dans les mailles du diamant. Au sol le groupe réserve est quasiment inexistant. Les routards de la grande formation ronchonnent. La vibration positive est en berne. Boignon n'a pas beaucoup de cartes en main pour gagner la partie. Il s'inquiète et joue un coup important en changeant la figure. Les prochaines tentatives se feront maintenant autour d'une figure ronde et classique à 108.
Ceux qui étaient venus pour le diamant sont déçus,
mais ils comprennent aussi que la décision de Didier sera la seule
chance d'établir un record. Une étoile à 10 de base
avec "cluster" sera le coeur de la nouvelle formation. 2 tentatives suffiront
pour comprendre que cette base est encore trop fragile. Didier tire sa
dernière cartouche en consolidant la base avec une étoile
à 8. La figure reste néanmoins jolie et symétrique.
Les couleurs soulignent toujours la symbolique de notre drapeau. Mais il
faudra faire avec les gens présents et pardonner les erreurs impardonnables
car le banc des remplaçants est vide. La base permet maintenant
d'arranger les choses et à la huitième tentative à
107, la formation est complète volant parfaitement durant 5 secondes.
Une seule mauvaise prise corrigée seulement à 1 seconde 24
du break ne permet pas aux juges de reconnaître le record. La figure
doit être tenue durant 3 secondes. Le verdict gifle l'espoir grandissant
après le saut. Dommage, çà volait vraiment bien, à
plat et sans tension. 107 Français ont partagé pour la première
fois le même Grand saut tous ensemble. Çà restera un
bon souvenir, mais ce n'est pas celui là qu'on est venu cherché.
La neuvième tentative, qui est passée à 106, n'a
rien d'encourageant. La dixième n'a pas eu le coup de pouce de la
chance qu'elle aurait eu besoin : deux personnes se gênent et passent
dessous, une autre est pendu à 5 000 mètres sous sa réserve,
suite à une ouverture intempestive immédiatement après
la sortie. Tout le monde y a cru, mais rien de joyeux n'est arrivé
ce samedi soir juste avant le coucher du soleil. Il reste une seule tentative
pour le dimanche matin avant les premiers départs. Entre temps,
il faut bien faire la fête, c'est la dernière soirée
de ce boogie qui demain deviendra inoubliable.
Dimanche 8 h 30, les fêtards ont été raisonnables. 106 personnes ont vraiment envie de prendre cette dernière chance. Le ciel est bleu, Didier est calme. Il rêve de se réjouir, mais il est aussi prêt à encaisser la déception. Il emmène pour la dernière fois son grand groupe à l'embarquement. Un dernier briefing aux pieds des cinq avions, un dernier élan de motivation... Chacun sait ce qu'il a à faire, il faut simplement que tout le monde le fasse ensemble et maintenant ! Ce dernier saut ressemble à la 8ème tentative. Il ressemble à un record. Une seule ligne bleue a du mal à conclure. Durant les dernières secondes avant le break, les gens se voient au travers d'une figure plate, ils se regardent, sourient timidement et s'interroge. Une demi-heure plus tard, le saut est jugé comme un record national tenu durant 3 secondes 24, clair et sans l'ombre d'un doute. Didier est porté en triomphe. Il rêvait d'un diamant à 100 qui aurait été un record de Français non homologuable. Il gagne un record de France qui devrait maintenant être reconnu par la FFP. Mais sa grande victoire est d'avoir réussi sans atout en main, d'avoir cru en tous les participants ici présents, sans bénéficier d'aucune réserve. Il a réussi à unir dans la même formation de Français des relativeurs expérimentés et de nombreux jeunes parachutistes pour qui ce record restera le premier grand souvenir de leur passion.
A l'heure où nous mettons sous presse, la formation à
106 organisée par Didier Boignon n'est pas homologuée de
façon officielle en tant que record. L'organisateur doit maintenant
ficeler son dossier et le présenter à la Fédération
Française de Parachutisme qui, elle seule, sera en mesure d'enregistrer
le record. Si la performance est officiellement reconnue par la FFP, le
106 de Vichy portera le nom de record de France (ou record national).
Le 100 féminin réalisé au Luc en Août 92
avait fait d'une pierre deux coups puisqu'il fut d'abord homologué
par la FAI comme record du monde, puis reconnu comme record de France par
la FFP. En effet, celle-ci bénéficie de dérogations
qui lui ont permis d'homologuer l'événement aussi comme record
de France, même si toutes les participantes n'étaient pas
françaises. Néanmoins, la figure devait bien sûr être
réalisée au-dessus du sol français et les participantes
devaient être au moins détenteurs de la licence FAI.
Le désir de Didier Boignon était la réalisation
d'un diamant à 100 Français qui ne pouvait donc pas être
le nouveau record de France. Il nomme alors son projet "Record de Français"
en sachant que ce titre n'a rien d'officiel et qu'il ne pourra pas être
enregistré comme record. Didier Boignon abandonne le diamant, optant
pour une figure plus facile qui n'aura de l'intérêt que si
elle est constituée de plus de 100 personnes afin de battre le précédent
record national. Le 106 de Vichy a apparemment tout
d'un record de France. Seule la FFP sera maintenant en mesure de l'homologuer
après avoir examiné la façon dont il fut réalisé
et jugé. A suivre.
Les Blancs
Barral Roland, Bertin Alain, Boignon Didier, Boignon Catherine, Bron
Laurent, Burgaud François, Carlier Pierre-Albert, Champion Franck,
Courtin Thierry, D'Aloia Sandro, Demule Hervé, Eugène Pierre-Yves,
Garangeat Jean-Claude, Hebert Arnaud, Jurvillier Eric, Lougrat Michel,
Muller Olivier, Nehls Erich, Plassard Eric, Poulhe Pierre, Pozzo di Borgo
Alexandre, Rhein Olivier, Rigolet Dominique, Ronzevalle Jeff, Rouyer Franck,
Roy Jean-Jacques, Saget Patrick, Terroni Gilles ,Thiers Henri, Vejux Alain,
Vigneau Philippe, Wack Laurent.
Les Rouges
Avezou Olivier, Bergouignan Patrick, Burnel Alain,
Burnel Corinne, Colombi François, Decombe Pascal, Dervout Bruno,
Diaz Jean-Luc, Diennet Hervé, Drevet Hubert, Gallet Catherine, Glasson
Pierre, Godard Robert, Gory Annick, Gramaglia Jean-Georges, Gravillon Sylvain,
Grody Jean, Hugonnard Jérôme, Lenoir Pascal, Lenouy Franck,
Levon Olivier, Mattoni Stéphane, Ollivier Gaëlle, Passe Patrick,
Pichon Catherine, Poissonnier Astrid, Poulhe Marie-Anne, Pouliquen François,
Quelennec Gislaine, Ribet Nathalie, Robin Michel, Simon Christine, Simon
Jean-Paul, Simon Maryvonne, Simonet Gilles, Vailong Hubert, Venier Vincent.
Les juges
Roger Duflot, Catherine Boignon, Monique Lenotte.
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DERNIERE MINUTE : Le 10 juin, la FFP annonce dans
un "communiqué de presse" qu'elle ne reconnaît pas et ne valide
pas le record !