L'article du mois :
Omar : un champion du monde au coeur ouvert...
Rencontre ce mois ci avec Omar Alhegelan. L'homme
est sympathique et il vit son rêve dans l'univers du freefly. Avec
Olav, il en a ouvert la porte et il continue maintenant son voyage multidimensionnel.
Interview et photos par Patrick
Passe
Pour
Omar, le freefly a une dimension beaucoup plus large que celle que lui
attribuent les adeptes de la tête en bas. Omar est fort en vol inverse,
mais il est puissant en chute debout et en chute assis. Il est champion
du monde de freestyle mais c'est d'abord un homme sensible pourvu de grandes
qualités humaines. Il a 32 ans. Il est Saoudien. Il a voyagé
toute son enfance, suivant son père, Ambassadeur de l'Arabie Saoudite
et exerçant sa profession de par le monde.
Né en Espagne, Omar y passe 3 années.
Puis il vivra 7 ans au Venezuela, 2 ans au Danemark, 3 ans en Angleterre,
4 ans à Washington et il passera de nombreuses vacances en France.
Pour lui, cette enfance fut une chance car elle lui a permis d'apprendre
de nombreuses langues, et il parle parfaitement l'arabe, l'anglais, l'espagnol,
le français et l'italien mais aussi de s'imprégner des différentes
cultures et mentalités. Découvrons ensemble son parcours
parachutiste et ses convictions.
ParaMag : Racontes-nous tes
débuts dans le parachutisme ?
Omar : J'ai commencé le parachutisme
en novembre 1993 sur un petit terrain qui n'existe plus et qui se trouvait
en banlieue de Washington, capitale des États Unis. J'ai réalisé
une PAC en 5 sauts au lieu de 7, puis j'ai pris quelques cours de vol relatif
avec Skydive University. A mon vingt deuxième saut, je participais
à un excellent VR-4 où nous avons fait 13 points. Çà
restera un souvenir de débutant inoubliable. Je suis devenu rapidement
mordu, mais le rythme de ce petit centre ne correspondait plus à
mon attente. Nous sautions d'un Cessna et la plupart des gens venait y
faire seulement 2 ou 3 sauts par week-end. Les sauts de VR-4 auxquels je
participais devenaient ennuyeux. La plupart du temps nous attendions toujours
quelqu'un qui était soit dessous, ou trop lent à l'appontage,
et moi j'avais envie de bouger en l'air. J'ai découvert alors des
cassettes vidéo de freestyle avec Scott Smith et je fus immédiatement
attiré par cette discipline individuelle ou je ne devais plus être
tributaire du niveau technique des autres. Avec le freestyle, la porte
s'ouvrait sur des sauts riches en mouvement de toutes sortes. J'ai pratiqué
le plongeon durant 3 ans lorsque j'étais au lycée. Cet acquis
allait m'être bénéfique dans la pratique du freestyle.
J'ai commencé seul et je sentais que je réalisais pas mal
de choses découvertes dans la cassette vidéo. J'ai fait alors
un stage de 2 semaines avec Tamara Koyn, à Deland, à l'issue
duquel j'ai rencontré Olav Zipser. Il était champion du monde
de freestyle en titre, je savais qu'il avait découvert la position
tête en bas et qu'il était en passe d'être le précurseur
d'une nouvelle discipline, le freefly. Nous avons discuté, échangé
nos points de vues et regardé respectivement nos sauts vidéo.
Nous avons fait quelques sauts ensemble. Olav fut tenté de devenir
à la fois mon entraîneur, mon coéquipier et vidéoman.
Nous décidions de nous unir pour une équipe de freestyle.
ParaMag: Dès lors ce fut la moisson de médailles.
Omar: En effet, notre entraînement intense
a rapidement payé. A peine 10 mois après ma PAC, Olav et
moi gagnons la médaille d'argent du championnat du monde 94 de freestyle,
à 1 point derrière Marco Manna et Bruno Brokken. Puis juste
après cette compétition nous avons gagné "The 1st
Tony Sit Flying Competition". En 95 à Ampfing, nous montons sur
la troisième marche du podium des championnats du monde de freestyle.
En 96, je change de vidéoman et je m'associe avec Orly King. Ensemble
nous gagnons la coupe du monde de freestyle en Turquie. En 97, c'est la
médaille d'or aux World Games en Finlande. Puis, en Turquie, je
concrétise mon rêve : avec Orly comme coéquipier, je
gagne le premier titre de champion du monde en freestyle reconnu par la
FAI.
ParaMag : Parallèlement
à ton succès en temps que freestyler, il y a eu la grande
aventure freefly.
Omar : Oui, les grands moments Free Fly Clowns
avec Olav, Charles Bryan et moi même. Un parcours incroyable où
ensemble nous avons donné vie à cette nouvelle discipline
au sein de la compétition. Nous avons gagné toutes les étapes
du Pro Tour ainsi que le "Free Flight World Championship 96".
ParaMag : Ton premier objectif était d'avoir
un parcours de freestyler, puis en chemin tu es allé vers le freefly.
Comment expliques tu cela ?
Omar : Olav et moi étions d'abord une
équipe de freestyle, toutefois un peu particulière puisque
nous volions l'un par rapport à l'autre, lui en temps que vidéoman
et moi comme freestyler, afin d'apporter des effets de caméra à
l'exécution de mes mouvements. Doucement nous changions alors le
concept relatif au fonctionnement d'une équipe de freestyle, pour
lequel jusque là le vidéoman se chargeait de cadrer les mouvements
du freestyler sans vraiment associer le vol de l'un à celui de l'autre.
Nous partions intentionnellement sur le chemin du freefly. Avant cela,
ça n'était qu'une idée, celle d'Olav, à qui
je donne énormément de crédit. Il a toujours eu cette
vision du freefly qui l'emportait sur le freestyle. Il n'a jamais aimé
se concentrer sur la pointe des pieds tendus, la tenue du corps, etc...
Il voulait vraiment montrer ce qu'une personne pouvait faire, en train
de voler. Au cours de notre saison 94, nous avons demandé à
Mike Vail de venir nous rejoindre à Eloy pour faire des sauts à
3 et filmer nos premiers pas en freefly. A cette époque, j'étais
plutôt en base, en chute debout. Olav volait tête en bas et
évoluait autour de moi. Nous avons réalisé les premiers
mouvements de vol relatif dans le tube vertical, tel que "compressed accordian",
"foot to foot", "volcan" etc... Je me souviens que Mike avait encore beaucoup
de mal à voler sur la tête et à bien nous cadrer. Il
a pesté de nombreuses fois jusqu'au jour où il a trouvé
le truc. Ces sauts que nous réalisions ensemble, c'était
vraiment la naissance du freefly.
ParaMag : Combien totalises-tu de sauts maintenant
?
Omar : Environ 5 000 sauts. Je fais environ
1 200 sauts par an.
ParaMag : As-tu une préférence entre
le freestyle ou le freefly ?
Omar : J'aime beaucoup les 2, mais le freefly
correspond davantage à mon état d'esprit. Le freestyle demande
de la discipline et de la concentration pour réaliser son programme
en pensant toujours à sa présentation. Il y a beaucoup plus
de "laisser-aller " dans le freefly. Et puis c'est un jeu tridimensionnel
que l'on partage avec les autres.
ParaMag: Quels sont tes projets pour l'année
98 ?
Omar : Je donne d'abord la priorité
au fonctionnement de mon école "Arizona Free Flight" qui est implantée
à Eloy. Parallèlement, je m'entraînerai en freestyle
en vue de participer à la coupe du monde 98 au Portugal. Craig Gasson,
ex-vidéoman de Dale Stuart, sera maintenant mon coéquipier.
Je suis aussi l'entraîneur d'une nouvelle équipe de freefly
constituée de 3 des instructeurs travaillant au sein de mon école.
Cette équipe participera au Pro Tour 98.
ParaMag : Que propose ton école
"Arizona Free Flight" et comment fonctionne-t-elle ?
Omar : On y apprend ou on se perfectionne,
au choix, en skysurf avec le champion du monde Oliver Furrer, en freestyle
et en freefly. 5 à 7 moniteurs de freefly seront au service de nos
élèves. Ils sont tous très expérimentés
et ont participé au Pro Tour 97. Pour ma part je serai disponible
comme instructeur et entraîneur en freefly et freestyle. Le prix
d'un saut école est de 65 dollars (environ 400 fr.) comprenant la
vidéo, les places avions de l'élève et son instructeur,
ainsi que le coaching. Nous demandons aux élèves de faire
un minimum de 5 sauts. Nous insistons énormément sur la sécurité
et la prise de conscience du taux de chute élevé. L'école
est sponsorisée par Performance Designs, Sun Path, Surflite, Cypres,
Tony Suit et Larsen & Brusgard.
ParaMag : Quelle est ta philosophie en matière
de freefly et en temps qu'instructeur de la discipline ?
Omar : C'est d'abord beaucoup plus que de
voler tête en bas. Çà c'est une position, mais il y
a de nombreuses autres configurations basées sur la position assise,
debout ou sur le dos. Pour moi le freefly c'est faire évoluer son
corps dans l'espace dans de nombreuses positions et en passant par de multiples
transitions. Il y a trop de gens qui pensent que le freefly c'est chuter
sur la tête, mais il y a tellement d'autres énergies dans
d'autres positions tel que debout ou assis par exemple. Quelqu'un qui veut
apprendre le freefly doit d'abord être conscient de cela afin que
son esprit s'ouvre à la réalité profonde du freefly
et qu'en suivant son apprentissage, il découvre l'efficacité
des nombreux mouvements moteurs dans le vent relatif.
ParaMag : Quel est ton meilleur
souvenir parachutiste ?
Omar : Il y en a de nombreux et le premier
qui me vient à l'esprit est un saut de freefly avec un US Marine
ayant marché sur une mine au cours de la guerre du Golfe, proche
de mon pays d'origine. Il y a laissé un oeil, l'audition d'une oreille
et les 2 jambes au-dessus de la cuisse. Il vit avec 2 prothèses
très perfectionnées et vole tête en bas avec beaucoup
d'habileté. J'étais aussi profondément ému
de le voir participer à une compétition pour laquelle je
fus l'un des juges. Il donne au quotidien une grande leçon de courage
à tout son entourage. Pour continuer à sauter, puis se mettre
au freefly, ce type là s'est vraiment battu tant physiquement que
moralement. Sur le plan purement technique, mon meilleur souvenir est sans
aucun doute l'un des sauts du programme Free Fly Clowns qu'Olav et moi
réalisions. Nous appelions ce saut "Around the World" (le tour du
monde). Il présentait une séquence de 7 mouvements telles
que des séries d'accordéons verticaux avec en inter figures
des loops, des passages dessus-dessous, des contacts pieds et des appontages
verticaux, le tout avec des transitions chute debout/tête en bas.
Pouvoir enchaîner cette séquence 3 ou 4 fois dans le même
saut, c'était vraiment incroyable...
ParaMag : Ne regrettes-tu pas votre séparation
avec Olav ?
Omar : Oui et non. Certes les Free Fly Clowns,
c'était une équipe fantastique, un rêve que nous touchions
du doigt. Techniquement nous étions allés très loin
et jusqu'à présent, aucune équipe n'a pu réaliser
ce que nous faisions. Mes meilleurs sauts, je les ai fait avec Olav. Mais
d'un autre côté, notre séparation permet de nous ouvrir
au monde du freefly et d'enseigner aux autres ce que nous avons découvert
et appris. Nous choisissons maintenant de suivre chacun notre voie, faire
grandir le sport en espérant qu'un jour il y ait dans les avions
autant de freeflyers qu'il y a eu de relativeurs. Ce qui me plaît
beaucoup c'est qu'il y a 3 ans, nous étions 3 Clowns à croire
et à pratiquer le freefly intensément. Puis une poignée
d'équipes nous a rejoint sur la route. Au Free Fly Festival 96,
nous étions 30 freeflyers. 150 personnes sont venues au Free Fly
Festival 97, l'an prochain nous serons peut être 300. En respectant
tous les autres aspects de notre sport , on se doit de constater que le
freefly est la discipline qui a grandi le plus vite en si peu de temps.
J'ai beaucoup de respect pour le vol relatif et les autres disciplines,
beaucoup de respect pour leurs champions tels que Jack Jefferies, Eric
Fradet et bien d'autres. Je préfère pratiquer le freefly,
mais j'admire tout ce qui fait la richesse de notre sport.